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PATRICE
Lundi, 11 Juillet 2022
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Masculin/Féminin (1)…
 
La crise économique de la corrida au début du XXe siècle, survenue après la retraite en 1899 du torero Rafael Guerra Bejarano Guerrita (1862-1941), était causée, selon l’interprétation du chroniqueur taurin José de la Loma (1860-1916), par la présence sur la scène taurine des Noyas et par la lâcheté et la docilité des hommes, qui succombaient face au développement du discours du féminisme en Espagne. 
 
Les Noyas (cf. datos) furent la première équipe taurine composée uniquement de femmes, qui réussirent à atteindre un succès phénoménal. Elles remplirent les arènes dans toute l’Espagne en assurant des centaines de corridas. Dans un article de la revue taurine Sol y Sombra, Don Modesto constatait avec regret l’affluence de public quand les Noyas toréaient à Madrid, traçant un parallélisme entre la passivité du peuple espagnol face à la perte des territoires d’outre-mer et la préférence des aficionados pour les Noyas :
 
« Nous perdons d’énormes fragments de territoire national au milieu de l’indifférence glaciale et cette ‘attitude froide’ de la masse commune nous fait dire à beaucoup : - Il n’y a pas de sang ! Nous contemplons avec une sérénité étonnante la ‘rivière des gens’ qui déborde en direction des arènes pour voir les jeunes toreras, et il ne vient à personne de demander : - Le sang de torero est-il parti ? ».
 
Le problème n’était pas uniquement l’existence de femmes qui toréaient, mais également l’apparition des « señoritos toreros », des toreros faibles, représentant un intrus dans le monde taurin : l’homme efféminé. Les publications taurines ciblaient particulièrement la féminisation des toreros comme la cause de la détérioration de la corrida en comparant les nouveaux protagonistes taurins avec les toreros du XIXe siècle :
 
« Torero d’antan était synonyme d’homme fort, sportif, musclé, en bonne santé ; le modèle d’un homme galant et paysan aux jambes serrées et à la taille velue ; d’un corps frétillant plein de beauté sculpturale […] De nos jours, […] celui qui ne ressemble pas à un enfant scrofuleux et acharné, a l’air de dégénéré sur son corps et sur son visage. »
 
Le supposé état d’avilissement de la corrida symbolisait en réalité la dégénérescence de la nation. Pour le spécialiste taurin Pascual Millán (1845-1906), directeur de la revue Sol y Sombra, l’irruption de ces toreras reflétait « l’état social de l’Espagne. ». À une époque où la peur du renversement des rôles genrés était une préoccupation croissante, les corridas provoquaient la crainte chez de nombreux journalistes des avancées sociales concernant les femmes 
 
On doit comprendre ces discours comme la répercussion, dans le monde taurin, de la réaction masculine face à la crise des identités nationales genrées qui bouleversait la structuration de la différence sexuelle dans la société espagnole et la définition même de l’hispanité. La critique des toreras peut être analysée parallèlement à la méfiance et la réprobation dont faisaient l’expérience, à cette époque, les femmes écrivaines ou journalistes. 
 
De la même façon que certaines disciplines scientifiques légitimèrent l’incapacité féminine à gérer les affaires publiques, les textes et les images produits par un nombre considérable de journalistes discréditèrent l’action des toreras, perçues comme des intruses dans un spectacle considéré le plus national. 
 
Un des moyens de rabaisser le talent des toreras fut leur caractérisation en objets sexuels.
 
Certains spectateurs contestaient aussi cette subversion de l’identité féminine hégémonique, en rappelant aux femmes leur place dans la société : s’occuper de l’éducation de leurs enfants, du bonheur de leurs maris et de l’ordre du foyer. La fonction des femmes consistait uniquement à décorer la fiesta nacional, avec leur beauté et leur sensualité. 
 
Cette idée était corroborée par les discours médicaux : le rôle physiologique de la femme dans le sport était celui de spectatrice. Elle devait donc admirer le courageux chevalier, qui finalement lui offrait la mort de l’animal. Les femmes devaient rester dans les gradins car les arènes étaient le monopole des hommes, comme l’affirmait le journaliste taurin Felipe Cabañas Ventura (1868-1928), surnommé Primores : « Et puisque la femme, dont sa place est le foyer, ne dispose pas de conditions naturelles pour vaincre le mâle dans ce domaine, libérez le chemin à ceux qui peuvent et doivent marcher sur les arènes ».
 
La Reverte se distinguait d’autres toreras par ses compétences taurines. 
 
En 1905, c’était la seule femme à apparaître dans le guide taurin de la revue taurine La Fiesta Nacional. Entre 1906 et 1908, plusieurs corridas de cette torera furent annulées par des gouverneurs civils. 
 
Juan De La Cierva y Peñafiel (1864-1938), Ministro de la Gobernación (Ministre de l’Intérieur), fut le promoteur de ces interdictions en juin 1908 : « Outre le fait que la loi sur la protection des femmes et des enfants prive les femmes du droit d’exercer des professions dangereuses, j’estime que les femmes ne devraient pas toréer ».
 
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Le rejet des toreras se matérialisa finalement le 2 juillet 1908 dans la Real Orden Circular élaborée par Juan De La Cierva y Peñafiel, interdisant aux femmes de toréer. Plusieurs journaux comme ABC célébrèrent la prohibition.
 
« L’opinion publique a protesté à plusieurs reprises contre la pratique introduite dans les arènes selon laquelle certaines femmes participent à la lutte contre les taureaux ; et bien qu’il soit allégué que la loi ne l’interdit pas expressément, l’acte lui-même constitue un spectacle inapproprié et est si opposé à la culture et à tous les sentiments délicats que les autorités gouvernementales ne devraient en aucun cas permettre leur célébration, en tant qu’acte offensant la morale et les bonnes manières. »
 
Dans un article publié dans le journal El Imparcial, Mariano de Cavia(1855-1920), qui considérait les toreras comme une des expressions du féminisme en Espagne, proposait ironiquement à la Reverte une solution : continuer sa carrière à Londres, en acquérant la nationalité anglaise, pour aider les suffragettes à estoquer le gouvernement britannique. 
 
Elle reprit finalement son activité taurine en Espagne en 1911, sans trop de succès, sous le nom d’Agustín Rodríguez, grâce à un certificat présenté au Registre Civil prouvant qu’il était un homme. Lors de sa réapparition, la transformation de la Reverte fut l’objet de la critique virulente de nombreux journalistes, incapables d’accepter une transsexualité qui guettait la construction binaire des identités de genre. 
 
Cette torera, comme d’autres femmes qui adoptèrent les vêtements et les comportements considérés masculins, fut qualifiée de virago et d’intersexuelle. Sa condition sexuelle fut toujours mise en doute : ou bien elle décida de falsifier un document pour escroquer la loi ; ou bien il avait toréé en tant que femme parce qu’il n’était pas accepté comme torero.
 
Dans une période marquée par une plus grande visibilité du discours du féminisme en Espagne et par la crise de la masculinité espagnole, la discrimination légale des toreras traduisait un programme de régénération nationale qui poursuivait deux objectifs : la réaffirmation de la supériorité des hommes sur les femmes et l’élimination des images féminines qui ne coïncidaient pas avec la vision dominante de la féminité.
 
Si la dégénérescence était liée à la présence croissante d’hommes efféminés et de femmes masculinisées, selon les canons de genre de l’époque, la régénération visait la renaissance de l’homme viril. La conceptualisation de ces phénomènes sociaux fut en effet déterminée par la variable « genre ».
 
 Datos : Las Noyas
 
A finales de siglo, año 1894, aparecen unas toreras que tuvieron un gran impacto: “Las Noyas” o sea “Las señoritas toreras Catalanas” que tuvieron un rotundo éxito en su carrera basado en dos pilares fundamentales: su buen hacer torero y el acertado lanzamiento que les hizo su apoderado, el periodista y empresario catalán Mariano Armengol, apodado “El Verduguillo”. El mismo era quien entrenaba a las muchachas que no sobrepasaban los 14 años, y logró formarlas bien, con técnica y profesionalidad, para que no hicieran nunca el ridículo. Debutaron en Barcelona en 1895 un 10 de marzo, en una plaza llena a rebosar, y lograron un extraordinario éxito. Ese año torearon al menos en 15 plazas de capitales importantes de España y lograron una gran fama. Las matadoras o figuras del grupo eran: Dolores Pretel “Lolita” y Angela Pagés “Angelita”. Las banderilleras eran: Encarnación Simó, Julia Carrasco, Isabel Jerro, María Pagés y María Mambea. Toreaban erales y utreros. Lolita y Angelita fuerondos toreras inteligentes, con técnica y valor que dominaban todas las suertes. Torearon 45 corridas en 1895 y 50 en 1896 en plazas completamente llenas siempre. En 1895 debutaron en Sevilla, un 9 de septiembre. Tenían 68 corridas firmadas en 1897 e hicieron campaña en América y Filipinas. Estuvieron toreando hasta 1902 que se separaron en dos grupos: Lolita con Herrerita y Angelita con Pepita, organizadas con sus respectivas cuadrillas. Incluso Lolita se pasó al rejoneo y se casó con el torero valenciano Eduardo Serrano “Gordat”. La prohibición del ministro de la Gobernación, Juan de La Cierva en 1908, durante el mandato de Antonio Maura, retiró a Las Noyas de la circulación.
 
Sources : biblitoro.com
 
A suivre…
 
Patrice Quiot