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Patrice : Luxe d’écriture (2)...
Vendredi, 15 Janvier 2021

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L’Andalousie ou les Hespérides...

« … Pas de pays plus dominé par une religion puissante qui favorise le plus souvent la bigoterie et l’intolérance, mais pas de pays non plus où l’on sente davantage sous le brocart des dévotions ou sous la pierre des dogmes, sourdre la ferveur humaine.

Pas de pays plus libre, de cette rudimentaire et suprême liberté faite de dépouillement, de pauvreté, d’indifférence, du goût de vivre et du mépris de mourir.

Enumérons nos délices : Grenade était belle, mais ce rossignol qui chanta toutes les nuits, cette gorge brune gonflée de sons nous en apprit tout autant sur la poésie arabe que les inscriptions de l’Alhambra.

A Cadix, au bord de l’Océan, parmi les blocs submergés qui sont peut-être ceux de l’Hercule gadéditain, ce jeune garçon aux jambes brunes, enfoncé jusqu’à mi-cuisses dans de l’eau pâle et bleue comme ses haillons délavés, soucieux seulement des profits et des déconvenues de sa pêche, ne nous émouvait pas moins qu’une statue antique trouvée à fleur d’eau.

Cette vieille religieuse à demi aveugle qui nous montait sans les voir les tableaux de l’Hôpital de la Caridad prend place dans nos souvenirs à côté des figures peintes.

L’immensité massive de la cathédrale de Séville semblait expliquée ou justifiée peut-être par la présence d’une femme solitaire priant les bras en croix.

Moins encore ou mieux encore :

Je pense à ces deux paysans couchés au bord de la route dans leurs vêtements de laine rayée, à ces tas de moutons égorgés dans une charrette au seuil d’un boucher, pleine de la présence obscène et candide de la mort, à ces fleurs un peu moites froissées par les mains d’un petit mendiant, à ce pain sur une table que survole insidieusement une mouche, à cette grenade d’où gicle un jus rose... »

« L’Andalousie ou les Hespérides » 1982

Edité par Rivages ; "Cahiers du Sud"   Marguerite Yourcenar.

Bruxelles : 8/06/1983 - Bar Harbor (Etat du Maine/USA) / 17/12/1987.

Patrice Quiot