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Dimanche, 14 Mars 2021

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Cette pépite de J. Ergey, consacrée à Pierre Cazenabe, dit Félix Robert, premier matador de toros français...

Publiée le 25 février 1912.

Adressée à « Corrida Si » par Michel Marcos, « El Quijote » et mise en ligne sur le site.

Avec coquilles  d’époque.

Oncle et neveu (1)  

« La vente de la vieille ganadería d’Estibeaux au jeune ganadero Robert nous est une occasion favorable de publier quelques lignes sur les Robert, l’oncle et le neuveu [sic]. Nous empruntons à notre aînée, le grand journal taurin LA COURSE LANDAISE, les extraits suivants :

Le 2 mai 1899 eut lieu en plaza de Madrid la confirmation de l’alternative déjà donnée à Séville par Minuto à notre compatriote Félix Robert.

Nous sommes heureux de donner à nos lecteurs une traduction del Nuevo Mundo du 10 mai 1809 [pour 1899] (n°279) :

Lorsque la veille de la course où devait alterner pour la première fois à Madrid ce vaillant diestro français, je me mis à sa recherche pour lui demander un interview. Je me doutais bien que je n’aurais pas affaire à un homme sobre de paroles et plus sobre encore de courtoisie, comme la plupart des toreros d’ici, lesquels, enorgueillis par les applaudissements, traitent avec dédain ceux-là même à qui ils doivent une grande partie de leur renommée.

Au-delà des Pyrénées, la bonne éducation et l’affabilité sont beaucoup plus répandues qu’en deçà ; aussi m’attendais-je à être bien reçu malgré qu’il s’agit d’un torero unique en son pays, circonstances qui lui donne[nt] le droit d’être plus fier que le meilleur de notre territoire où ils abondent.

En effet, je ne m’étais pas trompé : au contraire, j’eus l’agréable surprise de voir que la réalité, loin de détruire mes espérances, était plus favorable encore que je ne l’avais imaginé.

Félix Robert, avec son allure de matador de toros, sa crânerie et sa richesse de diestro espagnol, est un homme bien élevé, courtois, affable et plein de déférence.

J’ai dit sa crânerie espagnole parce que, allant à sa rencontre et l’ayant croisé dans la rue, je doutai longtemps avant de me convaincre que l’homme qui portait avec une élégance si naturelle le pantalon montant, la veste courte et le « sombrero » cordouan pouvait être l’étranger que je cherchais. Et j’aurais continué mon chemin persuadé que ce n’était pas lui, si je n’avais remarqué un caballero qui l’accompagnait et qui m’offrit le parfait type du Français.

Je lui dis que je désirais quelques renseignements, et il s’offrit, avec une parfaite bonne grâce, à me communiquer tous ceux que je voudrais. Je vais rapporter ici ce qu’il me dit aussi fidèlement que me le permettra ma mémoire.

Félix Robert naquit à Meilhan en 1864 [en réalité en 1862, Félix s’est toujours rajeuni dans les interviews…], et dès sa plus tendre jeunesse sentit s’éveiller en lui la vocation pour l’art difficile auquel il s’est adonné. Le torero landais, avec son style spécial qui ne ressemble en rien à l’art de Montes et de Pepe Hillo, fut celui  qui réveilla en lui cette aficion à laquelle il se consacra dès l’âge de quinze ans.

Mais lorsque commença à se développer en France le goût des courses de taureaux à l’espagnole, et que ces fêtes réussirent à passer la frontière, avec, il est vrai, des modifications qui altéraient beaucoup leur caractère, Robert éprouva le besoin de changer sa manière et d’apprendre ce toreo qui se présentait à lui avec ses merveilleuses beautés qui ont fait généraliser en France notre fête nationale [la Fiesta Nacional] et lui ont valu dans ce pays de si nombreux et si enthousiastes partisans.

Il se rendit alors à Séville et s’immatricula à l’école de tauromachie, où il sut profiter des sages conseils des maîtres, et de retour dans sa patrie commença à toréer à notre mode, bien que sans exécuter la «suerte » suprême, qui était alors absolument interdite.

Néanmoins, avec le simulacre de la mort, il se perfectionna dans le maniement de la muleta et dans l’art de se profiler et d’entrer en indiquant [la sortie des] les estocades.

Comme il se trouvait en l’un des pays [l’une des régions] où, l’aficion étant plus développée, les autorités étaient plus tolérantes, on organisa une course nouvelle où le diestro devait tuer les taureaux qui sortiraient dans le redondel. Mais les autorités de la capitale en ayant été informées à temps, envoyèrent un détachement de gendarmerie pour empêcher l’exécution du programme.

L’impressario [sic] de la plaza, peu docte en la matière, avait procuré à ce diestro pour tuer les taureaux… un sabre de cavalerie et Robert avait donné trois ou quatre estocades (employons ce terme) lorsque les gendarmes se présentèrent.

Il se produisit un grand tumulte devant cette intempestive invasion qui frustaient [sic] les spectateurs et la force publique ne trouvant d’autre moyen pour calmer les esprits et empêcher la course de continuer, ordonna d’ouvrir les portes pour entrer dans le redondel. Mais le taureau, qui malgré les estocades reçues était demeuré vigoureux, profita de ce moment pour échapper au courroux du matador, et rompant les rangs des gendarmes qui le laissèrent courtoisement passer, sortit de la place et s’élança à travers les rues de la ville, mettant précipitamment en déroute les promeneurs surpris par une aussi désagréable visite.

Robert s’élança sur les traces du taureau avec sa muleta et son sabre, et la gendarmerie suivit à une distance respectueuse. Non loin de la plaza, le taureau s’affala, et le diestro l’acheva au premier essai de descabello.

Les gendarmes voyant tout danger écarté, s’avancèrent alors et empoignèrent le torero qui paya son dévouement de quelques jours de prison*.

Nous étions le dimanche 14 octobre 1894 ».

*Robert conte ici un épisode resté célèbre, conséquence des démêlées entre le premier magistrat de Dax, R. Milliès-Lacroix et l’administration centrale qui avait interdit les courses de taureaux hispano-landaises, avec mise à mort de l’animal. Le Maire fut d’ailleurs, un temps, démis de ses fonctions par le Préfet. Robert galèje un peu, grossissant son rôle ; en réalité, c’est l’écarteur Paul Nassiet, qui faisait partie de sa cuadrilla - banderilles, sauts… - qui achèvera le toro, coincé dans le cul de sac qui prendra à partir de cet évènement le nom de “Rue du toro” (où, ironie de l’histoire, la “Peña Enrique Ponce” aura temporairement son siège un siècle plus tard !). Il est, par contre, tout à fait vrai que les deux protagonistes, Robert et Nassiet, iront en prison pour quelques heures, mais la manifestation qui s’en suivit décida la maréchaussée à les libérer.

(A suivre…)

Patrice Quiot