Vendredi 29 Mars 2024
PATRICE
Samedi, 16 Juillet 2022
miu16ph
 
Le Miura raseté…
 
« En 1952, sous l’impulsion d’un groupe d’aficionados nîmois que présidait le Docteur Jean Lauret, naissait la feria de Nîmes.
 
C’était un projet ambitieux et beaucoup à l’époque n’ont pas cru au succès qu’allait connaître cette fête.
 
Le programme proposé initialement fut contrarié dès le départ puisque les deux corridas prévues ne purent présenter les toros annoncés
 
En effet, le programme prévoyait :
 
Dimanche 1/06/1952 à 15h30, 6 toros de Don Eduardo Miura pour Pepe Dominguín, Luis Miguel Dominguín et Rafael Ortega.
 
Lundi 2/06/1952 à 15h30, 6 toros de Don Antonio Urquijo pour Luis Miguel Dominguín, Julio Aparicio et Antonio Ordóñez.
 
Le lot expédié par Don Eduardo Miura fut refusé par la Commission médicale pour motif de « glosopeda » (fièvre aphteuse).
 
Le programme des corridas fut alors modifié et, c’est le lot d’Urquijo, initialement prévu le lundi, qui ouvrit cette première feria.
 
Pour le lundi, les organisateurs durent faire appel à un lot de Moura.
 
Don Eduardo Miura avait envoyé à Nîmes un lot composé de six magnifiques exemplaires de sa ganadería.
 
A leur arrivée à Nîmes, les services vétérinaires ne purent que constater que les six toros étaient malades et qu’ils ne pouvaient pas être combattus.
 
Tous les soins leur furent prodigués, mais malheureusement quatre toros moururent et il ne resta que deux survivants.
 
Don Eduardo exigea que ces deux toros soient abattus de crainte qu’ils puissent être utilisés comme sementales.
 
Jean Lafont proposa de les castrer et de les garder. Il en fit part à Ferdinand Aimé qui en fit part à Don Eduardo Miura.
 
Ce dernier accepta et ainsi les deux Miura allèrent rejoindre les prés de Ste Anne.
 
Malheureusement l’un des deux, très affaibli par la maladie et malgré tous les soins attentifs, mourut rapidement.
 
L’autre, par contre, se refit une santé.
 
Ce Miura fit l’admiration de l’afición qui fréquentait Ste Anne.
 
Et on ne sait pas par quel hasard, prit naissance dans l’esprit de certains de mettre ce toro en course libre.
 
L’idée fit son chemin et, on décida de présenter ce Miura à Nîmes avec la « Super Royale de Montaud-Manse ».
 
Le Midi Libre du 10 octobre 1952 et 11 octobre 1952 dans sa rubrique les « Distractions" écrivait :
 
« LA SUPER ROYALE DE BERNARD DE MONTAUD MANSE AURA LIEU DANS NOTRE ANTIQUE AMPHITHEATRE DIMANCHE A 15 HEURES, 100.00 frs de cocardes et primes seront l’enjeu de cette partie qui promet d’être chèrement disputée entre tous les as du crochet.
 
La présence des redoutables Lebret, Coute Negro, Taï, Thabor, Eyraguen, Trauco Noso, nous promet un après-midi tauromachique fertile en incidents et en émotions de toutes sortes.
 
PRIX DES PLACES :
 
Premières
 
300 fr.
 
Seconde
 
200 fr.
 
Amphis
 
120 fr.
 
Tarif réduit amphi
 
80 fr.
 
En supplément au programme et pour la 1ère fois en France, un 7ème toro de la Ganadería de Don Eduardo Miura sera raseté par les quatre meilleurs raseteurs ayant enlevé le plus d’attributs à la course  »
 
Le matin de la course, les gardians prirent toutes les précautions pour trier ce  toro.
 
L’après-midi, le temps n’était pas très clément et seulement 1500 personnes étaient présentes sur les gradins. Il y avait bien entendu les supporters de la marque, mais aussi des curieux qui étaient venus voir ce Miura raseté.
 
C’était une petite affluence, car la semaine suivante, pour la clôture de la temporada, il y avait 12.000 personnes.
 
La course était bien composée de Lebret, Trauco Noso, Eyraguen, Conte Negro, Taï, Thabor et du Miura.
 
Entre le 7ème biòu de la course.
 
C’est le toro de Miura.
 
Il est cárdeno avec taches blanches au ventre, encorné bas et court.
 
Midi Libre du 13/10/1952, page 3, relate sa course:
 
« La présidence fait annoncer que le toro de Miura va être essayé, ne devra être raseté que par les meilleurs hommes de la journée, c’est-à-dire Douleau Roger, Heraud Clément, Heraud fils, Sicard, Ginies et le vétéran Rey.
 
La sortie du Miura fit sensation et les deux premières attaques se terminèrent par des coups de barrière sensationnels. Mais comme il était à craindre avec un toro espagnol beaucoup moins souple qu’un camargue, les rasets qui lui tordent les reins le fatiguent plus vite.
 
Bientôt, il ne peut même plus poursuivre et se contente de faire front contre les raseteurs qui l’assiègent.
 
 
Il devient enfin presque inerte et on le fait rentrer avant la fin du quart d’heure.
 
Il est regrettable que les raseteurs non autorisés à travailler n’aient pas laissé le toro à leurs camarades désignés pour l’exhibition du Miura.
 
Aux prises avec six hommes seulement, il aurait pu être plus intéressant.
 
Ce manque de discipline a certainement faussé l’essai qui valait d’être tenté d’un toro espagnol en course libre. ».
 
Quelques jours plus tard, Midi Libre laissa entrevoir que l’expérience avec ce Miura serait renouvelée la saison suivante.
 
Le Miura regagna les prés de Sainte Anne et fut abattu avant l’hiver. »
 
Sources : « Bouvine et tradition »
 
Datos  
 
Arles :14/09/2014 (matinée) « Rencontre des Tauromachies »
 
«Reineto» n° 58 ; l’autre Miura raseté.
 
« C'est certainement l'événement de cette Feria du Riz qui suscite le plus de curiosité. Ce matin à partir de 11 h, un toro du mythique élevage de Miura sera raseté dans les arènes d'Arles. Ou quand le toro de corrida espagnol par excellence est détourné de sa vocation pour faire face à des raseteurs à l'occasion d'une course camarguaise unique en son genre.
 
Enfin pas tout à fait, puisqu'en 1952 à Nîmes, Paul Laurent avait aussi mis en piste un Miura pour des raseteurs. Depuis, l'expérience n'a jamais été reproduite. Elle s'inscrira dans le cadre d'un spectacle lui aussi insolite puisqu'il réunira quatre tauromachies différentes : portugaise avec la torera à cheval Ana Batista et les forcados de Chamusca, espagnole avec les recortadores, française avec les sauteurs et écarteurs landais et donc, camarguaise avec la course libre.
 
Loïc Auzolle fait partie des six raseteurs qui tenteront d'attraper la cocarde ficelée depuis hier soir aux cornes du Miura.
 
Loin d'effrayer le quadruple vainqueur du Trophée des As, ce défi l'excite : “Ce sera très intéressant de voir ses réactions, car le toro espagnol n'est pas habitué à faire des courbes comme le camargue. Il faudra y aller doucement...” Le danger ? “Il sera le même que lors d'une course classique”, estime Loïc Auzolle, qui espère pouvoir “rester dans ses cornes pour voir ce qu'il se passe”. Quoiqu'il arrive, il est persuadé que cela restera un souvenir particulier. “ Ce n'est pas tous les jours qu'on peut raseter un Miura ! ” glisse-t-il.
 
L'idée un peu folle émane du directeur Luc Jalabert, qui rappelle que jusqu'aux années 1930, “les taureaux rasetés étaient des croisés camarguais et espagnols. Je trouve l'expérience intéressante. D'ailleurs, les raseteurs l'abordent avec envie ! 
 
« La Provence » du 14/09/2014
 
Patrice Quiot