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Jeudi, 03 Février 2022
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Bayonne : De 1289 à Lachepaillet (3/3)…
 
« …. Les autorités allemandes veulent découvrir la tauromachie et demandent d’organiser des courses : deux novilladas sont programmées les 17 et 18 juin 1941. 
 
Les troupes vertes et totalement ignares de l’art taurin remplissent totalement les gradins et montent même des batteries de mitrailleuses sur le toit. Dans une ambiance glaciale, les novilleros gèrent ces spectacles sans peine ni gloire.
 
Après la libération, Lachepaillet ouvre ses portes la première, le 9 septembre 1945, pour célébrer l’unique corrida en France cette année-là. Comme en 1919.
 
Après six ans d’interruption et de pénurie, il y a une grande envie de fêtes et de toros.
 
L’afición est bien vivante et le 23 août 1946 est fondé le Cercle Taurin Bayonnais qui désigne comme président une figure locale, Alexis Etchegoyen.
 
En 1947, Maledaille accueille sur son plateau deux toreros qui vont passionner les foules : la torera cavalière péruvienne Conchita Cintrón et le maestro banderillero mexicain Carlos Arruza.
 
Conchita mettait souvent pied à terre (c’était interdit de l’autre côté des Pyrénées) et poursuivait les faenas muleta et épée en main, déclenchant le délire du public.
 
Quant au « Cyclone de Mexico », il captivait le conclave par ses capacités physiques et son éblouissant sourire, en se livrant toujours à fond dans ses combats ; sa domination du toro impressionnait et il inventa le fameux et décrié desplante du « téléphone ». 
 
Sa présentation le 15 août 1947 fit chavirer la plaza, son style athlétique le faisant comparer par les Bayonnais à l’admiré trois-quart centre Jean Dauger. Il coupait tous les trophées et dès lors tous ses passages à Bayonne se feront à guichets fermés.
 
Marcel Dangou est un organisateur comblé.
 
En 1950, la cuadrilla du Cercle Taurin refuse, lors de la becerrada annuelle du club, d’acquitter l’amende symbolique infligée à tout organisateur taurin en application de la loi Grammont. Cités à comparaître devant la justice, ils sont triomphalement acquittés par le juge de paix qui se fonde sur le principe que « le toro n’est pas un animal domestique ». Cet attendu ouvre la brèche qui conduit à l’amendement de 1951 normalisant enfin la corrida en France. Bayonne est une nouvelle fois à l’initiative du combat pour la défense des libertés tauromachiques au niveau hexagonal.
 
En septembre 1955, Bayonne découvre Antonio Chenel « Antoñete » qui triomphe d’un toro d’Urquijo, signant une œuvre majuscule à la muleta. Une longue histoire va s’écrire ici avec le maestro madrilène à la mèche blanche.
 
La saison 1959, marquée par la concurrence entre les deux « beaux-frères ennemis », Antonio Ordóñez et Luis Miguel Dominguín, attire du beau monde vers Lachepaillet : vedettes nombreuses, ministres, ambassadeurs, grande presse et Ernest Hemingway, Lauren Bacall, Domingo Ortega…
 
En 1960, on découvre ici Paco Camino qui deviendra le torero chéri de la plaza pendant de longues temporadas.
 
D’ailleurs l’année suivante, le 15 août 1961, il s’enferme en solo avec six toros et coupe sept oreilles et une queue !
 
On change de registre en 1963 avec l’irruption du torero de Palma del Río, l’incroyable Manuel Benítez « El Cordobés ». Il déclenche l’hystérie et la passion totale, à Bayonne comme partout. Un ouragan. Les billets s’arrachent à prix d’or pour le revoir en 1964, 65, 66, divisant toujours ses inconditionnels et les puristes.
 
Le 11 septembre 1966, Bayonne accueille pour la première fois en France une corrida portugaise, avec ses valeureux forçados qui comblent l’importante colonie lusitanienne de la ville.
 
Pour la temporada 1969, Marcel Dangou a le mérite de présenter en Aquitaine les deux lauréats de la vocation : Alain Montcouquiol « Nimeño » et Simon Casas, qui coupe trois oreilles le 3 août, en pleines fêtes et fait taire les derniers incrédules : le phénomène des toreros français est une réalité. 
 
En 1973, ce sera le tour de « El Andaluz » et de « Nimeño II » de se présenter en novilladas sérieuses.
 
Puis encore « Chinito » l’année suivante.
 
En 1975, l’afición de Bayonne en sommeil refleurit et une nouvelle société taurine voit le jour à Saint Esprit, la Peña Taurine Côte Basque, qui lance une grande campagne de promotion derrière son chef de file Claude Pelletier. La corrida retrouve une belle ambiance à Bayonne et de nombreux nouveaux spectateurs.
 
Le Cercle Taurin Bayonnais a de son côté la douleur de perdre son président Alexis Etchegoyen et resserre les rangs derrière son successeur Charly Forgues.
 
En août 1977, la plaza est endeuillée par la mort de son patron depuis plus de trente ans, Marcel Dangou.
 
Le paseo du 15 août, mano a mano entre le vieillissant Camino et Nimeño II en pleine ascension, s’immobilise dans un silence de plomb pour la minute de recueillement.
 
Après quelques années en roue libre, le Cercle Taurin Bayonnais, avec les conseils de la Peña Taurine Côte Basque, se charge de l’organisation dès la temporada 1981, avec pour objectif avoué de ramener le sérieux du toro à Lachepaillet.
 
La terrible blessure de Joël Matray en 1982 soignée par le Dr Gouffrant.
 
La saison 1984 se conclue par un superbe festival unissant d’anciennes gloires, Aparicio, Litri, Manolo Vázquez, Camino, le récent triomphateur de Madrid Curro Durán et le premier novillero bayonnais Olivier Baratchart, qui coupe une oreille.
 
 Mais les nouvelles règles de sécurité pour l’accueil du public imposées par l’Europe pèsent trop lourd pour les héritiers de Dangou et 1985 marque un changement capital pour l’avenir des arènes de Bayonne : le rachat des lieux par la ville est acté et signé.
 
Le Maire de l’époque, le docteur Henri Grenet, donne à l’édifice le nom de Marcel Dangou. L’organisation des spectacles taurins, après une période de transition sous la houlette du Cercle Taurin Bayonnais, devient municipale, avec la création d’une commission taurine extra-municipale, une régie dédiée et la création d’un poste de directeur. Par ailleurs, tel un zénith d’été, la saison des concerts s’amplifie et occupe le mois de juillet.
 
Mais on la nomme toujours Maledaille ou Lachepaillet… ou Marcel Dangou…
 
Partie intégrante du paysage culturel et patrimonial du Pays Basque, ce sont les Arènes de Bayonne. »
 
Sources : Histoire et tradition- Arènes de Bayonne
 
Patrice Quiot