Vendredi 26 Avril 2024
TIBO, SEBASTIÁN ET MANOLO...
Mardi, 17 Mai 2022
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Retour sur le tentadero de samedi dernier à la ganadería Cuillé avec Tibo Garcia et Sebastián Ritter...
 
Dans la cadre d'une journée campera au Grand Badon qui avait déplacé la commission taurine d'Alès et dont j'ai déjà relaté la présentation des toros de Cuillé qui seront combattus le samedi 28 mai dans les arènes du Tempéras, j’ai assisté en fin de matinée à un tentadero pour Tibo Garcia et Sebastián Ritter.
 
D’ailleurs, ce n’était pas un hasard puisque ces deux toreros sont engagés pour la feria d’Alès, Tibo pour combattre les toros de Cuillé et le lendemain, le diestro colombien Sebastián Ritter pour affronter ceux de Valverde.
 
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Avec Luc Tosello sur le cheval et Thomas Ubeda pour la brega, les deux ont trouvé face aux vaches qui leur étaient destinées de quoi faire apprécier leur envie et leur forme du moment. 
 
En outre, Manolo Vanegas était venu assister à cette tienta en tant qu’invité d’honneur, ce qui nous a permis de constater deux choses importantes, son moral et ses progrès sur le plan physique. Une bien belle surprise. A noter le joli geste des deux maestros qui sont allés lui brinder leur actuation en signe d’amitié et de soutien. 
 
Evidemment, l’occasion était favorable à un entretien avec Tibo, Sebastián et Manolo…
 
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TIBO
 
« En ce début de temporada, j’ai cette corrida d’Alès qui va être déterminante pour la suite et bien entendu, pas mal en pourparlers dont je ne peux rien dire puisque rien n’est arrêté. 
 
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Après ces deux années difficiles où tout s’est pratiquement figé pour la plupart d’entre nous, il a fallu relancer la machine et à ce titre, Alès tombe à pic. Je vais bien sûr tout faire pour saisir la balle au bond, il faut qu’il se passe quelque chose et je vais l’appréhender à fond, comme si ça devait être la seule de la saison ! 
 
Je rentre de trois mois passés en Espagne et je m’entraine tous les jours. Là-bas, je m’entrainais surtout dans les environs de Madrid avec le maestro José Ignacio Ramos et Clemente Jaume qu’il apodère. 
 
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José a pas mal de caractère, il a toréé beaucoup de corridas, j’aime discuter avec lui, d’autant plus qu’hormis sur le plan technique, il m’apporte aussi beaucoup dans le domaine du mental. 
 
J’ai travaillé énormément sur le plan technique et physique, mais surtout mental. J’ai gagné en maturité, je pense et je réfléchis différemment et aujourd’hui, je sais qu’il n’y a pas quarante chemins, si je veux arriver là où j’ai envie d’arriver, il va falloir y aller par le seul chemin qui existe et ne pas trop se poser de questions… »
 
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A présent, je vais rester chez moi jusqu’à la corrida d’Alès, pour poursuivre ma préparation avec quelques toros en privé pour arriver au Tempéras dans les meilleures conditions possibles… »
 
Suerte, Tibo, que cette corrida t’apporte tout ce que tu en attends…
 
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SEBASTIÁN
 
« Je suis très satisfait de l’accueil de la ganadera et la qualité des vaches que j’ai pu tienter. Pour m’entrainer, j’ai tué cette semaine un toro de Victorino, un d’Escolar et un autre de Yonnet. Concernant le bétail, je me refuse d’entrer dans des classifications car je pense que les toreros devraient affronter tous types de bétail. On est matadors de toros, pas d’encastes ! Les anciens toréaient de tout, alors que chez les modernes, très peu le font ! 
 
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Chaque toro a sa connotation et mon père, qui a été matador, m’a toujours dit que les meilleurs toreros étaient ceux qui affrontaient tous les encastes. Notre choix a donc été dicté pour que la corrida que je vais prendre me serve un peu plus pour le futur en cas de succès.  Dans ma situation, c’est ce type de corrida qui me convient le mieux.
 
Depuis treize ans, je vis à Madrid. J’ai toréé très peu en France, juste en non piquée, car mon apoderado, Antonio Corbacho, n’y était pas très favorable, mais le hasard a voulu que suite à l’accident de Manolo, je l’ai remplacé à Vic. J’avais été blessé un peu comme lui au campo à la même époque. Le toro m’a plaqué au sol et je n’ai rien pu faire. Ils m’ont emmené à l’hôpital et par chance, je n’avais rien de cassé, juste une inflammation de la moelle, ce qui a eu pour effet la compression de mes nerfs. On m’a alors recommandé beaucoup de repos et je suis resté chez moi pendant un mois sans pouvoir trop bouger. 
 
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A partir de cette corrida de Vic, alors que j’étais très affecté par ce qui était arrivé à Manolo, nous sommes devenus très amis. Pour moi, c’est un très grand exemple pour la façon dont il surmonte ses problèmes. A mon retour en Espagne, je suis allé à l’hôpital pour le voir et j’ai rencontré les docteurs. Ils m’ont dit que c’était incroyable, qu’il était toujours au gymnase pour travailler le physique et que s’ils voulaient le voir, il fallait qu’ils viennent pendant les repas ! Pour moi, toréer n’est pas le plus difficile, mais faire ce qu’il fait l’est beaucoup plus ! 
 
Concernant mon pays, le danger n’est pas que les toros, il est pour le pays ! Les gens ont très peur qu’arrive au pouvoir Gustavo Petro qui milite ouvertement pour la prohibition. Le fond de son programme est assez populiste et démagogique, du style « je vais prendre aux riches pour le donner aux pauvres ». Mais d’un autre côté, on se rend compte que les toros attirent pas mal de monde, dans les grandes ferias, mais surtout par les racines les plus populaires, les fêtes de pueblos. Et là où c’était en baisse, ça s’est récupéré. Alors espérons…
 
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En ce qui concerne mon actualité, j’ai participé à la « Copa Chenel », un circuit de la zone de Madrid réservé aux toreros qui toréent peu (NDLR : on vient d’apprendre ce mardi 17 mai au soir que Sebastián fait partie des qualifiés pour les demi-finales qui se dérouleront courant juin. Enhorabuena !).
 
En outre, je suis annoncé le 3 septembre à Bayonne pour la corrida de six matadors avec les Pedraza. 
 
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Actuellement, je n’ai plus d’apoderado. Manolo m’a donné un coup de mains pour être ici et avant, j’ai été apodéré par Corbacho, qui est décédé, puis Juan Cubero et enfin par un autre que je ne tiens pas à nommer. Maintenant, mon apoderado… c’est ma muleta ! »
 
MANOLO 
 
Le 16 mai 2018, soit il y a juste quatre ans, Manolo Vanegas était invité à lidier deux toros de Hoyo de la Gitana à Ledesma, dans le Campo Charro. Deux jours après, une corrida l’attendait à Vic, mais le destin en avait décidé autrement…  
 
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Depuis, Manolo se bat au quotidien pour améliorer sa condition sur le plan physique, et au grand étonnement parfois du corps médical, il est déjà parvenu à réaliser des progrès importants et encourageants, même si le combat continue tous les jours… 
 
« Ma vie a changé à 100% ! J’ai dû rester alité très longtemps, ce qui a constitué chez moi un grand bouleversement et le fait tous les jours de me battre pour faire bouger une partie de mon corps a été sur le plan psychologique très éprouvant. Mais aujourd’hui, si je dois faire un bilan, je ne veux retenir que le positif. 
 
Le plus dur a été sur le plan mental. J’étais dans un bon moment de ma carrière et de là, se retrouver coincé dans un lit, en devenant quelqu’un de totalement dépendant au centre pour paraplégiques de Tolède, a été très frustrant. C’était très douloureux sous tous les aspects, mais j’ai été très bien entouré. C’est difficile pour les gens de bien le comprendre car je pense qu’il faut l’avoir vécu ! Actuellement, je suis un exemple pour moi-même car chaque jour, j’essaie d’obtenir un peu plus. Tout va doucement, ça fait déjà quatre ans et sur le plan nerveux, c’est très compliqué. 
 
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J’ai de grands amis comme David de Miranda, Paco Ureña, Emilio de Justo qui ont souffert de lésions cervicales, mais ils ont eu beaucoup de chance car ça n’a pas touché la moelle épinière et ils n’ont pas perdu leur mobilité. 
 
Maintenant, j’ai eu des périodes de silence mais je suis motivé par des amis, comme Sebastián, ce qui me rapproche un peu plus des toros. Je me sens actuellement chanceux, même si je ne suis pas encore à cent pour cent, mais aujourd’hui, Manolo Vanegas a surpris tous les membres du corps médical ! J’étais dans un fauteuil ou dans un lit, comme les maestros Nimeño ou Robles, et par rapport à eux, je suis déjà sur un plan de progrès qui me laisse l’espoir de progresser encore. Quand je suis dans la rue, les gens me demandent ce qui m’est arrivé, alors je leur réponds que je me suis fait mal au genou !  Ou que je suis tombé de vélo !
 
Au début, je ne pensais qu’à ma récupération, mais peu à peu, les toros sont remontés à la surface et m’ont motivé ! A l’hôpital, j’avais un capote dans mon armoire, et rien que le fait de pouvoir le saisir me remplissait d’illusion. Maintenant, je travaille surtout pour récupérer mes forces avec diverses activités du matin au soir.  Je fais tout ce que je peux faire et à l’hôpital, il y avait quelqu’un qui récupérait 1% par mois, alors que moi, j’ai récupéré bien plus, et plus vite. Mais je ne comptais pas mes heures. 
 
Certains me disaient que nous, les toreros nous n’étions pas comme tout le monde, mais moi je répondais que non car sinon, j’aurais été bien. Ce que nous avons s’appelle l’amour propre. C’est une motivation, c’est pourquoi pas mal de gens me citent en exemple, je ne me considère pas comme ça, mais si d’une manière ou d’une autre ça peut en aider certains, je serais très heureux. 
 
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J’ai reçu le soutien de toute la famille taurine, professionnels comme aficionados qui ont vu comment je me battais pour surmonter mon état. Aujourd’hui, je vois comment des toreros importants qui ont arrêté ces derniers temps son vite oubliés, mais moi, partout où je vais, je reçois de belles marques d’affection, ce qui me motive pour continuer à lutter.
 
Sur un plan médiatique, je suis contacté par de nombreux journalistes, comme pour l’article paru dans El Mundo ou aussi de grands médias audiovisuels comme Tendido Cero, et je les en remercie. Mais comme mon évolution est très lente, je préfère qu’il y ait un nouveau progrès pour m’exprimer.
 
Je peux compter sur l’appui de grandes empresas qui m’invitent pour leur feria et je les en remercie car ça me permet surtout de rencontrer des gens qui se préoccupent de mon état. Maintenant, je vais essayer de vivre un peu plus de ma profession et si je peux accompagner un torero… Je tien à préciser que je suis très proche de mon ami Sebastián et pour lui, la corrida d’Alès va être très importante. Il avait la possibilité de toréer celle de Cuillé qui était une chance phénoménale, mais tous les toreros ont envie de la prendre. Celle de Valverde, beaucoup moins. Ce qui se passe, c’est que s’il triomphe avec les Valverde, les gens risquent de valoriser encore plus son succès. C’est un pari, ce sont des encastes différents, mais avec un triomphe sur ce genre de toros, il peut s’ouvrir pas mal de portes. D’ailleurs, il me dit qu’Alès représente sa San Isidro !!! En outre, s’il a la chance de triompher, sa chance sera aussi la mienne… »
 
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C’est tout le mal que l’on souhaite à son copain. Quant à Manolo, j’avoue avoir été très ému par le récit de son combat exemplaire contre un mauvais sort qui l’a freiné dans sa profession. Un courage et une volonté qui forcent l’admiration et qui valent toutes les oreilles du monde, non ?