Jeudi 28 Mars 2024
PATRICE
Vendredi, 24 Septembre 2021
pq24ph
 
Mi bastón…
 
Fidèle.
Pas capricieuse.
Serviable.
Toujours déjà là.
 
Sans état d’âme.
Elle m’accompagne partout.
De la solitude de mon bureau.
A la foule des arènes.
 
A l’érable.
Au tremble, à l’aulne.
Elle a préféré.
Le simple bois du châtaignier dont elle est faite.
 
Elle n’est pas jeune.
Pas vieille non plus.
Elle est colorao sardo quant à sa couleur.
Et porte avec élégance l’écaillé des cornadas de sa vie.
 
Elle est née en Moselle.
Dans ce pays où on parle encore.
La même langue.
Que celle que parlait Charlemagne.
 
Revenue dans un Sud.
De pluie et de champignons.
Elle est nostalgique.
D’un midi de soleil et de triomphes.
 
Quand je l’oublie dans un coin.
Elle me manque.
Sans elle.
Je suis peu.
 
Je lui fais partager mes lectures.
Elle aime Cervantès.
Voltaire.
Et Yourcenar.
 
Elle dort près de moi.
En rêvant d’autres aventures pour son Quijote.
Celles de Zénon.
Ou de Zadig.
 
La paume de ma main.
A pris la forme de son pommeau.
Elle se tient à la hauteur de ma hanche.
Celle qui s’avance pour donner la passe naturelle.
 
Elle aime voyager la nuit.
Allongée sur la banquette arrière.
Seule.
Elle pense à la faena du lendemain.
 
Elle connait Nîmes.
Sa lumière des novilladas du matin.
Ses rues des nuits de Feria.
Les abrazos des amis et le décolleté des filles.
 
Elle connait l’Espagne.
Celle des villes en habit de lumière.
Et du campo.
Dont elle aime la sécheresse.
 
Elle connait la vie.
Ses pleins.
Ses déliés.
Et ses terribles extravagances.
 
Elle les garde.
Enfouis dans la poussière.
Grise et sèche.
De son embout de caoutchouc.
 
Comme les toreros.
Elle hait la pluie et les pisos trop meubles.
Et comme les toreros.
Elle déteste le vent.
 
Elle aime les mises à mort.
Qu’elle regarde debout.
La poser au sol en ces occasions.
Serait pour elle une offense.
 
Elle écoute mes divagations.
Elle obéit au moindre de mes toques.
Elle me suit comme un mozo suit son maestro.
Et elle me guide dans mes coups d’épée à l’ordinaire.
 
C’est mon amie.
Elle n’a pas de nom.
Mais le convenio d’une histoire commune.
Nous lie à jamais.
 
Quand, un jour, fatiguée de me soutenir.
Elle se brisera.
Je demanderai au palco céleste
De l’honorer d’une vuelta.
 
Autour d’un monde.
Qu’avec elle j’ai découvert.
Et qu’avec elle j’aimerais.
Longtemps encore continuer de découvrir.
 
Patrice Quiot