Vendredi 29 Mars 2024
PATRICE
Mercredi, 06 Juillet 2022
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Budd Boetticher et les toros…
 
« Bullfighter and the Lady » (La Dame et le Toréador) (1951) est un film miraculeux dans la carrière de Budd Boetticher, surtout célèbre pour une série de westerns interprétés par Randolph Scott, car il permit à un cinéaste initialement cantonné dans les produits anonymes de série B de réaliser un film personnel et en partie autobiographique, puisque Boetticher fut lui aussi saisi par le démon de la tauromachie.
 
Significativement, « Bullfighter and the Lady » sera le premier film que le cinéaste signera Budd Boetticher, au lieu d’Oscar Boetticher, Jr. Boetticher fait ainsi coïncider sa propre histoire (celle de l’homme et de l’aventurier) avec son acte de naissance de cinéaste.
 
Le résultat est un grand film, le premier de la nouvelle carrière de Boetticher, qui prend pleine possession de ses moyens grâce à un sujet qui le passionne, contre-exemple de la théorie selon laquelle les petits cinéastes de studios ne sont jamais plus à l’aise qu’avec des sujets imposés.
 
Scénario :
 
Chuck Regan (joué par Robert Stack), jeune producteur américain de film, voyage à Mexico où il se met à la tauromachie pour impressionner une beauté locale, Anita de la Vega (Joy Page). Manolo Estrada (Gilbert Roland), un matador vieillissant, accepte à contrecœur d'enseigner à l'impertinent et égocentrique Regan.
 
La photographie est en noir et blanc car, selon Budd, filmer des corridas sanglantes en couleur aurait conduit à la censure du film.
 
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John Wayne produit le film.
 
John Ford, qui est conseiller de Wayne, décide de couper 42 minutes pour le rendre plus commercial. Boetticher fut particulièrement déçu car il s'agit des scènes les plus personnelles.
 
Depuis, une version de 124 minutes comprenant ces scènes a été restaurée.
 
Même s’il avait réalisé son rêve, Boetticher dut à l’époque de la sortie du film accepter un compromis avec son producteur, l’acteur John Wayne, dont la société Batjac produira aussi le fameux « Sept Hommes à abattre » de Boetticher en 1956.
 
John Wayne décida de confier le montage final à John Ford, qui aima beaucoup le film, mais pratiqua la coupe des séquences les plus documentaires, où l’on voit l’acteur Robert Stack toréer sans être doublé dans l’arène.
 
Malgré son admiration pour Ford, Boetticher désavoua le nouveau montage et la supervision de Ford qui avait rendu le film à une forme plus conventionnelle.
 
Il y a une dizaine d’années, on a pu découvrir en salles la version « director’s cut » du film, approuvée par Boetticher, avec trente-sept minutes de plus, échappant ainsi le plus souvent aux conventions hollywoodiennes et aux clichés de l’exotisme.
 
Le ton est âpre, et le dénouement tragique, sans illusions sur l’impossibilité d’intégrer une culture étrangère.
 
Pour La Dame et le Toréador, Budd Boetticher reçoit sa seule nomination aux Oscars, en l'occurrence celui de la meilleure histoire originale.
 
Cela représente une fulgurante ascension depuis la série B dans laquelle il était enclavé jusqu'alors. La nomination est aux noms de Budd Boetticher et Ray Nazarro.
 
En réalité, Budd avait raconté son script à un ami de Nazarro et ce dernier l'a enregistré à leurs deux noms à la Writers Guild of America. Il a dès lors revendiqué d'être crédité au générique du film, alors qu'il n'a pas participé à son écriture.
 
Boetticher réalisa ensuite « The Magnificient Matador » (1955), autre film de studio sur la tauromachie, avec Anthony Quinn.
 
Après « La dame et le toreador », et « The Magnificient Matador », à la fin des années cinquante, Boetticher ambitionne de produire un film dressant le portrait de son ami Carlos Arruza.
 
A partir de 1957, il filme 18 corridas du héros populaire mexicain. Il obtient ainsi une matière de fond suffisante pour lancer son projet.
 
En 1961, Boetticher part au Mexique avec son équipe, mais ne parviendra pas à monter le projet, victime d’une grève de l’industrie du cinéma puis du retrait de ses investisseurs.
 
Boetticher se retrouve incapable de faire face à ses dettes et sombre dans l'alcool et la dépression.
 
Au fond du gouffre, il passe 28 jours en prison et une semaine en asile psychiatrique. En mai 1966, alors que Boetticher tente de refaire surface, Arruza meurt dans un accident de voiture et le réalisateur se retrouve sans le personnage central de son histoire.
 
Le projet dégénèrera en odyssée tragique où Boetticher manquera de perdre la raison, ce qui mettra un terme à sa carrière de cinéaste.
 
Boetticher vécut jusqu’à sa mort en 2001 dans un ranch où il élevait des taureaux.
 
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Datos 
 
Budd Boetticher, Oscar Boetticher Jr. de son vrai nom, est un réalisateur américain né le 29 juillet 1916 à Chicago (Illinois) et mort le 29 novembre 2001 à Ramona (Californie).
 
Oscar Boetticher Jr. poursuit ses études à l'université de l'Ohio avant d'entreprendre une carrière de joueur de football américain. Au milieu des années 1930, alors qu'il est en convalescence au Mexique, Oscar y rencontre Maximino Ávila Camacho, avec qui il sympathise, sans savoir qu'il s'agit d'un homme politique important.
 
Dans sa fougue, il lui dit vouloir devenir torero.
 
L'homme influent convainc alors Lorenzo Garza de prendre en charge son entraînement. Finalement, Boetticher reste au Mexique. Il s'entraîne avec Lorenzo Garza, puis avec Fermín Espinosa et son jeune novillero Carlos Arruza. En combattant un novillo, il est empalé par l'animal qui lui rentre une corne dans le rectum et lui déchire les boyaux jusqu'à l'estomac.
 
Sa connaissance du milieu taurin lui vaut d'être engagé comme conseiller technique sur Blood and Sand (Arènes sanglantes) de Rouben Mamoulian (1941).
 
Avant « La dame et le toréador », et « The Magnificient Matador », il travaille comme coursier au Hal Roach Studios, puis au titre d'assistant réalisateur
 
A la fin des années 1960, Budd est considéré comme trop vieux et ne trouve plus d'emploi.
 
Boetticher finira sa vie dans la pauvreté, en élevant des chevaux, jusqu’à sa mort survenue le 29 novembre 2001 à Ramona (Californie).
 
Patrice Quiot