Dimanche 28 Avril 2024
PATRICE
Dimanche, 30 Janvier 2022
zap30ph
 
Maurice, le zapatero…
 
 Il est né.
Deux ans, onze mois et seize jours.
Après que « Bailador » eut tué Joselito.
 
Et il avait.
Vingt-quatre ans.
Lorsque « Islero » prit la vie de Manolete.
 
Il est cordonnier de son état.
Et José Fuentes.
Aurait pu être son apprenti.
 
Mince.
Comme un palo.
Un « Finito » de la zapatería.
 
Visage.
A la pâleur.
Du Mauriac de « Malagar ».
 
Yeux verts.
Et clairs.
Ceux de Paquirri.
 
Bouche.
De douceur.
D’un matin d’avril et d’amapolas.
 
Cheveux gris.
Un peu en broussaille.
Ceux de Palomo qui fut un temps comme lui.
 
Mains.
Longues et fines.
Celles de Cocteau.
 
La voix.
Ténue.
Al compás.
 
Un béret de laine.
Est sa montera.
Celle du républicain de la photo de Capa.
 
Vêtu
D’une blouse de coutil.
Azul purísima.
 
Il porte.
Des lunettes.
Comme dans l’arène Manuel Rodríguez, le père du «Monstre».
 
Son ruedo.
Est d’une superficie.
Cent fois plus petite que celui de Nîmes.
 
Etabli.
De planches.
D’un burladero de pueblo.
 
Machines.
Mues par des courroies.
Plus larges que celles qui tenaient la selle de « Badila ».
 
Et, pour coudre.
Une « Singer » à pédale.
Eclairée d’un abat-jour de carton hecho a mano.
 
Composent
L’essentiel.
De sa cuadrilla.
 
Tranchet.
Marteau à battre et pinces à monter.
En guise de trastos.
 
Il connaît.
Les cuirs et les peaux.
Mieux qu’« El Potra » connaissait les toros.
 
Il sait.
Ceux et celles.
Qui servent ou pas.
 
Il fait tout.
Lentement.
Comme le préconisait Don Álvaro.
 
Et bien.
Comme le fait.
Talavante.
 
Faenas.
Tendues de fils de chanvre.
Sans glue.
 
Gestes.
Courts et précis.
Sans rompre.
 
Minutieux.
Presque obsessionnel.
Comme Ortega Cano.
 
Travail.
D’épure.
Comme Santiago Martín.
 
Avec les détails.
Du fini élégant.
De Manzanares number two.
 
Quieto.
Le menton sur la poitrine.
Comme le Jesús del Gran Poder.
 
Son sueldo.
Est celui.
D’une placita.
 
Il œuvre.
Par plaisir.
Par afición.
 
Ainsi il ande.
 
Jeune.
Il alla.
De furtivo.
 
A dix-sept ans.
Encore novillero du zapato, il quitta.
Son pueblo du Doubs.
 
La Geheime Staatspolizei.
Voulait le prendre.
Pour l’emmener dans ses caves.
 
Il rejoignit.
Le maquis de Dordogne.
Et ses compañeros du groupe « Soleil ».
 
Il y combattit.
Les toros en uniforme.
De la Schutzstaffel.
 
Il en est le seul survivant.
Et le porte-drapeau.
De sa bandera aux fils d’or.
 
Il n’ouvre pas l’échoppe.
Avant dix heures.
Après son desayuno de café con leche.
 
Il rouvre.
Après la sieste.
A las cinco.
 
En réparant.
Les godasses.
Il raconte les triomphes et les fracasos de sa lucha guerillera.
 
Et aussi.
Ce qu’un soir dans un fossé de Siorac.
Lui avait confié Malraux.
 
Sa fille.
A la voix troublante de Delphine Seyrig.
Jouant Fabienne Tabard dans « Baisers volés ».
 
Et elle.
Passe ses nuits.
A lire.
 
Il est mon cordonnier.
Et Maurice Clavière.
Est son nom.
 
Début janvier.
Alors âgé de 99 ans, il est entré.
Dans sa quatre-vingt troisième temporada !
 
Il doit être.
Le plus vieux cordonnier.
Du monde.
 
Y.
Sigue.
Palante.
 
Va por ti, Maurice.
Zapatero de postín.
Et de mi alma.
 
Patrice Quiot