Vendredi 26 Avril 2024
VISTALEGRE
Lundi, 24 Mai 2021

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Bilan d’une feria de San Isidro... qui n’en était pas vraiment une !

Entendons-nous bien, quand j’emploie ce titre, c’est par simple constatation. L’empresa Matilla a décidé d’organiser des corridas dans l’ancienne Chata en toute légalité et à l’heure du bilan, voyons ce que l’on peut en dire, pour avoir suivi toutes les courses sur le petit écran...

Quand on évoque à Madrid la Feria de San Isidro, l’image qui vient immédiatement se superposer est bien celle de Las Ventas, non ? Or, en l’occurrence, le temple de béton, certes fonctionnel, de Vistalegre n’a rien du cadre habituel, pas plus le ramage que le plumage d’ailleurs. D’où le titre. Une feria Canada Dry au sujet de laquelle je pense tout simplement qu’avec le changement de cadre et donc d’atmosphère, il aurait été peut-être plus judicieux d’en modifier aussi l’appellation. 

A partir de cette constatation, il est évident qu'elle n’a pas eu le succès populaire escompté si l’on en juge par les affluences quotidiennes, les places disponibles, en tenant compte de celles qui étaient supprimées, étant visiblement supérieures à celles occupées. A une ou deux exceptions près. Alors, quelles en sont les causes ?

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D’après moi, on peut les trouver dans la programmation, le peu d’intérêt manifesté par l’aficion madrilène, la tarification... avec le constat premier que question de distanciation, la règle a été plus que  respectée !!!

Concernant la programmation, ça n’enlève rien au talent des uns et des autres, mais la lecture des affiches faisait tout de même penser à un montage basé essentiellement sur l’entre-soi, sans trop de huecos pour ce qui aurait pu être plus varié et novateur. Bien sûr, c’est peut-être facile de juger sans connaitre tous les tenants et aboutissants, mais inclure davantage de toreros ou d’élevages méritants et émergents, dans une palette plus large, aurait probablement incité davantage à sortir de chez soi et ouvrir son portefeuille, plutôt que de proposer des cartels pour la plupart... vus et revus. Reconnaissons tout de même qu’il y a actuellement, d’autant plus en période de crise, que très peu de toreros taquilleros, et que ce qui s’est passé à Vistalegre risque fort de se produire aussi ailleurs !

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Concernant l’aficion locale, il est évident qu’elle ne s’est pas déplacée en nombre, elle qui a ses habitudes, ses exigences et ses repaires à Las Ventas. Rien à voir avec un pavillon « multiusos » dans lequel elle ne se reconnait pas. Aussi, sans parler de boycott ouvertement exprimé, il est clair que beaucoup ont préféré rester dans leur fauteuil face au petit écran, ce qui en outre, représentait une économie conséquente.

Et en évoquant les espèces sonnantes et trébuchantes, il faut bien reconnaitre que les tarifs appliqués n’avaient rien pour inciter l’aficionado de foncer vers la taquilla en courant ! Avec des tarifs prohibitifs qui n’avaient rien à voir avec ceux pratiqués à Las Ventas pour lesquels l’aficion madrilène est davantage habituée, il était clair que le déficit d’entrée risquait fort d’être très important. Et c’est ce qui s’est produit...

Reste aussi que les contraintes liées au COVID  ne sont pas toujours très engageantes, surtout dans un espace couvert, cela n’arrangeant rien, d’autant plus que si l’étau s’est desserré, le virus est encore bien présent. Un élément qui lui aussi a certainement contribué à en faire réfléchir plus d’un.

Outre ces différentes constatations, reste le bilan proprement taurin. Dans ce domaine, on sait bien que les goûts des uns et des autres diffèrent et donnent souvent lieu à de longues discussions au bout desquelles chacun campe le plus souvent sur ses positions. C’est le propre de la passion et ce sera toujours ainsi. Aussi, dire qu’untel a été meilleur qu’un autre serait pure subjectivité ne demandant qu’à être controversée. Mais tout de même, je pense que l’on peut faire ressortir, concernant le bétail, une présentation correcte de la plupart des lots, d’autant plus que si nous étions à Madrid, on n’en était pas pour autant dans une plaza de première catégorie. Sur cet aspect-là, rien à dire. Mais question forces et comportement, ça n’a pas été tout à fait la même chanson. On a pu constater notamment le peu de tercios de piques donnés dans les règles et un jeu à la muleta allant le plus souvent a menos. Il faut dire que la plupart des toros étaient cinqueños, ce qui était susceptible de compliquer d’autant les choses.

Sans trop détailler car à l’intérieur d’un lot tous les toros ne sont pas les mêmes, évidemment, s’il fallait décerner un trophée, je crois bien que je le décernerais aux... novillos d’El Freixo (Juli) ! Avec le bémol bien sûr de l’effroyable blessure subie par Manuel Perera...

C’est un peu la même chose pour les hommes car une observation pointue nous mène à l’évidence qu’assez souvent, le facteur chance intervient à partir du tirage au sort, et que contrairement au souhait que l’on entend, elle est le plus souvent assez mal répartie !

En vrac, les plus en vue ont été selon moi, Daniel Luque, Andrés Roca Rey, Miguel Ángel Perera, Paco Ureña, Diego Urdiales, El Juli, Juan Ortega et le novillero Tomás Rufo, mais d’autres selon les goûts de chacun, peuvent aussi prétendre figurer au palmarès, comme les jeunes Ginés Marín et Álvaro Lorenzo, auquel on peut encore ajouter Juan del Álamo et Marín qui se sont mis en évidence face à de compliqués Adolfo pour la clôture... Quant à Morante, un cas toujours à part dans le ressenti de l’aficion, il a alterné le meilleur et le pire, faute d’être tombé sauf exception sur des toros propices au bon toreo... Mais je le répète, tout ceci n’est que question d’appréciation, selon les critères de chacun...

Un mot enfin pour transmettre nos vœux de prompt rétablissement à ceux qui ont été blessés sur le sable, parfois grièvement. Comme le jeune Perera, déjà cité, mais aussi Pablo Aguado et le banderillero Juan José Domínguez. Et pardon si j’en oublie...

En définitive, cette feria bien qu’imparfaite a eu le mérite d’exister et de nous divertir en ces temps de disette. Si elle ne nous a pas appris grand-chose, elle nous a au moins montré certains toreros qu’on aura plaisir à revoir, avec d’autres, bien entendu, si ce satané virus décide de relâcher de plus en plus son emprise. Ojalá...