Jeudi 18 Avril 2024
FERRERA
Dimanche, 01 Mai 2022
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Réaction à un article qui détruit Ferrera après la corrida de Victorino à Séville…
 
Mettons-nous bien d’accord. Chacun est libre d’exprimer ses impressions, voire ses convictions ou ses préférences,  et bien sûr, tous les goûts sont dans la nature, l’ennui naissant de l’uniformité. Mais on peut aussi exprimer son désaccord, comme moi ce jour à la lecture d’un article de Jesús Bayort dans le média ABC Sevilla qui démonte Antonio Ferrera suite à sa prestation de la veille dans la Maestranza. Le moins que l’on puisse dire, c’est que « Zébulon » prend cher…
 
La raison de cette descente en flammes ? Le ressenti de la faena de l’Extremeño à « Pobrecito », fils du fameux « Cobradiezmos  et meilleur toro d’un envoi de Victorino qui ne restera certes pas dans les annales, mais face auquel Ferrera a fait… du Ferrera ! Avec le soutien, voire la reconnaissance, d’une bonne partie du public.
 
Qu’ils soient sur place ou devant leur télé, bon nombre d’aficionados ont pu juger de visu et se faire leur propre idée, mais là n’est pas vraiment le problème. Malgré tout, pendant un quart d’heure, Antonio a visiblement enflammé le cirque sur plusieurs séquences, à sa façon, avec sa personnalité, son originalité, peut-être parfois ses outrances, voire un grain de folie, mais avec une torería tout de même digne de la mention, non ? Ou du moins de respect. 
 
Aussi, aller chercher des poux dans sa tête pour lui reprocher son brindis au footballeur Joaquín Sánchez, idole du Bétis, la couleur bleue de son capote, au demeurant fuera des codes convenus il est vrai, ou encore le fait de placer loin d’emblée le toro pour la suerte de picar, de se déplacer muleta sur l’épaule ou citer en marchant son adversaire pour porter l’estocade, autant de reproches adressés au protégé de Cristina Sánchez auxquels on peut aussi ne pas adhérer.
 
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Car bon sang, ça fait partie du personnage, celui d’un torero excentrique qui déborde d’entrega, de générosité et de ganas, qu’il faut prendre pour ce qu’il est et non pas pour ce que l’on aimerait qu’il soit ! Et qui sort du moule dans lequel il faudrait l’enfermer au prétexte de la sacro-sainte orthodoxie. Eh bien non, Ferrera est différent, et tant mieux… Ça nous change de tellement de clones ! Et puis depuis quand un brin de fantaisie et d’alegría ferait figure de crime ? D’autant plus que mis à part quelques coups de ciseaux dans le contrat de l’académisme, Ferrera est capable de sortir des suertes exécutées de façon remarquable. Avec autorité et poder. 
 
En somme, les deux faces du disque, bien possible, d’un « engañabobos » d’un côté, mais aussi de l’autre, celle d’un animateur hors-pair dont la torería véhicule consistance et alegría. Et la corrida, élargie au ténu cénacle de « sabios », c’est aussi ça, non ?
 
En outre, ne pas oublier que si l’on regarde bien la trajectoire d’Antonio, on s’apercevra facilement que la plupart du temps, il s’est coltiné des élevages que pas mal de ses compañeros parmi les plus huppés évitent autant qu’ils le peuvent sur leur feuille de route ! Et s’il n’est peut-être pas le plus fin torero comme l’âme andalouse en génère de temps à autres, avec sa personnalité, son sens aigu de la transmission et son pundonor, il méritait peut-être mieux que de lire dans un journal après cette corrida, que lui et son ami Joaquín Sánchez ne sont pas dignes de remettre un jour les pieds dans le saint des saints du toreo ! 
 
Plus rien à rajouter sinon que là, franchement, souhaiter pas moins que le bannissement d’un torero dans une arène de prestige, j’en tombe carrément sur le cul ! Qu’on ne l’apprécie pas, la personne comme son toreo, passe, mais de là à vouloir, avec son copain footeux, le voir dégager la piste, il me semble qu’il devrait y avoir une marge…
 
… Tiens, au fait, pour mémoire, nous sommes aujourd’hui le 1er mai et figurez-vous qu’en ce même jour de l’année 2006, à la même Maestranza, bien esquiché sur les tendidos pour cause de no hay billetes, j’avais comme 13.000 aficionados autour de moi la « carne de gallina », cette chair de poule provoquée par l’irruption dans la piste du fils du père… En effet, ce jour-là, José Mari Dolls Abellán, dit « Manzanares », allait quitter le ruedo - qui n’en est pas un -, quand son fils, actuellement matador à son tour, le rejoignit une paire de ciseaux à la main pour lui couper la coleta, larmes comprises. 13000 paires d’yeux embués qui n’étaient pas au bout de leur surprise quand ils virent toute une flopée de toreros entourer le maestro pour s’engager dans une ultime vuelta sous les clameurs, Padilla avec dans le rôle du costalero…
 
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Et cerise sur le kouglof, tout ce petit monde, dans un mouvement effréné propulsé par l’émotion générale, semblable à une forte poussée du pack du quinze de France, emporta Manzanares vers la Porte du Prince qu’il franchit ainsi allègrement… sans avoir coupé la moindre esgourde !!!  
 
Et pourtant, il ne me souvient pas d’avoir lu le lendemain la moindre réprobation sur cet acte empreint d’émotion et d’humanité, avec à la clé un beau pied-de-nez au règlement. On m’a pourtant dit qu’il devait être le même pour tout le monde ! Comme quoi, des fois…
 
(Photos Ferrera : Maestranza)