Vendredi 29 Mars 2024
PATRICE

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Brindis à Jean-Pierre Darracq «El Tío Pepe»...

  « Présence française »

« Sur les gradins de nos arènes, dans les tertulias ou les conversations entre aficionados, il est rare que les propos échangés concernent ceux de nos compatriotes qui travaillent comme subalternes dans  les cuadrillas.

Il est vrai que sous le costume traditionnel, rien ne les distingue de leurs collègues espagnols, si ce n’est la discrétion dans leurs interventions et l’application intelligente des directives du matador.

Naturellement, la physionomie d’un certain nombre d’entre eux nous est familière, et, en cas d’hésitation, l’aficionado spectateur peut identifier le torero en lisant son nom, imprimé au revers de la cape de travail. Mais ce n’est pas toujours facile, surtout lorsque l’intéressé entre en action  et que sa cape se déploie, se replie, se ferme.

Là n’est pas le problème.

Ce qui mérite de retenir notre attention, c’est l’étonnante percée de quelques-uns dans les cuadrillas, non seulement françaises, avec Richard Milian ou Denis Loré, Patrick Varin (on ne saurait ignorer Nimeño), mais encore espagnoles.

Que JM Bourret soit intégré comme titulaire dans l’équipe d’Enrique Ponce, Christian Romero dans celle de Jesulín, José Caparros dans celle d’El Fundi et El Andaluz dans celle de Julián Zamora, est proprement stupéfiant si l’on veut bien réfléchir.

Parce que dans ce domaine, ô combien réservé, entrent en jeu, certes la compétence professionnelle, mais, à l’inverse, le chômage chez nos voisins et la bonne vieille xénophobie à l’égard de ces « Franchuttes » que l’on n’aime guère.

Sans oublier les redoutables syndicats.

Que la France produise de bons peones de brega ou banderilleros, ce n’est pas une nouveauté. Nous en avons connu un certain nombre avant la guerre de 1939.

Disons, Michelet pour simplifier.

Mais, jamais comme titulaires dans la cuadrilla d’un matador espagnol.

On peut estimer que, pour les avoir vus à l’œuvre, les Espagnols les ont pris en considération. Car, dans l’arène, les notions d’efficacité et de rendement prennent toute leur valeur et on les apprécie.

Voir évoluer des toreros aussi compétents qu’El Andaluz, les Romero, Maxime, Monzon, Agustín, Chico Leal, Frédéric Pascal, qui possèdent l’intelligence des situations, de la place et du geste, entraine une satisfaction pour qui aime le travail bien fait.

Je ne vois pas d’autre explication à la présence de nos compatriotes dans une profession pleine de risques, mais où le savoir-faire revêt une telle importance qu’il conditionne en partie l’évolution de la lidia et par conséquent, justifie la confiance du matador à l’égard de ses subordonnés, aguerris par des années de vaches maigres et de galères avant de s’imposer dans ce métier difficile et riche d’aléas.

Cependant, l’autorité acquise au mérite n’autorise pas dans des circonstances particulières la désinvolture et moins encore l’impertinence vis-à-vis du public.

Même observation en ce qui concerne nos picadors français. Aucun picador espagnol ne surpasse et souvent n’égale Michel Bouix dans l’exercice de la profession, son sens de la place, son habileté et son énergie. Michel est à coup sûr, l’un des picadors actuels le plus souvent applaudis parmi ces mal-aimés de la Fiesta, et, de surcroît, il possède une rare intelligence de son rôle, si déterminant sur le seul comportement ultérieur du toro.

Mais, il n’est point seul : Sébastian, Monnier, Morales peuvent caresser l’espoir d’une carrière fructueuse.

En résumé, la présence de tous ces toreros français (ou fixés en France) entourant les maestros témoigne de la vitalité de l’aficion française.

Elle est un gage d’espoir. »

«Toros » N° 1414- 16/10/1991/Publié dans «Chroniques» (1998) /Editions Cairn.

Jean-Pierre Darracq « El Tío Pepe »   (Bordeaux 1911/Arcachon 1992)

Jean-Pierre Darracq, "EL TÍO PEPE" fut toute sa vie enseignant, achevant sa carrière à l’institut français de Madrid puis à l’Alliance Française aux Baléares.

Critique taurin dès les années trente, il écrivit pendant 40 ans  dans la revue "Toros".

Œuvres :

Les tertulias du Tío Pepe (2009)

Chroniques (1998)

Le jour où mourut Joselito (1992)

Genèse de la corrida moderne (1991)

La Tauromachie dans le sud-ouest de la France (1984), avec Jean-Pierre Darracq comme Préfacier.

Miura, contribution à l'historique de la Fiesta brava et d'un élevage prestigieux (1979)

Afición (1974).

Patrice Quiot