Jeudi 25 Avril 2024
MORANTE
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Où va Morante ?
 
Les records sont faits pour être battus…
 
En tauromachie certains toreros, souvent aux carrières supersoniques, firent tomber quelques records pour répondre à une attente du public et à des raisons économiques. Ce fut le cas du Cordobés ou plus tard de Jesulín. Si le Cordouan laissera son nom à jamais gravé dans le marbre taurin, pas sûr que le petit Jésus d’Ubrique ne soit pas déjà oublié.
 
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José Gómez Ortega, dit « Joselito » ou « le petit coq », en fit autant en 1915, 16 et 17. Situer dans le temps, le record de 102, 105 et 103 corridas, était une véritable performance. Les conditions de transports, les routes, les étapes étaient autant d’épreuves à multiplier les contrats. Il n’était pas rare à l’époque de voir à l’affiche des grandes férias, les figuras toréer 3 à 4 fois sur les 5 ou 6 cartels qui les composaient.
 
On connaît la fascination de Morante pour Gallito. On sait que le torero de la Puebla est sans doute le meilleur interprète de la tauromachie de l’époque en n’hésitant pas à emprunter quelques suertes qui faisaient de Gallito le génie qu’il était. Morante est en croisade depuis l’an dernier pour honorer la mémoire de Gallito. Il en a assez de l’uniformisation de la corrida et de l’encaste Domecq et de toutes les évolutions pressenties du combat qui iraient dans le sens inverse de la fiesta. Il a affirmé, dans une interview fleuve au journal El Pais, : « L’idée que la tauromachie doit se transformer est pour moi une horreur. Le toreo est une liturgie, comme l’église catholique. Même si les temps changent on ne peut pas demander au Pape de dire la messe en bermuda. Dans le toreo, il faut d’abord regarder en arrière ».
 
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A l’orée de cette temporada, que l’on souhaite du retour à la normale, il semble que Morante se taille la part du lion sur les cartels.
 
Valero, doublé à Olivenza et Castellón, Valdemorillo, Illescas, La Linea, Arnedo, Cehegín, Brihuega, Valencia, quinté à Séville, triplé à Jerez…
 
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Morante semble bien décidé à privilégier l’autoroute plutôt que les chemins de campagne. Sa grande saison 2021 semble lui avoir fait pousser des ailes et à en croire la rumeur, lui a donné l’ambition de battre le record de Gallito et ses 105 courses de 1916. Info ou intox ? Seuls lui et son entourage le savent.
 
En tout cas, une question légitime se pose. Est-ce que l’art de Morante peut se distiller dans un rythme à la Stakhanov ? Morante est-il un compétiteur pour se fixer un tel objectif ?
 
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Morante a plus ou moins délaissé sa régulière irrégularité l’an dernier. Il semble aux yeux des avertis plus linéaire, moins chaotique sans pour autant perdre la saveur, la volupté, la créativité de son toreo. Pour Morante chaque jour est un jour nouveau et son inspiration est elle aussi fluctuante de combat en combat. Mais est-ce que Morante est un torero de 100 courses ?
 
Joselito (celui de Madrid) disait : « Je ne peux pas aller au-delà de 60 courses par an, car ma tauromachie, mon interprétation du toreo tel que je le ressens, ne peut pas devenir mécanique et se répéter tous les trois jours ». Morante est bien dans ce cas. Sa tauromachie ne s’adresse pas à tout public. Pour la comprendre, il faut la ressentir, la pénétrer, la vivre. La vérité de Morante est qu’il ne fait pas semblant. Le jour où le toro ne permet pas, il n’est pas là pour forcer le trait. Comme l’écrivît un jour le Tío Pepe à propos de Curro et Rafael « ils n’ont jamais menti ». Morante ne peut pas mentir pour passer la cap des 100.
 
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Tous les records ne sont pas faits pour être battus !
 
Jean-Charles Roux