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Mercredi, 22 Décembre 2021
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Pedro Romero : Le Dinosaure… (1)
 
Le premier privilège de Pedro Martinez Romero pour devenir un des plus grands toreros de l'histoire de la tauromachie fut de naître dans une dynastie taurine.
 
Probablement la principale du « Siglo de las Luces » et, sans aucun doute, l'une des plus importantes de la tauromachie espagnole.
 
Le fondateur de cette saga de toreros fut Francisco Romero (1700-1763), dont l'habileté devant les toros méritait l'attention de Don Nicolás Fernández de Moratín*, qui, dans sa « Carta histórica sobre el origen y progreso de las fiestas de toros en España », écrivait que "c'était le premier qui ait perfectionné cet art, utilisant la muletilla, attendant le taureau face à face d’un pied ferme et le tuant au corps à corps ».
 
Son fils, Juan Romero (1727-1824), actua pendant quelques années dans la cuadrilla de son père comme seconde épée avant de devenir plus tard un torero très apprécié des aficionados madrilènes et eut à son tour quatre enfants.
 
José, Pedro, Gaspar et Antonio héritèrent de la vocation du père et du grand-père.
 
Pedro délaissa très vite le travail familial de calafate (presque tous les Romero étaient, avant d'être toreros, charpentiers navals) et, comme son père l'avait fait dans la cuadrilla de son grand-père, il s'enrôla comme seconde épée parmi les subordonnés de Juan où il apprit l'abc du métier.
 
A en juger par ce que nous disent les historiens de la tauromachie au XVIIIe siècle, il semble que Pedro Romero ait très bien réussi dans cette phase d'apprentissage.
 
Dans les arènes de sa ville, Pedro, tua plusieurs novillos en différentes occasions, dont l'une où il estoqua les six de l’encierro. 
 
Il acquiert rapidement des bases techniques qui, alliées à son courage et sa connaissance naturelle du comportement du bétail, le font considérer comme le torero le plus preparado de son temps.
 
À Jerez de la Frontera, toujours en tant que subordonné de son père, Pedro participa pour la première fois à un festejo avec picadors.
 
Il a dix-sept ans.
 
Et nous sommes en 1771.
 
Carlos III est roi d’Espagne depuis douze ans.
 
Sir Horace Mann, diplomate britannique à Florence, affirme que « sa passion pour la chasse était telle que, déjà tout jeune, au palais Pitti, le futur roi prenait plaisir à tirer à l'arc sur les tapisseries qui pendaient aux murs de ses chambres et qu'il était si adroit qu'il n'était pas rare qu'il atteigne les yeux qu'il visait ».
 
Juan Miura a fondé la ganadería, il y a vingt-neuf ans et la légende de Domecq a commencé à Séville en 1763.
 
Voltaire a publié « Zadig » en 1747, « Candide » en 1759. 
 
Il reste à Louis XV trois ans à régner et Mozart fait jouer « Ascanio à Alba » à Milan.
 
Il semble que Pedro se soit présenté à Séville en 1772, où il aurait alterné avec Manuel Palomo et Antonio Albano à l’occasion d’un spectacle où quatre-vingt-six taureaux furent combattus en quatre jours.
 
A cette époque, les aficionados se complaisaient à dédier à la fiesta de toros des journées entières, divisées en séances du matin et du soir et, à certaines occasions, aussi la nuit. 
 
La première relation de sa présentation à Madrid date du 8 mai 1775, où dix-huit taureaux de Don Miguel Gijón furent combattus au profit "De los Reales Hospitales General y de la Pasión, para que sus productos se inviertan en la curación y asistencia de los pobres enfermos de ellos».
 
Quand on remarque l'action caritative que les fêtes taurines ont engendré en Espagne, il faut aussi remarquer dans les affiches les annonçant la galanterie, la disposition et la générosité d'un Pedro Romero qui, à vingt et un ans, se propose d’estoquer quatre toros, "deseoso de agradar al público, que ha logrado la fortuna de complacerle muchos años».
 
Au cours de cette corrida, les Romero ont l'occasion d'alterner avec un autre des génies du siècle de la tauromachie des Lumières, Joaquín Rodríguez, “Costillares”, le créateur du volapié, dont la nouveauté était qu’au moment de l'exécution, le matador « había de echarse encima del toro en lugar de quedarse quieto, citarlo, y recibirlo con la tradicional estocada ».
 
 Le succès de Pedro qui, en 1776, avait vingt-deux ans, tua deux cent cinquante-huit taureaux, parcourut cinq cent quatorze lieues -environ trois mille kilomètres - et gagna près de cent mille réaux éclipsa rapidement la tauromachie de ses proches, “Costillares” et José Delgado Guerra, “Pepe-Hillo”
 
Les trois toreros étaient de bons collègues en dehors de l'arène, mais rivaux dès qu'ils mettaient leurs zapatillas sur le sable.
 
A suivre…
 
 * Nicolás Fernández de Moratín, né à Madrid le 20 juillet 1737 et mort dans la même ville le 11 mai 1780 est un poète dramatique espagnol.
 
Il est le père de Leandro Fernández de Moratín (1760-1828), poète et dramaturge.
 
Son ouvrage le plus souvent cité par les historiens de la tauromachie est la « Lettre historique sur l'origine et les progrès de la tauromachie » dont certains points sont présentés comme relevant de la pure légende poétique bien qu'ils aient été repris quelques années plus tard par Paquiro dans sa « Tauromaquia completa » notamment l'épisode qui présente Rodrigo Díaz de Vivar comme un héros de tauromachie.
 
 D'autres historiens au contraire le citent comme référence sur une époque mal connue de la tauromachie.
 
Portrait de Pedro Romero est un tableau de Francisco de Goya peint entre 1795 et 1798.
 
Ce portrait a été peint au moment où une rivalité féroce opposait le torero de Ronda, au matador sévillan Costillares.
 
Goya était alors le meilleur portraitiste de son temps et sa préférence allait à Romero ; on lui attribua longtemps le portrait de Costillares, œuvre de Francisco Domingo (musée Lazaro Galdiano, Madrid).
 
Patrice Quiot