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PATRICE
Jeudi, 09 Juin 2022
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50 ans, 8 mois et 28 jours : Roberto Piles…
 
Ce 12 septembre 1971, il ne fait pas très beau sur Barcelone.
 
Il y pleut même par intermittence.
 
L’affiche annonce Luis Miguel Dominguín, qui s’est remis dans le bain tout l’été, Sebastián Palomo Linares, un très proche de la «casa» et Roberto Piles pour prendre l’alternative avec des toros de Torrestrella, propriété d’Álvaro Domecq.
 
Le public a répondu présent.
 
Ils sont près de 11000 pour voir sortir «Botero», numéro 68, qui accuse 509 kg sur la bascule.
 
Comme tout le lot, il aura peu de force. On le pique très légèrement deux fois et Roberto, pas encore matador de toros en titre, le banderille avec brio.
 
Luis Miguel prend alors la muleta et l’épée que lui tend son propre mozo.
 
Il s’avance avec un brin d’avance sur Palomo.
 
Puis il prend la parole :
 
« Roberto, tu sais que c’est une profession difficile. Tu es quelqu’un de bien, tu es un garçon intelligent. Ne change pas de cap. Si ça marche, tant mieux. Et si ça ne marche pas, tant pis… il y a tant d’autres choses à faire sur cette terre ! »
 
Passation d’instruments.
 
Abrazo avec son parrain et un simple et amical «mimi» de Sebastián Palomo.
 
La faena se passa comme on peut l’imaginer avec une telle faiblesse. Comme l’épée lui fait aussi défaut, cette première rencontre avec le toro se solde par un silence.
 
Son second toro était du même tonneau.
 
Robert fut brillant à la cape et fit une vuelta finale… habillé de jaune canari et argent.
 
Une couleur inhabituelle. Peut-être pour honorer la première alternative invalidée de Pierre Pouly cinquante ans après que ce dernier l’ait prise, ici même, en pleine « légalité » d’alors.
 
Une semaine après, Robert fit le paseo à Arles. Pour la «corrida des Vendanges». Au patio de cuadrillas, il retrouve son parrain et un torero mexicain qui fera parler de lui l’année suivante : Eloy Cavazos.
 
Il affronte un Vicente Charro et un Conde de Mayalde. Vuelta et oreille.
 
La célèbre photo de ce deuxième paseo tête nue, a fait croire à plus d’un qu’il prit ce jour-là son alternative. A l’ombre des tours sarrasines. Il n’en est rien, comme on le sait déjà. Il s’agissait bien sûr de sa présentation française, comme quatrième torero français de l’histoire.
 
Et premier nîmois d’une longue série en cours.
 
Sa temporada aurait pu s’arrêter là, mais elle se poursuivit… en Yougoslavie.
 
À Belgrade. Au stade Tas qui se remplit par deux fois pour plus que sa moitié. Avec un prix des places trois fois plus élevé que pour un match de football.
 
Cet étrange voyage au nord des Balkans fut une idée originale de Miguel Zuano, réfugié de la guerre d’Espagne. Pour une semaine culturelle espagnole, bien entendu.
 
Pour l’occasion, l’empresa était « Zadrugar ». Mais sans la casa Dominguín, l’affaire n’aurait pas vu le jour. Luis Miguel Dominguín était bien entendu la vedette attendue. Robert fut donc de l’aventure, tout comme le rejoneador Alfredo Conde.
 
Les toros furent embarqués chez Guardiola et Carlos Núñez.
 
Le vol 714 pour Dubrovnik est parti de Barajas et a fait escale à Rome. Le reste du chemin a été fait « en torero ».
 
Par la route. En voiture.
 
Domingo, qui n’était officiellement - pour le régime franquiste - « pas tout à fait rouge, mais d’un rosé très soutenu », navigua là-bas, loin de sa « placita » où il imprimait des tracts carrément « rouges » et où il reçut Che Guevara, comme un poisson dans l’eau, entouré par ses amis Manuel Amoros González (avocat à Madrid, qui fut président de ces deux corridas) et Jorge Semprún (qui officia comme assesseur).
 
Au dîner de gala du 1er octobre, le maréchal Tito fut présenté à Robert. Il lui tendit la main puis lui demanda, en espagnol, s’il devait toréer le lendemain.
 
Peu importe le résultat des deux corridas. Les Núñez bousculèrent et blessèrent Luismi.
 
Le rejoneador impressionna ces slaves sudistes.
 
Robert aussi avec ses poses serrées de banderilles.
 
Les toros de réserve restèrent sur place.
 
Dominguín s’arrêta définitivement peu de temps après.
 
Roberto fut appelé sous les drapeaux et dut quitter Madrid.
 
Il poursuivit sa carrière comme on le sait.
 
Et la poursuit encore aujourd’hui à Las Ventas et sur les routes.
 
En torero qu’il reste. 
 
Sources : Personnelles et autres pas retrouvées.
 
Datos 
 
Robert Pilés Sanz, né le 12 juillet 1952 à Nîmes.
 
Débuts en novillada sans picadors : Lansargues en août 1967 aux côtés de Jean Riboulet et Jacques Coule. Novillos de Sol.
 
Débuts en novillada avec picadors : Madrid, plaza de Vistalegre le 8 février 1970, aux côtés de Teodoro Librero « El Bormujano » et Blas Romero « El Platanito ». Novillos de Clemente Tássara et de Diego Romero.
 
Alternative: Barcelone (Espagne) le 12 septembre 1971. Parrain, Luis Miguel Dominguín ; témoin, Palomo Linares. Toros de Torrestrella.
 
Despedida de matador en 1986.
 
Luis Miguel González Lucas, dit Luis Miguel Dominguín, né à Madrid (Espagne) le 9 novembre 1926, mort à San Roque (Espagne, province de Cadix) le 8 mai 1996, fils du matador « Domingo Dominguín », est un matador espagnol.
 
Considéré comme un des matadors les plus populaires des années 1940 et 1950, il débute à douze ans dans les arènes de Lisbonne (Portugal). Il prend l’alternative le 2 août 1944 à La Corogne, avec comme parrain Domingo Ortega.
 
Torero flamboyant, d'une grande maîtrise qui pouvait passer pour de la froideur, il dut, pour gagner les faveurs du public, mettre en scène cet orgueil et cette rage qu'affectionnent les aficionados. C'est ainsi qu'en 1945, du lit où il se guérissait d'une cornada, il lança sur les ondes espagnoles un défi à « Manolete ». Le duel, qui passionna les foules, fut interrompu par la mort de « Manolete ».
 
En 1958, son beau-frère, Antonio Ordóñez lui contestera cette suprématie et leur affrontement défraya à son tour la chronique. Il est immortalisé dans le reportage d'Ernest Hemingway, L'Eté dangereux. Il se termina par une série de graves blessures pour « Dominguín ».
 
Débuts en public : Lisbonne (Portugal  en 1941.
 
Présentation à Madrid: 5 septembre 1943 aux côtés de « El Boni » et « Angelete ». Novillos de la ganadería de Sánchez Cobaleda.
 
Alternative: La Corogne (Espagne) le 2 août 1944. Parrain, Domingo Ortega ; témoin, son frère Domingo Dominguín. Toros  de la ganadería de Samuel Hermanos.
 
Confirmation d’alternative à Madrid: 14 juin 1945. Parrain, « Manolete » ; témoin, Pepe Luis Vázquez. Toros d’Antonio Pérez.
 
Premier de l’escalafón en 1946, 1948 et 1951.
 
Domingo González Lucas couramment appelé « Domingo Dominguín » né à Madrid le 10 juin 1920, mort à Guayaquil (Équateur) le 12 avril 1975.
 
Domingo Dominguín était l'aîné des trois fils de Domingo Dominguín (Domingo González Mateos). Doué d'une intelligence peu commune, il se distinguait par son courage et ses estocades al volapié. Son toreo sobre était apprécié des puristes, mais il lui valut de graves blessures
 
Alternative le 7 juin 1942 à Madrid, des mains de Cagancho, témoin, Morenito de Talavera, face aux toros de Domingo Ortega.
 
Il toréa peu souvent, jusqu'en 1948 et il mit fin à sa carrière après une dernière corrida à Mora (Espagne, province de Tolède). Il se consacra alors, avec son père, à la carrière de son frère Luis Miguel Dominguín. Il devint empresario et dirigea les arènes de Vista Alegre, à l'époque les deuxièmes arènes de Madrid qu'il avait rachetées et agrandies, mais qui seront détruites par la suite. Très vite, Domingo dirigea l'organisation taurine familiale.
 
Il s'employait à dénicher les jeunes talents avec des spectacles pour débutants. Il a ainsi découvert Palomo Linares et il a lancé la carrière d'Ángel Teruel. Un ancien torero, Salvador García avait remarqué le talent de Domingo Ortega et s'empressa de faire part à Domingo Dominguín de ses observations. Ce dernier prit alors Ortega sous sa protection et le lança véritablement dans l'arène.
 
Lorsqu'il apprit qu'il était atteint d'un cancer, il se suicida en Amérique latine, en Équateur.
 
Bibliographie
 
« Profession torero » - Edition bilingue français-espagnol/ Roberto Piles Sanz - Antoine Martin/Atelier Baie/ Mai 2011.
 
Patrice Quiot