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Mercredi, 17 Février 2021

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Henri, notaire à St Sever...

Le Henri était un gascon de pura cepa, avait les moustaches rousses, le ventre bien rebondi et portait un sombrero cordobés de ala ancha quand il allait aux arènes.

Il était Président de la Fédération des Sociétés Taurines de France, partageait avec Georges Dubos la critique taurine de «Sud-Ouest», s’exprimait occasionnellement dans «Toros», mais prenait toute sa dimension dans la rhétorique dont il se réservait l’usufruit.

Dans les clubs taurins, sur le trottoir ou au bistrot, quand Henri parlait de toros il était, comme Cicéron, pro xxx ou in xxx, (le nom xxx étant le nom de la partie représentée par Henri (pro) ou de la partie adverse (in);  for instance pro Ordoñez et in Casas) et, quand il en avait terminé, il partait chasser la palombe après avoir fermé l’étude à cet effet.

Il avait une autorité de force probante, arborant au revers du costume ses convictions tauromachiques intangibles et portant à la boutonnière son appartenance au parti « Chasse, Nature, Pêche et Tradition ».

Aussi, quand je me permettais d’émettre un avis un tout petit peu  différent de celui du de cujus, il me mettait simplement le bras sur l’épaule me disant  d’un air contrit : « Mon pauvre ami… », ne me  donnant cependant pas la main levée sur ce qu’il considérait comme un vice apparent de raisonnement.

Il était comme ça Henri.

Il aimait les bons repas, le fino, mais pas la manzanilla, les espadrilles, Séville, l’armagnac de Laberdolive, prenait le train pour aller à la Maestranza, défendait le contrat synallagmatique entre le torero et le public et, solidaire d’une tontine morale conjointement établie à la maternelle, continuait à appeler ses copains Pierrot, Dédé ou Jeannot.

C’était son droit le plus strict.

En termes de droit et dans le monde des toros, Henri était d’une intransigeance poutinesque.

Il haïssait tout ce qui relevait du sous-seing privé.

Par exemple, pour lui et quel que soit le toro - qui,  rédhibitoirement, ne pouvait pas peser moins de 600 kg -, l’oreille ne se justifiait que si le torero avait donné trente naturelles de face dont vingt-huit avec la corne à moins de deux cm de la fémorale, que si le coup d’épée avait été porté dans le haut en se faisant arracher le chaleco et la cravate et si, bien entendu, la pétition avait été plus que majoritaire.

Vous comprendrez aisément que l’imaginaire d’Henri ne pouvait envisager qu’un torero soit né autre part que loin en dessous du Despeñaperros, concevoir que, par subrogation, une femme puisse occuper la contre-piste ou que des oreilles de sens puissent s’accorder à Nîmes.

Dans ces conditions, vous imaginez bien que quelqu’un né à Spire, à Paris, à Montpellier à Arles ou au pays d’Antonin, avait autant de chance de faire le paseo qu’un politique grec qui ne s’appellerait pas Papandréou, Papadopoulos ou Karamanlis à entrer au  Vouli ou qu’un député palestinien à faire entendre sa voix à la Knesset.

Même les requérants de la Chalosse voisine comme André Viard ou Vincent Bourg n’avaient pas droit à l’onction capdevillesque, d’autant que ces lascars à l’image de Cacou Pène votaient du mauvais côté de la carte électorale !

Alors inutile de vous dire la colère sans prescription d’Henri quand, dans son pueblo itself, des allumés de toreros français avaient sauté en piste et encore moins inutile de vous assurer qu’il n’avait pas rampellé à faire intervenir ses gros bras de copains pour leur tirer une grosse branlée.

Balzac l’en excuserait  peut-être en écrivant   : « Les notaires sont des officiers : peut-être leur vie est-elle un long combat. Obligés de dissimuler sous la gravité du costume leurs idées drolatiques, forcés d'être tristes avec des héritiers qui souvent crèveraient de rire s'ils étaient seuls dans la pièce, de raisonner des veuves folles de joie, de consoler des fils par des totaux d'inventaire, de rire sans raison et de raisonner sans rire. »

En fait, la faconde sentencieuse d’un Henri aficionado en nœud papillon, bien loin des plaidoyers millimétrés et accusatoires d’un Eric Dupont-Moretti, relevait d’un romantisme quelque peu désuet.

Car, de verdad,  au-delà de ses défauts, Henri Capdeville, mort le 1/11/ 2010, portait en  lui les stigmates d'un poète.

Il était du "canal historique", comme on dit.

On aurait dû le conserver dans une boule de verre qu’on agiterait de temps en temps pour le recouvrir d’une neige d’éternité.

PS : Ce qui pour autant ne veut pas dire que dans le monde des toros, il n’existe pas d’autres notaires; claro qu’il en existe d’autres, mais je ne les connais pas assez pour pouvoir en parler.

Néanmoins, pour la bonne règle et par respectueuse courtoisie, il convient de citer :

Tras los montes : Luis Bollain, ami intime du « Pasmo de Triana ».

Mais aussi et de l’autre côté du Perthus :

-   Joël Bartolotti, de Bellegarde, torista et gallista qui fut oncques et pour un temps, directeur de »Toros » ;

-    Jean-Pierre Cuillé, de Générac, « pelo » de la ganadería et manade éponyme à la devise verte et blanche. Titulaire de sept bious d’or, JPC occupe la troisième marche derrière Henri Laurent et Jean Lafont sur le podium de la Champion’s League de Camargue.

(Fuente : Christian Chalvet).

Patrice Quiot