Vendredi 29 Mars 2024
PATRICE
Jeudi, 22 Avril 2021

jos22ph1

Joselito’s strange last day... (1)

Madrid 16 mai 1920.

Dimanche.

Rue Arrieta.

Dans sa maison.

José Gómez Ortega « Joselito » s’est levé tôt.

A  sept heures.

La veille, devant les toros de Carmen Federico, ça avait été un désastre.

A son second,  une femme du tendido 2 l’avait insulté : 

«¡ Cobarde !».

Du 10, une voix avait crié : “ ¡ Qu’un toro te tue demain à Talavera !”.

Il avait reçu un coussin sur la tête.

Laissé tomber sa muleta, s’était appuyé à la barrera et s’était pris la tête dans les mains.

Ce matin du dimanche 16 mai, pendant qu’il s’habille, il entend la voix  des gamins qui vendent la presse du jour:

La Tribuna, compre la Tribuna con el fracaso de Joselito...”

Il boit une infusion de camomille pour essayer de calmer son estomac qui le fait souffrir.

A huit heures, il est à la Estación de Delicias pour prendre le train jusqu’à Talavera.

Sur le chemin de la gare, des insultes ont fusé.  

Avec lui dans le compartiment, Fernando, son frère, les membres de la cuadrilla, son ami Darío López, Leandro Villar, empresario de Talavera et apoderado de Sánchez Mejías, ainsi que le critique taurin Gregorio Corrochano.

Pendant le voyage, on discute de la corrida d’Albaserrada du 17 mai qui n’avait pu être lidiée le 15 pour défaut de présentation.

« Los toros eran cortos de pitones » dit quelqu’un.

Joselito : « Se desechan los toros cornicortos, esos que se llaman de poco respeto en la cabeza, porque cree la gente que no son peligrosos, que no pueden dar una cornada; y es lo contrario: Esos toros cornicortos son más certeros y rara vez enganchan sin herir. »

La corrida de ce 16 mai 1920 à Talavera s’était montée d’une façon bizarre :

Venancio Ortega, le fils ainé de la ganadera la Viuda de Ortega, Doña Josefa Corrochano, avait loué la plaza pour y faire courir ses  toros en un mano a mano.

A Madrid, il engagea Sánchez Mejías et, au vu de la contenance limitée de la plaza (5426 spectateurs), ils réfléchirent à un second  torero qui ne coûterait pas trop cher.

Gregorio Corrochano, neveu de la ganadera et cousin  de Venancio Ortega, suggéra le nom de  « Larita ».

On partit sur ces bases.

Plus tard, au café «Regina», Venancio Ortega rencontra Don Leandro Villar qui lui demanda: « ¿ Pourquoi ne pas mettre Rafael El Gallo, qui fait une bonne saison et qui donnerait du prestige à l’affiche ? »   « Parce que la plaza ne peut pas se permettre une dépense de cet ordre. »

« Si vous le souhaitez, je peux m’occuper de voir avec Rafael ce qu’il en est.  »

La chose s’arrangea et le cartel évolua : Ignacio Sánchez Mejías et Rafael El Gallo.

Mais...

Don Leandro Villar, ami intime  de Joselito, lui fit état de la chose : « ¿ Pourquoi Rafael et pas moi ? »  

« Tu es trop cher pour Talavera. »  

« Pas du tout ; je suis le torero le moins cher dans la mesure où c’est moi qui amène le plus de public. »

Et l’affiche de la corrida du 16 mai 1920 à Talavera de la Reina  prit sa forme définitive :

Plaza de toros  «La Caprichosa» à quatre heures et demie de l’après-midi.

6 toros de la Viuda Ortega pour José Gómez «Joselito» et Ignacio Sánchez Mejias.

A l’arrêt de Torrijos, où ils décidèrent d’aller déjeuner, incident avec un serveur.

Au sujet de la note.

Insulté, Joselito en vient aux mains et pousse violemment le serveur  contre un guéridon qu’il brisa dans sa chute. 

Le torero règle les 40 ptas du dommage causé.

Une chanson populaire relate la chose :

“Cuando iba “pa” Talavera

el famoso y gran torero,

en la estación de Torrijos

riñó con un camarero.

Le puso de más dinero

que la cuenta presentaba:

Y como más le insultaba,

Le pego una bofetada

Joselito a él”.

Le train arrive à Talavera à 12h04.

Malgré l’épisode de Torrijos, Joselito est de bonne humeur.

Il va toréer dans l’arène que son père avait inaugurée en septembre 1890.

En arrivant à l’hôtel «Europa»  la cruche en terre sur laquelle est inscrit le nom du matador se casse.

« Se partió Joselito » commente en  un rire crispé le matador.

Il ne fait pas beau.

La pluie qui n’arrête pas de tomber préoccupe Leandro Vilar qui en fait part à Joselito.

« No se apure D. Leandro que para suspender esta corrida tiene que caer el diluvio ».

José fait une courte sieste.

A 15h, Paco Botas, son valet d’épée,  le réveille.

Joselito chante.

Una copla.

Consacrée à «El Espartero »

Celui du : “ Más cornás da el hambre ”  

Et qu’avait tué «Perdigón», le toro de Miura.

A Madrid.

Le 27 mai 1894.

Il y a  un peu plus de vingt-cinq ans.

A  quelques mois près, l’âge de Joselito.

La copla dit :

« El toro era un criminal

de las dehesas de Miura

que al taurómaca valiente

lo llevo a la sepultura.

Adiós ya me voy…

Cuatro caballos jalaban

la carroza del torero.

Los sevillanos lloraban,

la muerte del Espartero »

(A suivre…)

Patrice Quiot