Jeudi 28 Mars 2024
PATRICE
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La mort de Pepe Hillo…
1801.
 
Bonaparte devient consul à vie
 
Hugo naitra un an plus tard.
 
Alexandre Dumas aussi.
 
Rivarol est mort en avril
 
Chateaubriand a  trente-trois ans et publie « Atala » ; le « Génie du Christianisme» paraitra un an plus tard.
 
Ingres a vingt et un ans.
 
Beethoven, trente et un ans, compose sa « Sonata quasi una fantasia n° 14 », dite « Sonate au clair de lune ».
 
Carlos IV, « El Cazador », cinquante-trois ans et sous la coupe de Manuel Godoy, gouverne en Espagne.
 
Francisco José de Goya y Lucientes a cinquante-cinq ans et Pedro Romero quarante-sept.
 
Joaquín Rodríguez «Costillares» est mort un an avant.
 
Le département du Gard compte 300.144 habitants.
 
A Nîmes, suite au règlement de police du 24 janvier, (4 pluviôse an IX) relatif à la salubrité de la ville, un arrêté enjoint aux bouchers et autres personnels commerçant de la viande de boucherie d’égorger leurs bestiaux aux égorgeoirs publics.
 
Lundi 11 mai 1801
 
Louis Capet a été guillotiné il y a huit ans, trois mois et vingt et un jours.
 
Et, à Madrid, calle Cuchilleros, la taverne «Botín», le plus vieux restaurant du monde, existe depuis soixante-seize ans.
 
Madrid, où une corrida complète de seize  toros est programmée.
 
Huit le matin et huit autres l'après-midi.
 
Au cartel : José Romero (frère de Pedro Romero, de Ronda), Pepe-Hillo et Antonio de los Santos.
 
Dans l’encierro de José Gabriel Rodríguez Sanjuán, de Peñaranda de Bracamonte (Salamanque) qu’ils doivent affronter, le toro  "Barbudo".
 
La veille de la corrida, les toros se trouvaient dans la vallée d'Arroyo de Abroñigal, attendant l'aube pour être transférés aux corrales de la Plaza de la Puerta de Alcalá.
 
On raconte que Pepe-Hillo s'étant toujours méfié des toros castillans, s'y rendit pour les voir.
 
L'un d’entre eux s’étant approché de l’endroit où il se trouvait, le torero aurait dit au mayoral : "Tío Castuera, ese toro para mí !".
Y así fue.
 
Le toro est noir zain.
 
"Barbudo " combattu en septième dans l'après-midi ne prend que quatre piques, montrant un tempérament de manso.
 
Aux banderilles, lidié par Antonio de los Santos, il reçoit trois paires posées par Joaquín Díaz et Manuel Jaramillo.
 
Pepe-Hillo « que llevaba un traje de toreo «azul y plata», tal como indicó José de la Tixera » lui donne deux naturelles et une passe de pecho.
 
Il entre a matar, tout près du toril, d’une demi estocade contraire se mettant le toro dessus.
 
"Barbudo" le prend à la cuisse gauche et à la hauteur de l’estomac le secouant de piton a piton, détruisant divers organes et artères du ventre et de la cage thoracique (gros intestin, estomac, poumon droit et foie), en plus des huit côtes fracturées et d'une vertèbre.
 
Le picador Juan López, sans cheval et uniquement avec sa puya, essaye en vain de venir au quite.
 
« Cuentan algunos cronistas que "Pepe-Hillo" debió de perder el sentido, porque se quedó unos segundos inmóvil. El astado hizo por él y, sin ninguna oposición, lo empitonó con su cuerno izquierdo por la boca del estómago, lo levantó en vilo y, entre tremendas sacudidas en el aire, estuvo zarandeándolo más de un minuto. Fue una de las cornadas más espantosas que se haya visto jamás en un ruedo. » (MCN Biografias.com)
 
Pepe-Hillo décède à l'infirmerie quinze minutes plus tard.
 
José Romero tue « Barbudo » en deux estocades.
 
La dépouille mortelle de José Delgado "Pepe-Hillo" fut transférée à l'hôpital général et de là, deux jours plus tard, emmenée dans la Calle del Arenal de Madrid, pour reposer dans l'église de San Ginés.
 
José Romero, frère torero de Pedro, paiera l'office religieux.
 
Datos
 
José Delgado Guerra dit « Pepe Hillo » né le 11 mars 1754 à Séville, mort à Madrid le 11 mai 1801.
 
Élève de « Costillares », il torée dès l'âge de quatorze ans et semble avoir alterné avec lui et Pedro Romero avant d'atteindre seize ans.
 
Alternative en 1774, à Málaga, des mains de Juan Romero.
 
Inaugura la plaza de toros de Ronda en 1785.
 
Il est décrit comme fragile et sensuel, mais surtout comme un grand torero. Sa rivalité notable* avec Pedro Romero conduisit ces deux grands maestros à fixer les règles de la corrida. Pepe Hillo, inventant de nouvelles suertes, fut considéré, en particulier, comme le véritable fondateur de l'école de Séville.
 
Il est l'auteur d'un monumental traité de tauromachie, « La Tauromaquia o el arte de torear de pié y a caballo » qui fera longtemps référence. Il est également censé être l'inventeur de la passe de cape qu'il a décrite comme la « más interesante e sumamente sencilla (extrêmement simple) et qu'il a nommée Aragonesa. »
 
*Rivalité
 
« … La grande rivalité entre Pedro Romero et Pepe Hillo s'est nouée en 1778 lors d'une corrida à Cadix. On sait par Pedro Romero lui-même que Pepe Hillo a offert des messes pour que ce jour-là la pluie cesse et que le temps se mette au beau. Pepe Hillo combat le premier toro et pour, selon Romero, plaire à «la gente guapa», «le beau linge», il jette sa muleta et estoque avec son chapeau en peau de castor à la main. Pedro Romero prend la mouche. Il abandonne aussi sa muleta, jette sa résille, arrache de ses cheveux le petit peigne « de deux doigts de large » qui les tient, cite le toro avec et le tue d'un coup. Dès lors, le public des corridas se divisera en partisans de l'un et partisans de l'autre, selon des modalités toujours vivaces dans la corrida contemporaine. Du côté de Pepe Hillo, le gros du public, du côté de Pedro Romero, la minorité des aficionados plus exigeants.
 
Au bord du ravin. Leur style et personnages opposés disent ce que dit toujours à son plus haut niveau l'art de toréer : l'émanation d'une personnalité et, parfois, l'affleurement « géologique » d'un environnement. Pedro Romero, né sur le vertigineux ravin de Ronda, a une tauromachie de falaise. Elle est abrupte, dure comme une roche, précise, sans joliesse. Pepe Hillo, fils de Séville et de la basse Andalousie a, selon Nestor Luján, un style  « polychrome, fluide, spontané, impressionnant et trompeur à la fois ». L'un, Pedro, torée comme un caillou, l'autre, Pepe, comme l'eau. L'un, Pedro, est un homme rigide et austère, endeuillé par la mort de deux frères toreros. Il se marie à Ronda avec Maria Pinzón, fait des enfants, se repose des combats en famille, est l'ami de Goya. La duchesse d'Albe lui court après. Moratín le célèbre dans une ode au style savant. L'autre est vaniteux, bavard, extensif. Il recherche les applaudissements, le peuple l'aime comme un de ses héros. Il est invité aux mariages et aux baptêmes. Il couche avec toutes les femmes, qu'elles soient duchesses ou lavandières. Goya ne l'aime pas. Sa mort en 1801 est l'occasion de romances populaires.
 
Leur dualité manifeste déjà tous les ingrédients de la rivalité, toujours d'actualité entre toreros. Par exemple, ils se marquent financièrement à la culotte. En mai 1785, pour l'inauguration de la Plaza de Ronda, Pedro Romero touche 3 000 réaux et Pepe Hillo 3 244. Les 244 pour ses frais de déplacement. Ils s'allument : A Madrid, en 1789, Pepe Hillo et Costillares demandent au corregidor de la ville d'interdire les courses avec des toros castillans, plus agressifs que les andalous. Pedro Romero méprise la supplique : « Si ce sont des toros qui broutent dans leur pâturage, j'ai l'obligation de les tuer… »
 
(Jacques Durand / « Libération » / 9/09/2004).
 
Goya
 
Grand amateur de tauromachie, Goya (30/03/1746 Fuendetodos- 16/04/1828 Bordeaux) déclarait en 1771 à son ami le poète Moratín : « Dans mon temps, j'ai su toréer, et je ne crains personne avec une épée à la main ». Il s'est d'ailleurs lui-même peint en torero dans le tableau : La Novillada (1779-1780).
 
La Tauromaquia de Francisco de Goya est une série de trente-trois gravures exécutées à l'eau-forte entre 1815 et 1816.
 
La trente troisième d’entre elles s’intitule : « La desgraciada muerte de Pepe Hillo en la plaza de Madrid ».
 
Goya  assista à la corrida du 11 mai 1801.
 
PS : A l'occasion de la Feria de Pentecôte 2019, le musée des Cultures Taurines de Nîmes avait présenté du 6 juin au 6 octobre, les trente-trois gravures dans une exposition intitulée « De la Tauromaquia à la Goyesque, hommage à Francisco de Goya ».
 
Patrice Quiot