Jeudi 28 Mars 2024
PATRICE
Mardi, 04 Janvier 2022
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Arènes de Nîmes : La plaza nuestra…
 
Vers la fin du Ier siècle, la ville de Nîmes atteint son apogée et se dote d’un amphithéâtre édifié sur le modèle du Colisée de Rome et l’un des 20 plus importants parmi les 300 connus dans le monde romain.
 
Ce n'est pas le plus grand que l'on connaisse ; mais « la gravité de son architecture, la belle distribution de l'ensemble, la conservation miraculeuse de tout ce qui peut en expliquer jusqu'au moindre détail, en font un édifice des plus importants pour l'histoire de l'art et pour l'étude des usages auxquels il fut consacré ».
 
La prospérité des notables et l’extraordinaire succès des combats de gladiateurs expliquent l’édification de ce gigantesque monument de pierre.
 
Nous ignorons le nom du très riche Nîmois qui a offert l’amphithéâtre sur ses propres deniers, mais ce don relève de l’évergésie, bienfaisance des plus riches envers leurs concitoyens, caractéristique des mondes hellénistique et romain.
 
La pierre dont on a fait usage pour la construction de l'Amphithéâtre provient des carrières de Roquemaillère et de Baruthel. Le calcaire de Roquemaillère est un peu moins chargé de chaux que celui de Baruthel et contient davantage de silice. Il est plus dur et dépourvu de nitrates. La pierre de Baruthel en possède et c'est sans doute à cette cause, du moins en partie, qu'il faut attribuer la désagrégation rapide des blocs des pilastres, principalement du côté du sud-ouest.
 
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On comptait 34 rangs de gradins dont la série était interrompue par deux chemins de ronde ne gênant pas la vue des spectateurs placés au-delà. On disposait, pour le placement de ces spectateurs, de 5 galeries et de 162 escaliers principaux.
 
L'amphithéâtre a une hauteur totale d'environ 21 mètres. Il est à deux étages, chacun de 60 arcades, de 3m70 à 3m80 d'ouverture, qui se correspondent. Un attique, partiellement détruit vers le sud-est, couronnait l'édifice.
 
Les piliers du rez-de-chaussée, ont une largeur de 2m40 à 2m50 et sont ornés de pilastres de 0m91 de large, ceux du premier étage ont des colonnes doriques supportées par des piédestaux. L'attique, de 1m20 de haut, était divisé par 120 consoles saillantes percées verticalement de trous ronds avec collier de fer à la partie supérieure.
 
Quatre arcades du rez-de-chaussée, placées aux extrémités des diamètres de l'ellipse, sont plus larges que les autres d'environ 0m65 et conduisent jusqu'à l'arène, celles du grand axe, directement ; celles du petit axe, en franchissant une étroite porte, entre deux escaliers permettant d'accéder aux places d'honneur.
 
L'entrée principale était au nord, à l'extrémité du petit axe de l'ellipse. Elle possède un fronton triangulaire, dont les autres arcades sont dépourvues et, de plus, est décorée de deux avant-corps de taureau.
 
La galerie extérieure du rez-de-chaussée, voûtée de plein cintre et soutenue par des arcs doubleaux portés par des consoles, communique par 30 arceaux avec une galerie intérieure qui lui est parallèle, et qui, elle-même, permettait d'arriver aux places d'honneur, constituées par les quatre premiers rangs de gradins. Un mur d'appui de 2m69 de haut (premier podium), séparait ces places de l'arène ; un autre mur d'appui (deuxième podium) à la base duquel était un chemin de ronde, les isolait des gradins de la section suivante.
 
Les gradins des places d'honneur ont 0m51 de haut sur 0m80 de large ; ceux des autres rangs comptent quelques centimètres de moins, mais, pour les uns comme pour les autres, la place réservée à chaque spectateur et marquée sur la pierre par des traits verticaux de 0m06 à 0m08 de long, est uniformément de 0m40.
 
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Des inscriptions qui existent encore, mais qu'on a transportées au Musée municipal, renseignent sur les collectivités auxquelles s'appliquaient quelques gradins du premier rang des places d'honneur. Quarante places étaient accordées, par décret des décurions, aux bateliers du Rhône et de la Saône ; vingt-cinq places à ceux de l'Ardèche et de l'Ouvèze, etc…
 
Au-delà des places d'honneur, on comptait trois sections, chacune de dix rangs de gradins. La première (cavea ima) était desservie par 48 passages ou vomitoires venant de la galerie basse intérieure ou de celle de l'entresol. Aucun n'est en l'ace d'une voûte ; ainsi, les spectateurs n'avaient pas à redouter les courants d'air.
 
L'arrivée aux places était facilitée par de petites marches d'escalier taillées dans l'épaisseur des gradins.
 
La seconde section (cavea media) n'existe plus ; on ne saurait dire, par conséquent comment ce groupe était séparé du précédent, mais il y a quelques restes d'un rang de gradins plus élevé qui l'isole de la troisième section.
 
Celle-ci (cavea saumma), réservée aux pauvres gens, est plus ou moins intacte. On y parvenait par 30 passages auxquels aboutissaient un pareil nombre d'escaliers venant de la galerie du premier étage.
 
Cette galerie a exactement la largeur de la galerie extérieure du rez-de-chaussée qu'elle recouvre ; mais elle est bien moins haute, et son plafond, formé de quatre arcs-doubleaux juxtaposés, est prolongé par des voûtes rampantes qui se dirigent vers le centre de la construction.
 
Les retombées de ces arcs sont soutenues par des linteaux d'une seule pièce, prenant appui sur des consoles. La plupart sont cassés et maintenus par des tirants de fer ou des piliers qui datent de plusieurs époques. On les remplace de nos jours, après divers essais, par du ciment armé enchâssé dans de la pierre.
 
La galerie avait des appuis (garde-fous) en face de chaque arcade ; il n'en reste plus que trois sur l'un desquels est un combat de gladiateurs. Il se peut que tous les autres aient été décorés de quelque manière. Non loin de cette sculpture, sur un pilastre, est un bas-relief représentant la louve romaine et les deux enfants qu'elle nourrit.
 
De cette galerie du premier étage, des paliers en retour conduisent, par des escaliers de 15 marches, à une cinquième et dernière galerie qui n'est pas horizontale, mais appliquée sur l'extrados d'une demi-voûte portant les rangées supérieures de gradins. De petits escaliers doubles, ménagés devant 30 passages, permettaient le placement des spectateurs.
 
Du sommet à la base de l'édifice, les escaliers s'élargissent à chaque galerie de la dimension horizontale des passages qu'ils desservent. Ainsi, malgré le flot grandissant des personnes évacuant les gradins, aucun encombrement n'était à redouter.
 
Les spectacles commencent dès le matin par des chasses. Lorsqu’ils ne s’affrontent pas entre eux, les fauves sont pourchassés par des chasseurs professionnels.
 
Les animaux sauvages présentés à Nîmes proviennent souvent des forêts gauloises en raison du coût très élevé des animaux importés d’Afrique ou d’Asie. Ainsi, les sangliers, les ours et les taureaux sont-ils certainement beaucoup plus nombreux que les lions et les tigres. Les galeries souterraines situées sous la piste permettent de faire apparaître sur la piste des bêtes, des combattants ou des décors. Pour cela, des trappes sont actionnées au moyen de cabestans et de contrepoids.
 
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À midi, les trompettes annoncent un autre spectacle, celui des condamnés à mort qui subissent différents types de supplices. Il est probable que ces exécutions se déroulent devant des gradins presque vides, car la plupart des spectateurs préfèrent se restaurer auprès des nombreux marchands ambulants installés qui prennent place autour de l’édifice.
 
Les galeries des arènes permettent la circulation des spectateurs. D’autres, souterraines, permettent d’acheminer animaux et combattants
 
Une fois les exécutions terminées, le public regagne les gradins pour assister au spectacle le plus attendu, celui des combats de gladiateurs.
 
Précédés de pancartes qui annoncent leur nom et leur palmarès, les combattants se présentent devant la foule. Ces hommes sont des professionnels volontaires et leur prestation coûte une fortune à l’« éditeur ».
 
Leur valeur est alors rappelée au public par les commentaires du crieur public, le praeco. La plupart du temps, les gladiateurs s’affrontent à armes mouchetées, mais certains duels sont aussi à armes réelles.
 
Dans ce cas, la mort du vaincu peut être mise en jeu. Ces combats (munera) sont très appréciés du public car les gladiateurs qui regardent la mort en face sont des stars surentraînées. Chacun possède une panoplie très précise et bien établie. Leurs équipements et leurs façons de combattre sont alors très éloignés des affrontements acrobatiques et sanglants popularisés par les péplums. Deux arbitres accompagnent chaque duel. Leur rôle est de pouvoir témoigner d’un engagement total des protagonistes. Le seul but du gladiateur étant de contraindre l’adversaire à reconnaître sa défaite, tous les coups sont permis. Dans la majorité des cas, l’un des deux combattants s’effondre au bout de quelques minutes d’une lutte extrêmement intense et très technique.
 
Blessé ou simplement épuisé par la violence de l’engagement, le vaincu tend sa main droite vers l’« éditeur ». Il signifie ainsi qu’il reconnaît sa défaite et qu’il met son sort entre les mains du magistrat qui offre les jeux.
 
Ce dernier se tourne alors vers la foule qui tente de l’influencer. Au début du IIe siècle ap. J.-C., le vaincu est probablement gracié dans quatre-vingts pour cent des cas. Pour demander la grâce d’un vaincu valeureux, la foule ne lève pas le pouce. Comment pourrait-on compter les 24.000 pouces levés ou baissés dans l’amphithéâtre de Nîmes ? Comme aujourd’hui, lorsque le public des corridas demande une récompense pour le torero, les Romains agitent une serviette blanche (mappa).
 
Si « l’éditeur » est d’accord, le vaincu est renvoyé (missio). Lorsque la mort est demandée, l’ordonnateur des jeux ouvre sa main en direction du gladiateur agenouillé. Face au vaincu qui reste digne, le vainqueur plante alors une dague dans la gorge du condamné d’un geste précis.
 
Il est ensuite récompensé pour son talent et l’« éditeur » acclamé pour sa générosité.
 
Dès le IIIe siècle, le déclin de la ville et la crise de l’Empire mettent un terme à l’utilisation de l’amphithéâtre de Nîmes. Au Ve siècle, les arcades sont bouchées et des maisons construites sur la piste et les gradins. Le monument se transforme alors en quartier fortifié. Cette utilisation évite qu’il ne soit démonté pour que soient récupérées les pierres de taille. C’est seulement sous Napoléon Ier que les maisons sont détruites pour rendre aux Arènes leur configuration d’origine.
 
Depuis lors, cet amphithéâtre qui compte parmi les mieux conservés au monde a retrouvé sa vocation première de lieu de spectacles.
 
Sources :
 
Nemausensiscom/Emile Esperandieu (1857-1939)
 
Éric Teyssier /Connaissance des Arts » / Avril 2021
 
Patrice Quiot