Jeudi 28 Mars 2024
PATRICE
Jeudi, 23 Septembre 2021
nim23h
 
Vomitoire 110…
 
De la buvette des arènes, on prend à gauche.
D’un côté, des grilles de fer.
De l’autre, des pierres séculairement scellées.
Au-dessus des arches.
Où volettent des pigeons.
 
Des gens qui marchent.
Seuls ou en petits groupes.
On en connait beaucoup.
Les mêmes.
Depuis toujours.
 
D’autres non.
On ne sait rien d’eux.
Si ce n’est que tous.
Allons voir.
La même chose.
 
La même chose.
Ce n’est pas certain.
Et c’est bien ainsi.
 
Après une cinquantaine de mètres.
Rappelé par un panneau, la romanité du lieu : « Vomitoires 101 à 111 ».
On tourne à gauche.
Pour entrer dans les profondeurs.
Où la lumière n’arrive presque pas.
 
Le sombre.
Celui des rétiaires.
Des thraces.
Des mirmillons.
Des samnites.
 
Puis, un couloir d’où on revoit le jour.
Du ciel.
Souvent bleu.
Et les gradins d’en face.
Encore vides.
 
A gauche, le V104.
Un homme en chemise siglée y autorise l’accès.
A droite le V105.
Un autre homme en chemise siglée pareil pour autoriser la même chose.
Très doucement, je marche: V106, V107, V108, V109.
 
Le vomitoire 110 est l’avant dernier.
Après, il y a le V111.
Puis, rien, si ce n’est une grande porte en bois.
Fermée, secrète.
C’est bien ainsi.
 
Quelques marches en vieilles pierres.
Pour monter.
Une dame en chemise siglée et en sourire m’y accueille.
Quatre marches en bois recouvert de plastic noir.
Pour descendre.
 
Bancs en bois gris.
Les mêmes depuis toujours.
Numéros noirs.
Les mêmes depuis toujours.
Peints sur leur dossier.
 
Dépouillement précieux.
En face, pas d’horizon.
Derrière, un bruissement.
A droite, l’aigreur de notes solitaires.
A gauche, le vacant d’une tribune d’autorité.
 
Dans le couloir d’en bas.
Une douce fièvre.
D’allées-venues comme un ressac.
Et des capes roses.
Sur les planches rouges.
 
Une piste de sable clair.
Nette de traces.
Les lignes de l’ordre.
En suivent la circonférence.
Rien ne bouge.
 
Je m’assois.
Mes bras posés sur le boudin.
Lisse dans sa rugosité.
J’attends en observant la porte.
D’où ils sortiront.
 
Il est dix-sept heures et huit minutes.
 
Datos :
 
Les vomitoires (du latin vomirotium, issu de vomere, « vomir » dans le sens d'expulser), étaient des passages voûtés dans les caveae des amphithéâtres ou les théâtres romains, afin de faciliter la circulation des spectateurs.
 
Dans les édifices de spectacle de la Rome antique, les vomitoires sont situés sous plusieurs rangées de sièges ou correspondent à des portes dans les praecinctiones.
 
Les vomitoria ouvrent sur des escaliers (scalae), par lequel descendent ou remontent les spectateurs qui accèdent à leur place numérotée ou quittent la cavea. Ils favorisent le flux des spectateurs et contribuent à la hiérarchisation sociale des places en desservant les différents maeniana, ce qui évite de mettre en contact les différentes classes sociales.
 
Sous les gradins, un système plus ou moins élaboré de galeries périphériques et d'escaliers qui peuvent comporter des voûtes décorées de stuc, favorise cette circulation.
 
Des simulations numériques ont montré que les dispositions du Colisée permettaient l'évacuation de 50.000 spectateurs en huit minutes, délai comparable à celui des stades contemporains. Les principes de conception relatifs à l'évacuation des spectateurs des grands édifices reprennent en partie ceux des grands amphithéâtres romains : « les règlements fixent notamment le nombre d'issues, la largeur des circulations, les distances entre circulations ou entre circulation et paroi, la pente maximale des gradins, et imposent, pour les stades les plus importants, l'individualisation des places ».
 
Des légendes ont inventé l'existence d'une salle le vomitorium, utilisé lors des orgies romaines et où les convives s'enfonçaient une plume jusqu'à la luette pour régurgiter la nourriture et pouvoir faire un nouveau repas, légende popularisée par le roman comique d'Aldous Huxley « Cercle vicieux », publié en 1923.
 
Patrice Quiot