Vendredi 29 Mars 2024
PATRICE
Mercredi, 20 Octobre 2021
vict20ph
 
Hôtel Victoria…
 
Aujourd'hui l'avenir est derrière moi ; devant il n'y a que le passé.
 
Madrid.
Il y a longtemps.
Un samedi soir.
 
Terrasse de l’hôtel Victoria.
Silence.
 
A la vue, le Teatro Real.
Et le cadran de l’immeuble de la Poste.
 
Calderón de la Barca.
Et les timbres colorés à l’effigie chauve et joufflue.
De Francisco Franco Bahamonde.
 
« La vie est un songe » de Pedro le madrilène.
Et les fosses communes des fusillés rouges de celui d’El Ferrol.
 
En fond, une sirène de voiture de police.
Et la circulation.
En un léger murmure.
 
Run-run.
 
Chambre au plafond blanc.
Couleur sable du cuarto de baño.
Et abricot des rideaux et du couvre lit.
 
Luis Miguel et Ava.
Toreo y belleza.
 
Couloir aux nuances.
De rouge.
Et de brun.
 
Kitsch et mauvais goût.
Gourmette et montre en or des parvenus du mundillo.
 
Moquette.
Au motif.
De sortes d’insectes se faisant face.
 
« La métamorphose » de Franz Kafka.
Et le costume aux abeilles de Curro.
 
Escalier.
Rampe en laiton.
Ou ascenseur.
 
De abajo hacia arriba.
De maletilla a figura.
 
Marbre, patine.
Et poulies.
D’un confort suranné.
 
Rien ne bouge.
Mocassins vernis débarrassés de la poussière des ruedos.
 
Hall et dôme de lumières.
Murs roses.
Arrangements floraux.
 
Ordre bourgeois.
Celui de Santiago Martín de Salamanque.
 
Bustes de la reine Victoria.
Fauteuils profonds.
Tentures empesées.
 
Effluve de décadence.
Celle de Proust.
 
Art taurin.
De peintres pompiers.
Omni présent.
 
Galerie du convenu.
Sous les néons du vide.
 
Bar « Manolete ».
Exposition permanente de photos de Cano.
Et deux factures signées par le Monstre.
 
Noir et blanc.
Ombre et lumière.
 
Et la chambre 406.
Celle de l’attente.
La sienne.
 
A jamais.
 
Pas de Wifi.
Pas de lounge.
Un monde ancien.
 
Celui des ganaderos.
Des fincas aux deux mille hectares.
Hautains de leur lignée.
 
Dans le lobby de l’entrée.
La banque Simeón.
Et un magasin de fringues.
 
Espagne des contraires.
De la Real Maestranza à la portative.
 
Des ombres passent.
Devant les portes.
En transparence de verre.
 
Un monde d’ailleurs.
Ignorant des secrets.
 
Dehors.
La Plaza del Ángel.
Et les pigeons.
 
A côté.
La « Burgalesa », la« Viña P », la « Cervecería Alemana ».
Et les odeurs de friture.
 
Qui rappellent.
A certains, ce d’où ils viennent.
Et à d’autres, ce qu’ils n’ont jamais connu.
 
Demain, dimanche.
Le dernier client.
Quittera les lieux.
 
Fermeture.
Pour une autre vie.
 
C’était l’hôtel Victoria.
Plaza de Sta. Ana, 14, 28012.
Madrid.
 
Il y a trente-quatre ans.
Il y a des millions d’années.
 
Datos 
 
La construction du Grand Hôtel Reina Victoria a commencé en 1919 sur le site occupé par le palais du comte de Teba, où Prosper Mérimée a commencé à écrire « Carmen » et où a grandi Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III.
 
Construit par l’architecte moderniste Jésus Carrasco y Encina, l’hôtel est un bâtiment historique de ce mouvement architectural. 
 
Depuis son ouverture en 1923, le Grand Hôtel Reina Victoria, ainsi nommé en l’honneur de l’épouse du roi Alphonse XIII, a été considéré comme un symbole d’élégance et de luxe dans la capitale d’Espagne.
 
Avec l’avènement de la République en 1931, l’hôtel a perdu son titre royal, qu’il n’a pas retrouvé avant d’être rebaptisé en tant qu’hôtel Tryp Reina Victoria en 1989.
 
Mais cela n’a pas empêché les célébrités de continuer à venir dans cet hôtel emblématique. 
 
Au cours des six dernières décennies, il est devenu le centre du monde de la tauromachie. Manolete logeait dans la chambre 406. Luis Miguel Dominguín, Florentino y Flores, Joselito, Ruiz Miguel, Palomo Linares, Rafael de Paula, Bombita, Pedrés, Mazzantini, Arruza, Antoñete, El Viti, Ruiz Miguel et Victor Mendes entre autres, ont fait de l’hôtel leur sanctuaire privé.
 
Hemingway a séjourné à l’hôtel plusieurs nuits et l’a mentionné dans un de ses livres. 
 
Ava Gardner a également été fascinée par son atmosphère.
 
Patrice Quiot