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Samedi, 12 Mars 2022
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Les arènes d’Algérie…
 
Alger
 
Fondée au IVe siècle av. J.-C., comme comptoir phénicien en pays berbère, sous le nom d'Ikosim, elle est occupée par les Romains, les Vandales, les Byzantins et les Arabes puis au début du Moyen Âge par la tribu berbère des Beni-Mezghana.
 
C'est le souverain berbère de la dynastie ziride Bologhine ibn Ziri, au milieu du Xe siècle qui fondera l'Alger actuelle, sous son nom El-Djazaïr ou Lezzayer, employé encore de nos jours pour la désigner en arabe et en berbère.
 
Elle ne prend son rôle de capitale de l'Algérie qu'à partir de la période de la régence d'Alger en 1515. Elle est alors une des cités les plus importantes de la mer Méditerranée entre le XVIe siècle et le début du XIXe siècle, pratiquant le corso, et à laquelle les puissances maritimes versent un impôt pour le passage de leur flotte. 
 
Son rôle de capitale du pays sera confirmé lors de la colonisation française où elle devient le siège du gouverneur général de l'Algérie.
 
Alger fut la capitale de la France libre de 1942 à 1944.
 
Depuis l'indépendance de l'Algérie, en 1962, devenue capitale de l’État algérien, elle abrite le siège des institutions politiques du pays en plus de tenir un rôle de premier plan économiquement.
 
La capitale n’a jamais connu d’arènes en dur.
 
Il semble qu’il y ait eu des parodies de corridas dès 1863 dans des structures éphémères à Bab-el-Oued.
 
C’est d’ailleurs sur l’esplanade du même nom que, le 20 novembre 1909, a lieu l’inauguration de « nouvelles arènes ». Elles occupaient l’emplacement du marché moderne, au fond d’une sorte de « trou » au fond duquel les bêtes étaient lâchées.
 
Les 14 et 19 juillet 1931 encore, deux grandes corridas (avec simulacre de mise à mort) furent organisées à Alger, dans une arène provisoire construite sur le stade du Gallia-Sport, au flanc d’un coteau, non loin de l’hippodrome du Caroubier.
 
Elle pouvait accueillir 7000 personnes. Le promoteur en était M. Barrère, et le spectacle était complété par une charlotade avec la troupe « Valencia-Charlot ».
 
Oran
 
L'histoire de la ville d'Oran est marquée par une période de présence espagnole, de 1505 à 1791. Ceci explique qu'après la parenthèse ottomane, les Espagnols s'y soient rendus plus nombreux qu'ailleurs en Algérie après la prise d'Oran en 1831. 
 
Les arènes témoignent donc de l'influence culturelle hispanique restée vivace dans la cité.
 
Sa population était à 60% d'ascendance espagnole, avec des origines Sud de l'Espagne (Almería, Alicante) mais aussi Valencia. Des familles Alarcon, Alcade, Aledo aux Vilancos, Vilavera, Zaragosa, le panel des patronymes ibériques était très large.
 
L'établissement d'une plaza de toros était incontournable.
 
Il y a eu cinq arènes à Oran, la cinquième était à l'opposé du centre-ville, par rapport à la quatrième dite « Gambetta ».
 
C’est le 27 mai 1890 qu’est inaugurée la première arène d’Oran, alors construite en bois.
 
A la suite d’un incendie, une nouvelle plaza est construite dans le quartier Eckmuhl (aujourd’hui Haï Maieddine), l’appellation commémorant une victoire de Napoléon Bonaparte, sur les autrichiens en 1809.
 
L’inauguration eut lieu en 1910 et se fit en deux temps : 
La première en mai : course au raset, bétail de Lescot ; la seconde, le 14 juillet avec Vicente Pastor et Mazzantinito (Toros Concha y Sierra).
 
« La corrida a été un véritable régal tauromachique et la foule nombreuse des aficionados qui se rendirent aux nouvelles arènes en cette journée de temporada estivale ne sut un seul instant cacher l'admiration réelle qu'elle éprouvait devant le courage et la maestría de toute la cuadrilla.
 
Du haut en bas de l'amphithéâtre, éclatant de soleil, les tons vifs des toilettes féminines, se heurtant aux blancs chatoyants des costumes masculins, donnaient l'impression d'une mer houleuse sur laquelle des vagues écumantes auraient jeté un réseau de dentelle neigeuse. Aux accents d'une musique entraînante, le paseo se déroule et les toréadors, grandis sous l'or rutilant de leurs tuniques, viennent, dans un geste large, saluer la présidence, là déjà la porte du toril s'ouvre.
 
Formidablement armé, le premier toro entre dans le redondel. Il s'attaque à la cavalerie et prend cinq piques, non sans occasionner quelques chutes de picadors qui permettent au fauve de laisser deux chevaux pour l'arrastre.
 
Aux banderilles. Morenito et Pepín, de Valencia, font admirer leur vigueur et leur adresse. Pastor brinde à la présidence et entre à matar. Il tient le toro en haleine par toute une série de passes de muleta faites de la main gauche et il conclut par une magnifique estocade « en la cruz». La bête tombe et Pastor reçoit une ample moisson de bravos : fleurs, cigares et cigarettes lui sont envoyés à profusion.
 
Le deuxième toro revient à Mazzantinito. Il arrive en trombe et s'attaque de suite aux picadors, mais Agujetillas l'attend de pied ferme et lui applique une vigoureuse pique. Mazzantinito évite aux cavaliers des cogidas qui auraient pu devenir dangereuses par des quites opportuns. Africano et Chiquito, de Madrid, appliquent les fuseaux, el Mazzantinito, à la cape, réussit cinq véroniques et une larga supérieure. Le matador s'arme pour la mort, il tente une faena de muleta un peu longue et difficile, mais il conclut par un pinchazo à l'encuentro, une demi-estocade, une deuxième demi-estocade qui touche au bas des banderilles et enfin par un descabello.
 
Pastor entreprend le troisième toro et lui sert quelques véroniques. Colorado et bien armé, celui-ci est plein de vigueur, prend six piques et les banderilles que lui appliquent Morenito el Pepín avant de tomber sous une estocade de Vicente Pastor qui va jusqu'à la garde. Le matador est en plein triomphe, la foule délirante lui fait une ovation cependant que les alguazils parviennent péniblement à rendre aux assistants les cannes et les chapeaux qui ont été envoyés dans le redondel. L'oreille du fauve est accordée à Pastor.
 
Le quatrième toro, non moins vigoureux que ses camarades de guanadería, maltraite la cavalerie, prend sept piques, provoque quelques chutes et reçoit les banderilles de Morenito, Pepín et Africano. Mazzantinito est chaleureusement applaudi au travail de cape : après avoir lancé son brindis, il entre à matar. Déroule une faena limpide toute de passes en rond et naturelles, et conclut par un pinchazo et une estocade un peu caída. Le public est enthousiaste, la présidence accorde l'oreille au matador.
 
Le cinquième toro paraît moins vif que les précédents, mais, bientôt excité par les appels et le rouge des capes, il bondit et attaque vigoureusement les picadors. Il reçoit cinq piques : Morenito et Pepín, de Valencia, lui appliquent les palos dans les règles. Pastor prend l'estoc et entre pour l'acte final. Le toro baisse la tête devant la muleta du diestro et tombe après un pinchazo suivi d'une demi-estocade.
 
Mazzantinito brille au dernier toro qui, très brave et très puissant, attaque la cavalerie dès sa sortie du toril, prend cinq piques, tue deux chevaux et provoque quelques chutes monumentales, dont une de Melones. Heureusement, le maestro est aux quites et ramène le toro au milieu du redondel. Infatigable, le diestro applique, pendant le deuxième tercio, quatre paires de palos. Les clarines sonnent la mort. Mazzantinito, estoc en main, égrène ses passes de muleta et achève la bête par un pinchazo et une estocade profonde. La présidence accorde l'oreille au maestro.
 
Et maintenant que la corrida est terminée, que les gouttes de sang sont essuyées au tranchant des espadas, la foule s'écoule lentement, emportant de celte journée le souvenir d'un spectacle grandiose, celui de la lutte courageuse de l'homme en face de la brute furieuse. Les derniers bravos se sont tus. 
 
Mais l'enthousiasme est encore là, et tard encore, à la terrasse des cafés du boulevard Seguin, on ne parle que de faroles, de véroniques et de varas et l'on entend de toutes parts des éloges flatteurs pour la Direction des Nouvelles Arènes qui a su offrir à la ville d'Oran un tel festival. Avec toute la pompe et le luxe usités en Espagne dans les grandes occasions seulement, ces deux premières corridas de muerte des «Nouvelles Arènes Oranaises», celles des 14 et 17 juillet, se déroulèrent, fastueuses.
 
En résumé, ce fut parfait en tous points. Là tout Oran gardera un inoubliable souvenir de cette solennité tauromachique, si magnifiquement ordonnée par M. Eugène Joud, le jeune et sympathique directeur des «Nouvelles Arènes Oranaises».
 
Sur plus d'un demi-siècle, le lustre des spectacles et de l'arène s'étiolera, cette dernière deviendra un lieu de stockage d'alfa (plante servant à fabriquer le papier).
 
En 1953, l'audois Paul Barrière reprend les rênes de l’amphithéâtre et porte sa capacité à 13000 places
 
Après un réaménagement, elles sont à nouveau inaugurées le 13 mars 1954 avec au cartel Domingo et Rafael Ortega, Dámaso Gómez et toros de Manolo González Martín.
 
Cette même année fut créée la première école taurine d'Oran avec son professeur directeur Facundo, dit « El Manco » (le manchot).
 
Le 7 octobre 1956 : Présentation du maestro Luis Miguel Dominguín, et retour aux affaires taurines après trois ans d'absence (blessure au Venezuela). Il est accompagné de Paco Corpas, et de Jumillano, toros de Samuel Flores.
 
Ce fut le seul et unique « no hay billetes », même la venue des Platters ne remplira pas le coso.
 
Cette même année, Paul Barrière cédera la direction à Vicente Jorda.
 
A Perregaux, situé à la périphérie d'Oran, existait un élevage de toros bravos. Il fut organisé dans ce même lieu sous la houlette des arènes oranaises le seul et unique championnat de Toros Ball.
 
L'histoire taurine d'Oran s’arrêtera définitivement en 1959.
 
Désaffectées et abandonnées après la décolonisation, elles font aujourd’hui l’objet de projets de réhabilitation et de transformation en lieu d’animation et de spectacles.
 
Sidi-Bel-Abbès (« arènes du Mamelon »)
 
La ville se déploie sur les rives de la Mekerra et de l'oued Sarno. Elle se situe au centre d'une vaste plaine ondulée de 500m d'altitude moyenne, entre les monts du Tessala au nord et les monts de Daya au sud. La chaîne du Tessala la sépare des plaines de la Mleta et du Tlélat. À l'est, une suite de hauteurs s'étendent jusqu'aux monts qui soutiennent les hauts plateaux alors qu'à l'ouest se trouvent les massifs de Tlemcen (Monts de Tlemcen) et d'Aïn-Témouchent (Djebel Seba Chioukh).
 
Bien que le site de Sidi Bel Abbès soit stratégique puisqu'il permet le contrôle des nomades du sud venant dans le Tell et la route entre Mascara et Tlemcen, il n'y est érigé qu'une forteresse à partir de 1835 par les militaires français.
 
Les anciennes arènes étaient situées au village Perrin.
 
Le 17 janvier 1892, la Société des Arènes de Sidi-Bel-Abbès prend la décision de construire de nouvelles arènes au bout de l’avenue Edgar-Quinet (Trig-el-Kharoub actuelle) et pouvant accueillir 6000 spectateurs. Les travaux commencent en 1893 et l’inauguration a lieu le 24 juin 1894, avec le « fameux matador El Gallo ».
 
A la suite de l’interdiction des mises à mort, comme sur tout le territoire métropolitain, des courses landaises y sont prévues.
 
Mais la désaffection du public habitué aux courses espagnoles provoque, le 20 mai 1900, la dissolution de la Société des Arènes Bel-Abbésiennes.
 
La vente aux enchères publiques des arènes est organisée le 23 mai 1901. 
 
Une route est par la suite tracée sur leur emplacement, où sera également construit un groupe scolaire.
 
Sources : Patrimoine course landaise
 
Bibliographie :
 
Pierre Dupuy, La tauromachie dans le Maghreb français, [Balaruc-les-Bains], Union des Bibliophiles taurins de France, 2012.
 
(Photo : arènes d'Oran)
 
Patrice Quiot