Samedi 27 Avril 2024
PATRICE
Samedi, 19 Mars 2022
pq18ph
 
Le taureau : De la Bible à Wall Street…
 
Exode 29  –  36
« Tu offriras chaque jour un taureau en sacrifice pour le péché, pour l’expiation; tu purifieras l’autel par cette expiation, et tu l’oindras pour le sanctifier. »
 
Exode 29   –   10-14
« Tu amèneras le taureau devant la tente d’assignation, et Aaron et ses fils poseront leurs mains sur la tête du taureau. »
 
Ézéchiel 43 – 25,27
« Pendant sept jours, tu sacrifieras chaque jour un bouc comme victime expiatoire ; on sacrifiera aussi un jeune taureau et un bélier du troupeau, l’un et l’autre sans défaut. »
 
Hébreux 9 – 22,23
« Et presque tout, d’après la loi, est purifié avec du sang, et sans effusion de sang il n’y a pas de pardon. »
 
Lévitique 4
« … Si c’est le sacrificateur ayant reçu l’onction qui a péché et a rendu par là le peuple coupable, il offrira à l’Eternel, pour le péché qu’il a commis, un jeune taureau sans défaut, en sacrifice d’expiation. Il amènera le taureau à l’entrée de la tente d’assignation, devant l’Eternel ; et il posera sa main sur la tête du taureau, qu’il égorgera devant l’Eternel. Le sacrificateur ayant reçu l’onction prendra du sang du taureau, et l’apportera dans la tente d’assignation. »
 
Hébreux 9 :13
 
« Car si le sang des taureaux et des boucs, et la cendre d'une vache, répandue sur ceux qui sont souillés, sanctifient et procurent la pureté de la chair. »
 
Le taureau a traversé la Bible.
 
De l’Ancien au Nouveau Testament.
 
L’animal était réputé pur parmi les Hébreux, et on s’en servait ordinairement pour les sacrifices. 
 
Les Septante et la Vulgate ont souvent rendu par bœuf ce qui signifie un taureau, comprenant sous le nom de bœuf plutôt l’espèce que le sexe ou la qualité de l’animal. 
 
En général, les anciens Hébreux ne coupaient aucun animal et quand on lit bœuf dans le texte, il faut entendre un taureau.
 
La beauté du patriarche Joseph est comparée à celle du taureau (Genèse 33.17). 
 
Les Égyptiens avaient une vénération particulière pour cet animal ; ils lui rendaient des honneurs divins, et les Juifs les ont imités dans le culte qu’ils ont rendu dans le désert et dans le royaume d’Israël aux veaux d’or, c’est-à-dire, aux taureaux d’or.
 
Jacob reproche à ses fils Siméon et Lévi d’avoir percé la muraille des Sichémites (Genèse 49.6), ou, selon une autre traduction de l’Hébreu, d’avoir coupé les jarrets à un taureau. 
 
C’est ainsi que les Septante ont traduit, et plusieurs anciens Pères ont suivi cette traduction, et ont expliqué ce passage de Jésus-Christ mis à mort par les Juifs. 
 
L’hébreu sehor signifie un mur et un taureau.
 
Ce dernier terme, dans un sens allégorique et figuré, s’entend aussi pour des ennemis puissants, fiers, insolents. Tauri pingues (l’Hébreu : Tauri Basan) obsederunt me, dit le Psalmiste (Psaumes Psaumes 21.13).
 
Et ailleurs (Psaumes 47.31) : « Seigneur, frappez dans votre colère ces animaux qui paissent dans de grands pâturages, ces troupes de taureaux. Et Isaïe : « Le Seigneur fera égorger ses victimes dans le pays d’Édom ; il va faire un terrible carnage ; il tuera les licornes et les taureaux gras », c’est-à-dire, ces princes superbes et cruels qui ont opprimé les faibles.»
 
L’animal bénéficiant d’un culte particulièrement actif dans les religions antiques fera l’objet d’holocaustes innombrables dans les premiers temps du judaïsme pour finalement prendre une valeur symbolique autre avec l’Apocalypse.
 
Son sacrifice a été synonyme de vie et d’expiation des âmes, avant que la Passion du Christ ne le supplante.
 
Le XXIe siècle ne peut qu’être surpris du nombre d’animaux sacrifiés en holocauste. 
 
Ce dernier terme d’origine grecque signifiant entièrement consumé par le feu, les bêtes ayant été au préalable égorgées pour en recueillir le sang aspergé sur les autels et les fidèles.
 
Pour quelles raisons ces pratiques qualifiées de nos jours de cruelles, étaient-elles si fréquentes, comme on peut le constater à la lecture des Livres de l’Ancien Testament ?
 
Le Lévitique nous fournit la réponse : « Car la vie d’un être de chair est dans le sang, et moi, je vous le donne afin d’accomplir sur l’autel le rite d’expiation pour vos vies ; en effet, c’est le sang, comme principe de vie, qui fait expiation ».
 
Cette offrande, qui remplaça les victimes humaines des premiers temps, se devait de rendre propice la divinité ainsi vénérée, d’où le terme sacrifice propitiatoire.
 
Si le taureau est loin d’être le seul animal à avoir été ainsi sacrifié, il reste cependant celui qui apparaît le plus dans les textes bibliques.
 
Cette préférence tient à l’héritage légué par les multiples cultes préchrétiens qui ont tous eu une prédilection pour cet animal puissant, incarnant tout autant la vitalité que la fertilité.
 
Qu’il s’agisse de l’Égypte ancienne qui l’associera au dieu Amon et qui donnera lieu au culte d’Apis, de l’Assyrie avec ce taureau à face humaine qui prendra nom de Chérubin, ou de la Grèce avec Poséidon sans oublier Rome avec le char de Diane attelé de taureaux, l’animal est omniprésent dans la culture antique contrairement à aujourd’hui où seule la tauromachie perpétue cet héritage.
 
Mais le lecteur de l’Ancien Testament pourra déjà déceler une critique sous-jacente des sacrifices souvent rapprochés du paganisme comme le relève Ésaïe :  
 
« Qu’ai-je affaire de la multitude de vos sacrifices ? dit l’Éternel. Je suis rassasié des holocaustes de béliers et de la graisse des veaux ; Je ne prends point plaisir au sang des taureaux, des brebis et des boucs ».
 
Une critique qui sera confirmée par Saint Paul aux Hébreux : « il est impossible que le sang des taureaux et des boucs ôte les péchés ».
 
C’est à cette tradition qu’il faut puiser pour comprendre l’image du « tétramorphe » signifiant à quatre têtes de l’Apocalypse de Saint Jean.
 
Déjà dans l’Ancien Testament, le prophète Ézéchiel dans l’une de ses visions avait identifié la forme de quatre Vivants, avec pour chacun, quatre ailes et quatre faces dont l’une était celle d’un taureau.
 
Jean, dans sa Vision, perçoit également quatre Vivants, mais dont chacun est un animal et le deuxième ressemblant à un taureau.  
 
À partir de ces récits, par parallèle, chacun des quatre évangélistes se verra attribuer un animal et le taureau deviendra le symbole de l’évangéliste Saint Luc.
 
Luc est associé au taureau car son Évangile met l’accent sur le côté sacrificiel de la mort du Christ.
 
Allant plus loin, le christianisme primitif n’hésitera pas à identifier le Christ lui-même à ce taureau à la fois puissant et victime ainsi que l’écrivit Tertullien :
 
« Ce taureau mystérieux, c’est Jésus-Christ, juge terrible pour les uns, rédempteur plein de mansuétude pour les autres ».
 
Mais, par la suite, l’acte fondateur du christianisme - le sacrifice accepté par Jésus de sa vie sur la Croix - se substituera définitivement pour les chrétiens aux sacrifices animaux rendus inutiles par cette Passion librement choisie.
 
La société contemporaine continue à déifier et à craindre le taureau.
 
Les proverbes, les comparaisons imagées, les sens figurés ont prolongé jusque dans notre vie quotidienne les croyances ancestrales.
 
L’animal incarne la fougue et la colère, et à ce titre le rouge reste sa couleur, rappelle Michel Pastoureau, spécialiste des couleurs.
 
Mais s’il est peut-être un symbole associé à cet animal qui a le mieux traversé les millénaires depuis sa domestication, c’est la richesse.
 
Notre « A » latin est hérité du « A » renversé de l’alphabet phénicien dans lequel on reconnaît une tête de taureau qui symbolise l’argent.
 
Dans la même filiation, « pecu » qui signifie bétail en tant que bien possédé, a donné pécuniaire.
 
 ... Et une sculpture de taureau trône à Wall Street devant la Bourse de New-York.
 
Patrice Quiot