Vendredi 29 Mars 2024
PATRICE
Jeudi, 11 Novembre 2021
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Le taureau radieux du Corbusier...
 
« Faire une architecture, c’est faire une créature », écrivait-il dans « « le Poème de l’angle droit » en 1955.
 
« Le Corbusier, né Charles-Édouard Jeanneret en 1887, en Suisse, est reconnu comme le père de l’architecture moderne.
 
Théoricien avant-gardiste qui fait scandale en 1925 en préconisant de réduire Paris à une vingtaine de gratte-ciel, concepteur de cinq « cités radieuses », dont la plus emblématique à Marseille, et à Chandigarh, pour ne citer que cela.
 
L’homme insatiable a déposé ses bétons bruts tout au long de ses nombreux voyages. 
 
Mais toujours l’architecte, dans le secret de « l’atelier de la recherche patiente », ainsi qu’il le définissait lui-même, sentait brûler en lui la flamme de l’artiste plasticien et consacrait la moitié de sa journée à mener ce « labeur secret ».
 
C’est son ami et mentor des premières années, le peintre Amédée Ozenfant (1886-1966) qui l’a guidé sur ce chemin. Ils fondent ensemble, en 1918, un nouveau mouvement artistique : le purisme.
 
Souhaitant dépasser le cubisme, ils veulent un retour à un ordre classique avec des compositions frontales dénuées de pathos. Le Corbusier va donner à des éléments naturels - os de boucherie, coquillages roulés par la mer, cordages… - le statut d’«objets à réaction poétique».
 
Jamais plus il ne cessera de peindre, même au cœur du bouillonnement architectural des années 1930.
 
À partir de 1952, il s’intéresse au taureau ; les premiers croquis apparaissent dans les Sketchbooks au printemps de cette année-là.
 
Hasard ou conclusion ?
 
Le Corbusier affirmera les deux en s’exprimant ainsi :
 
« Intuitivement depuis vingt ans, j’ai conduit mes figures vers des formes animales porteuses du caractère », et expliquant plus tard que c’est par hasard, en voyant à 90 degrés un ancien dessin puriste tombé à terre que l’idée lui était venue.
 
Finalement, les deux ne sont pas incompatibles, le taureau apparaissant comme le symbole même de la cosmogonie corbuséenne.
 
Bruno Cigoi, dans le catalogue de l’exposition de 2014 à la galerie Zlotowski, écrit : « Il constitue une sorte de bilan pictural entamé à l’âge de 65 ans, de la vie d’un poète et d’un humaniste. »
 
Le Corbusier donnera naissance à dix-huit sujets de taureaux différents déclinant ce thème, matérialisés par dix-neuf grandes huiles et une immense tapisserie rebrodée, devenue le rideau de scène du théâtre Bunka Kaikan, à Tokyo.
 
Outre ce collage, réalisé en 1963, il pratiquait alors souvent des essais de couleurs en vue d’une œuvre monumentale. Deux cornes pointant dans le rose du fond, un mufle cerné de poils noirs, un œil regardant le spectateur de travers, voilà pour la tête du taureau.
 
Le corps en revanche ne fixe rien de réel, il se fait symbole. Sur le côté droit, une frise décline, de bas en haut, une feuille de chêne, un coquillage, un cristal et une main, une valse des éléments naturels à regarder comme un rébus, que les enchères sauront sans doute décrypter. »
 
Photo : Taureau, 1963, collage de pièces de papier gouaché et encre de Chine sur traits de crayon, 110 x 70 cm. 
Estimation : 60 000/80 000 €
 
Source : « La Gazette Drouot » 27/02/2020.
 
Datos 
 
Charles-Édouard Jeanneret-Gris, dit Le Corbusier, est un architecte, urbaniste, décorateur, peintre, sculpteur et auteur suisse naturalisé français né le 6 octobre 1887 à La Chaux-de-Fonds (Suisse) et mort le 27 août 1965 à Roquebrune-Cap-Martin (France).
 
Il est l'un des principaux représentants du mouvement moderne avec, entre autres, Ludwig Mies van der Rohe, Walter Gropius, Alvar Aalto et Theo van Doesburg. Il a ainsi côtoyé Robert Mallet-Stevens.
 
Le Corbusier a également œuvré dans l'urbanisme et le design. Il est connu pour être l'inventeur de « l'unité d'habitation », concept sur lequel il a commencé à travailler dans les années 1920, expression d'une réflexion théorique sur le logement collectif. " L’unité d’habitation de grandeur conforme " (nom donné par Le Corbusier) ne sera construite qu'au moment de la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, en cinq exemplaires tous différents, à Marseille, Briey-en-Forêt, Rezé, Firminy et Berlin. Elle prendra valeur de solution aux problèmes de logements de l'après-guerre. Sa conception envisage dans un même bâtiment tous les équipements collectifs nécessaires à la vie - garderie, laverie, piscine, école, commerces, bibliothèque, lieux de rencontre.
 
L'œuvre architecturale de Le Corbusier regroupant dix-sept sites (dont dix en France, les autres étant répartis sur trois continents) est classée au patrimoine mondial de l'UNESCO le 17 juillet 2016.
 
Patrice Quiot