Mercredi 24 Avril 2024
PATRICE

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Recuerdo de trucha a la navarra (2)...

... Ce jeudi 5 juillet 1984, Alcalde qui avait trente-trois ans, descendait au «Victoria», Plaza de Santa Ana, 14, 28012. Madrid.

Il est certain que le lieu était différent de la petite maison d’Alamillo (Ciudad Real) où il était né.

Différent également de la pension Arosa de Barcelone où il s’employa comme « botones ».

Et, où, à plus de vingt ans, il vit pour la première fois la mer.

Ce même jour, Juan Carlos qui avait quarante-six balais et qui était roi d’Espagne depuis neuf ans, regardait avec un intérêt tout particulier dans son palais de la Zarzuela la cravate que lui avait choisie maman pour aller a los toros por la tarde.

Nous, nous avions trente-cinq ans, je n’avais pas de cravate autour de mon cou et encore moins de trucha a la navarra dans le coco.

Mais nous étions à Madrid.                                                                                       

Il y a des gens qui, par goût de l’exotisme, vont au Kenya pour les safaris, en Laponie pour les ours ou au Tibet pour les moines.                       

Les mêmes feraient bien mieux d’aller à Madrid !

En matière d’exotisme, ils seraient servis.

Par exemple, au «Hammam Andalus», 13 calle de Concepción Jerónima, où dans la vapeur afférente à l’endroit, ils pourraient observer sur le coup des onze heures du matin des autochtones  suant comme une manteca colorá abandonnée au soleil d’été d’Écija et se disputant à coups de serviettes au sujet d’un article de «Marca» remettant en cause les qualités de l’Atletico avant de se réconcilier au bistrot attenant autour d’un chocolat crémeux accompagné d’une  double ración de morcilla frite.

Par exemple, au pied de la statue de Calderón de la Barca, ils pourraient observer des pigeons complètement ensuqués auxquels des vieilles dames donnent affectueusement du chorizo qu’elles agrémentent gentiment de miettes de rosquillas de San Isidro.

Un sucré salé ibérique de tout premier ordre qui rend les pigeons idiots.

Par exemple, quand tenus par une soif inextinguible et ne voulant pas tomber dans le péché du brutal, ils commanderaient un jus de fruits en demandant si le produit proposé est constitué de fruits frais, ils pourraient observer que le serveur, indigné par l’offense ainsi faite, leur répondrait : « Que no ! Que no ! Es de lata... »

Ils pourraient également être attentifs au dialecte local ; ainsi ils noteraient dans leur carnet de voyage qu’en madrilène un bus se dit « Bule », qu’une maison s’appelle « Keli » et  une voiture « Buga ».

Et lorsque se laissant un peu aller, ils trinqueraient avec le patron de la Taberna de Ángel Sierra (Calle de Gravina, 11) dans lequel ils se seraient tapé une paire de vermouth au robinet, ils noteraient, en guise de « A la vôtre » le  magnifique : « Pa’ arriba, pa’ bajo, pa’l centro, pa’ dentro » du tenancier en pantoufle.

Dans de telles conditions, le temps passe vite et, at around quatorze heures, me rabattant sur des épinards aux pois chiches et des callos a la madrileña assorties d’un Rioja « Cuña de Reyes 1981 » de bon aloi,  j’avais presque oublié la truite.

A «Las Ventas», Marcial Lalanda portant cravate était assis en barrera à côté du Roi, lui aussi en cravate choisie par maman Sofia.

Outre ce détail  taurin, royal et vestimentaire, il ne se passa rien.

Na’ de na’.

Mais le soir, nous avions rendez-vous avec Molina qui allait de troisième dans la  «Cuadrilla del Arte» qui, à ce moment-là, était constituée, outre lui, du grassouillet et phénoménal  Manolo Ortiz et de cet impénitent bavard de Curro Álvarez.

Le rendez-vous fut presque compromis dans la mesure où ayant glissé dans la baignoire, je m’étais ouvert le coude jusqu’à l’os en  le cognant sur la bonde.

Dispensaire de la Plaza Real, médecin alcoolique qui, n’ayant pas le temps de m’endormir localement, me demanda si j’étais un homme, me charcuta à m’en faire évanouir ce dont profita l’éminent clinicien pour me finir et me recoudre avant de se tromper dans la rédaction de l’ordonnance qui me déclencha une semaine après un début de septicémie qui aurait pu m’éloigner à jamais de la trucha a la navarra !

Mais, no paso nada ; on se la passa de luxe avec Julio qui nous précisa que l’ami Alcade toréait le lendemain à Valdepeñas et qu’il serait enchanté, mais vraiment enchanté de nous y voir.

Molina vint nous chercher le lendemain vers 10h ; on attendit un long moment « El Diamante Rubio » qui faisait partie du transport et encore plus longtemps un copain du «Diamante», un muet probablement aveugle, qu’on abandonna dans une station-service.

Au cartel du vendredi 5 juillet 1984 à Valdepeñas : Paco Alcalde, «Morenito de Maracay» et Tomás Campuzano avec un encierro de Frias Hmnos.

Au menu de midi : Pas de truite !

Dans la chambre où il s’habillait après s’être longuement douché, longuement rasé et longuement enduit de pommades, de crème et de trois eaux de Cologne différentes, Molina eut soudain un gros coup de blues au vu de sa situation de troisième, ce dont il se remit  rapidement après un coup de téléphone avec son ami « El Peluco », cantaor flamenco et arbitre de football, qui lui raconta la dernière histoire arrivée à un autre collègue à eux qui exerçait la profession d’homosexuel et que, vestido de luces, Julio nous relata dans une forme qu’on ne pourrait pas qualifier de vraiment châtiée.

Comme quoi le langage libéré peut soigner l’enfoui (comme les pedacitos de jamón  serrano dans le ventre de la truite).

A la plaza et pour faire court, ça se passa regular moins.

Le soir, au dîner, on en parla peu, Alcade nous disant cependant que la bronca de sept minutes à son premier toro était la plus longue qu’il eût entendue !

On en resta là et on partit sur d’autres sujets jusqu’au moment où Alcalde me demanda comment nous pensions rentrer à Madrid pour prendre le train qui nous ramènerait en France.

Il était aux environs de minuit.

Ne m’étant pas posé la question, je ne sus que lui répondre.

Il demanda à son valet d’épée de nous y conduire et de le rejoindre tout de suite après.

Le picador de Morenito ayant interrogé le mozo pour savoir s’il pouvait profiter de la voiture pour rentrer à Aranjuez, le mozo nous demanda notre accord pour le faire.

Il roula 212 kms, nous laissa à la porte du Matute, nous ouvrit la portière et  prit notre bagage avant de repartir.

Dans le train du retour, quand au wagon-restaurant je commandais une trucha à la navarra, le maitre d’hôtel au porte-clés pendant de sa poche me dit que le couple de suédois qui venait de quitter la table voisine avait pris les dernières et, ne les ayant pas trouvées à leur goût, les avaient laissées.

«  Tié q’haber gente pa’tó !» disait Rafaé !!!

Patrice Quiot