Jeudi 28 Mars 2024
VOCABULAIRE TAURIN D’ANTAN
Vendredi, 22 Juillet 2022
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Céret est devenue au fil des temps, et la réputation n’est pas usurpée, la Chapelle Sixtine française de l’aficion torista… 
 
Ce ouikende, les 100 ans de son inauguration y étaient fêtés et pour marquer l’anniversaire, divers cadeaux - en particulier un choix de toros et de novillos sensationnels fait par l’ADAC - ont été donnés à l’aficion présente en masse.
 
Cloîtré à cause de cette cochonnerie de Covid BA 5, je peste de ne pas avoir pu y assister en présentiel, mais mon entourage m’a illico transmis le fac-similé du « Courier de Céret » et son édito taurin qui mérite que l’on s’y arrête.
 
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Il se déclare d’abord Républicain, et affiche tout en haut la devise « Liberté Justice ». Tiens tiens, les féministes de tous poils y trouveront matière égalitaire aux fautes genrées qu’elles combattent assidument puisque l’absence de « FRATERnité » ne les incite pas au remplacement par « MATERnité » qui aurait un autre sens que celui de la devise nationale difficile à changer autrement que par un référendum.
 
Mais le plus intéressant vient dans la chronique « Une visite aux toros » pleine d’enseignements. Sa lecture exhaustive y montre que le vocabulaire taurin moderne a évolué, et des pépites y foisonnent.
 
D’abord Céret s’y positionne déjà comme « L’Arène » française où seront les toros les plus vrais puisqu’ils y parlent de ce qu’on appelle maintenant « trapío et bravoure » quand ils nomment les animaux respectivement « trapus et combatifs » !
 
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On lirait maintenant « bien présentés » quand ils sont à l’époque « beaux de forme ». Ne vous trompez pas quand vous lisez le travail du toro, c’est bien à la faena qu’on fait référence. Et la périphrase « effectuer un mouvement d’attaque » prendra l’appellation contrôlée « embister », francisation totale du verbe espagnol « embestir » (d’ailleurs une anagramme) qui aura pourtant de plus amples précisions modernes autour du verbe charger : humilier, mettre le museau, racler le sable, baisser la tête… jusqu’à « faire l’avion »…
 
Mais intéressante aussi, est l’utilisation si précoce des mots « noble et noblesse ». Je pensais donc à tort que cette caractéristique était beaucoup plus tardive. Le deux gènes de base du toro ayant été de tous temps le trapío et la bravoure, il en a été introduit un dans la lignée Domecq, la noblesse justement, qui est la capacité au toro de suivre la toile de la muleta et faire des 8, des virgules, des points d’interrogation. L’introduction d’un gène se faisant au détriment d’un autre présent, l’un parmi les deux cités était condamné à disparaitre pour laisser place au medio-toro qui pullule maintenant, quasi sans trapío et/ou sans bravoure, mais plein de noblesse, ah ça, oui ! … Une noblesse de chorégraphie, à tel point que dorénavant, l’emploi conjoint des deux mots deviendra pléonastique.
 
Alors la noblesse était déjà visible il y a cent ans… Dont acte.
 
Une autre info : le taureau de combat est bien déjà appelé toro, n’en déplaise aux linguistes réfractaires qui nous apostrophent sans relâche sur nos dérives orthographiques d’espagnolisations.
 
On en terminera en remarquant que « l’aficion roussillonnaise » est maintenant synonyme de cérétane, donc de torista teintée d’une petite nuance de fondamentalisme qui remet en valeur le tercio de piques de manière si claire.
 
Notre manuel taurin (et pas torin ! ) est bien mis à jour après ce centenaire…
 
Denis Guermonprez