Mercredi 24 Avril 2024
PATRICE
Jeudi, 28 Avril 2022
sev28ph
 
Séville 1984 : 3 toros, 3…
 
Ces trois-là, je m’en souviendrai toute ma vie.
 
Le premier était un toro du « Viti ».
Il sortit en quatrième, le 2 mai.
 
Miércoles de Farolillos, septième corrida de l’abono ferial.
Corrida de Santiago Martín qui se présentait de ganadero à Séville.
 
A l’affiche : Curro Romero, Curro Vásquez et José María Manzanares.
La corrida vint laide, mansa, sans classe.
« Impresentables, desiguales, feos, destartalados, y además, moruchones » (El Pais).
Un fracaso ganadero.
Presentación y despedida du ganadero.
 
Ce mercredi 4 mai 1984, le quatrième pensionnaire de Santiago Martín était dévolu à Curro.
Pour boiterie, le palco en ordonna le changement.
 
Le toro était au centre.
Par trois fois et en vain, les castrés ne purent l’en faire sortir.
C’est alors qu’Antonio Gómez « Manolín », le cabestrero de la plaza, intervint.
 
Il s’avança une première fois.
A la première raie.
Le toro ne bougeait pas.
Il s’avança une seconde fois jusqu’à la deuxième ; le toro avança un peu, le regarda et s’arrêta.
 
Alors, emporté par une sorte de vergüenza arriérée et les encouragements d’un public partagé entre la peur et l’admiration, « Manolín » s’avança.
Pour aller au-delà.
 
Assis à côté de moi, François Caro bafouilla en tremblant : «N’y va pas ! »
« Manolín » n’écouta pas François et y alla.
 
C’est exactement ce qu’attendait le toro qui avait compris que le cabestrero avait dépassé la frontière.
 
D’un coup, il s’élança, rejoignit «Manolín» à un mètre du burladero à droite du toril et le mit minable.
Curro ne vint pas au quite et Manzanares pas vraiment.
Bronca épaisse à Romero et cornada gravissime pour Antonio Gómez qui ce jour-là toucha 1500 ptas de sueldo et reçut l’extrême onction.
 
Lorsque les monosabios qui emmenaient un « Manolín » presque agonisant à l’infirmerie passèrent devant nous, Manolo Ortiz me dit: «Quiot, saca la foto ».
 
Sans la moindre hésitation.
 
Le second était un toro de  «El Torero».
Il sortit en cinquième le 4 mai.
 
Viernes de Farolillos, neuvième corrida de l’abono ferial.
Corrida de Salvador Domecq y Díez. Finca : «Las Salinas de Hortales» /El Bosque (Cádiz).
A l’affiche : Antoñete, Paquirri et Emilio Muñoz.
 
En mantille, dans la loge royale, la duchesse d’Albe.
Il ne se passa absolument rien.
Nada de nada.
 
Si ce n’est que ce fut le trente cinquième paseo de «Paquirri» à Séville.
Et le dernier toro qu’il tua à la Maestranza.
Francisco Rivera Pérez avait 38 ans et Pozoblanco est toujours à 213 km de Séville.
 
 sev28h
 
Le troisième était un toro de Palomo Linares.
Il sortit en cinquième le 6 mai.
 
Domingo de Farolillos, douzième corrida de l’abono ferial.
Corrida de Miura. Finca : «Zahariche»/La Campana (Séville).
A l’affiche : Francisco Ruiz Miguel, José María Manzanares et José Antonio Campuzano.
Lleno hasta la bandera.
 
Le cinquième Miura ayant été refusé par le palco, sortit le sobrero de Palomo. Finca : «El Palomar» /Aranjuez (Madrid).
D’un noir entrepelado sale, d’un trapío indigne, vulgaire d’allure, le toro avait le cul souillé de sa merde.
Une horreur.
Pour Manzanares.
31 ans et 13 années d’alternative.
 
Manso perdido, le bison sauta deux fois au callejón et blessa Ramón Vila.
Banderillé de noir par Corbelle, il se tanqua aux planches du 10.
Toute la lidia fut contenue dans un espace qui n’excédait pas cinq mètres carrés.
 
Sous nos yeux.
Injectés de sang, ceux du toro regardaient alternativement José María, matador de toros por la gracia de Dios et la Penny terrorisée.
Vestido de tabaco y oro, Manzanares souffrit.
 
Visage congestionné, veines du front et artères du cou saillantes, bouche crispée, il fut formidablement humain.
 
Héroïque de cojones, splendide d’intelligence et exemplaire dans la lidia du criminel qui aurait mérité d’être pendu aux colonnes de l’Alameda, il fut magnifiquement torero.
 
En onze machetazos comme des coups de serpe et en une demi-estocade dans un cri, Manzanares se défit du monstre.
Une libération.
 
La gente debout.
José Maria Dols Abellán salua.
Humblement.
 
Il avait simplement fait ce qui était son métier.
Tueur de toros.
 
Patrice Quiot