Jeudi 18 Avril 2024
ÉGLISE ET TAUROMACHIE
Dimanche, 12 Décembre 2021
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Quoique sacrilège, cette illustration montre le rôle du clergé dans l'Histoire de la Fiesta Brava...
 
Le chef incontesté de l'église catholique est sur terre : le Pape.
 
« L’offense à Dieu d'exposer inutilement sa vie devant les Toros » fut l’élément prépondérant à l'opposition de l’Église aux courses de toros.
 
Les animalistes, même récemment, essayeront de s'appuyer sur ces interdictions (1) pour « prêcher pour leur paroisse ». Soit la zoophilie.
 
Le Pape Pie V (Antonio Ghislieri) par la Bulle (2) « De salute Gregis », punit d’excommunication, d'anathème, tout catholique qui meurt après avoir participé à un spectacle taurin.
 
Le Pape Clément VIII (Hippolyte Albo Brondini), par un texte bullaire « Suscepti Muneris », exclut le message précédent pour l'Espagne. Un quite approprié.
 
Le prélat Pie XII, en février 1957, fut le récipiendaire de la cape d'honneur offerte par un ensemble de peñas taurines espagnoles. Le cadeau ne fut pas validé par le collège du Saint Siège.
 
Jean Paul II, en 1990, reçut au Vatican un certain Jesús Janeiro Bazán dit « Jesulín de Ubrique ».
 
Devant la presse, le torero résuma cette rencontre avec le prélat par un mot passé à la postérité : « Impresionante ».
 
Le Haut Clergé dénonça également la promiscuité des deux sexes dans les gradins pour les spectacles taurins qui favorise le péché et l’œuvre du Malin.
 
Le Bas Clergé, les curés sont plus proches de la classe populaire, on pourrait oser « la cheville ouvrière cléricale », pour les situer.
 
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Dans les années 50-60-70, le prêtre est une figure incontournable du cinéma populaire et taurin espagnol. Le scénario est simpliste, voire manichéen (opposition entre le Bien et le Mal).
 
L’ecclésiaste recueille un orphelin, ou issu d'une famille pauvre. Il devient torero par son courage et aide sa famille s'il y a lieu.
 
Accompagné de sa fiancée (novia) depuis l'enfance (Carmen ou Dolores), il la quitte pour une femme satanique de la ville, américaine ou gitane...
 
Le prêtre qui l'avait baptisé lui administre l'extrême onction dans l'infirmerie des arènes.
 
Après une cornada, la fiancée, d'avant, est présente au pied de la civière.
 
On rappellera quelques titres : Currito de la Cruz, Brindis al Cielo, mais aussi la Otra Carmen ou Dos Novias pour un torero.
 
La Fiesta Brava et ses déclinaisons, encierro, toros à la corde sont omniprésents dans la vie quotidienne des villages.
 
Le padre est certainement « soumis à la tentation » d'où le passage à l'acte ; curas toreros ou sacerdotes toros. Certains revêtiront le costume de lumières...
 
Les plus connus furent :
 
–Bernardo Alcalde soit « El Licenciado de Falses », il fut immortalisé par Goya. (3)
 
–Babil Antonio Locen fut officiellement annoncé sur les carteles. L'exotisme va jusqu'aux honoraires exprimés en Reales, Ducats et autres maravedis !
 
Les anecdotes sont infinies :
 
L’évêque de Pamplona Antonio Venegas y Figuero présida une course pour sa venue à Sangüesa, l'un des toreros était Juan de Landibar, curé de Lumbier,  « qui ne s'oppose pas consent ».
 
Martín de Uriarte, le jour de la Saint Roch dans sa paroisse, vola les cordes des cloches pour le toro ensogado (lier).
 
Parité oblige : une communauté de religieuses à Tudela faisait courir une vache brave à l'intérieur du couvent...
 
Elles étaient exemptées de prières ce jour-là !
 
Souvent dénoncés, nos ecclésiastes toreros écopaient de sentence particulière : assignation à résidence dans son église ou emprisonnement dans la tour épiscopale – amende - interdiction de courir les toros.
 
Quelques blessures à la clé !
 
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La réalité dépasse quelquefois la fiction.
 
Une filmographie abondante : trois versions 1925 – 1935 - 1958 consacre le mythe « El Niño de las Monjas », soit un enfant recueilli dans un couvent où il sera élevé et qui devint torero.
 
Enrique Reyes Moreno adoptera cet apodo, il fut élevé dans le couvent de Santa Cruz (Cordoue). Né en 1941, il fit une carrière taurine, novillero, puis subalterne, elle s'acheva en 1996.
 
Jordi Pérez devint aussi « le petit des religieuses » car élevé dans le couvent San Jose de la Montaña (Valencia). Il a pris l'alternative le 12 juin 2021dans les arènes San Pedro (Ávila).
 
Juan García Jiménez « El Mondeño » prit l'alternative, rentra dans un couvent de Dominicains, ne prononça pas les vœux, il reprit sa carrière taurine et épousa son apoderada Lolita Casado...
 
L'influence de l’Église se retrouve également dans les plus belles arènes du monde, Ronda et Séville, propriétés des Maestranzas de caballería (chevalerie), corporation à caractère religieux et caritatif (4). Celle de Séville est sous le patronage de la Virgen del Rosario.
 
L’origine de nombreux élevages de toros bravos était lié à la dîme (diezmas) (5), prélèvement du 1/10 des revenus agricoles par le Haut Clergé. Le paiement pouvait se faire en nature : têtes de bétail.
 
Les chartreux de Jerez, les pères compagnons de Jésus (Salamanque), les dominicains (Séville) d'où l’appellation par les races de toros andalous frailerias (fraile : moine) cartujanos (chartreux).
 
L’élevage Miura a ses racines dans deux encastes. Gallardo, fondé en 1758 par Marcelino Bernaldo de Quiros, curé de Rota, Cabrera fondé en 1740 par les Augustins de la Santa Trinitad de Carmona.
 
Le dernier curé ganadero fut Cesario Sánchez Martín, dit le curé de Valverde, décédé en 1994. Aujourd'hui, le fer surmonté d’une croix est la propriété de Mr Jea- Luc Couturier depuis 2012.
 
De nos jours, deux hommes font perdurer la saga des Curas toreros :
 
–Jacques Teissier, aumônier des arènes de Nîmes.
 
–Luis Fernando Valiente Clemente, curé de la paroisse Aliseda y Herreruela.
 
« Ceux du Monde taurin sont aussi enfants de Dieu ! »
Luis Fernando Valiente
 
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Jacques Lanfranchi « El Kallista »
 
Jeudi 9 décembre 2021
 
(1)Les versets 26 et 28 de la Genèse énoncent que l'homme soumette les poissons, les oiseaux, les bestiaux » , les animaux n'ont pas d'âme, donc pas de résurrection au jugement dernier.
 
(2)Bulle pontificale : document scellé, le Pape pose ainsi un acte juridique majeur.
 
(3)In gravure 14 de la Tauromaquia de Franscisco Goya
 
(4)In « l’Église et le corrida » page 196-197
 
(5)« Cobradiezmos », de Victorino Martín, toro indulté par Manuel Escribano le 13 avril 2016 à Séville dont le nom signifie  « Encaisse dîme » !
 
Photos 1, 2, 3, 4, droits réservés
 
Bibliographie :
 
–El padre Joselito par Carlos Luis de la Cuenca 1923
 
–La iglesia y los toros : curas toreros, Luis del Campo 1988
 
–L'Eglise et la Corrida, Marc Roumengou 1996
 
–Curas Toreros Fédération taurine de Valladolid 2015