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PATRICE
Vendredi, 29 Juillet 2022
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Manet et les toros : « Mlle V en costume d'espada »…
 
« Mlle V. en costume d'espada », également appelé « Victorine Meurent en costume d'espada », est un tableau réalisé par Édouard Manet en 1862.
 
L'œuvre fut présentée au Salon des Refusés de 1863, tout comme le Déjeuner sur l'herbe et le Jeune homme en costume de majo.
 
La toile est un portrait du modèle préféré de Manet, Victorine Meurent, travestie en homme.
 
Victorine feint de participer en tant qu’espada à une tauromachie. Tout est mis en œuvre cependant pour montrer que le sujet n’est qu’une supercherie : Victorine, du fait de la menace représentée par le taureau, ne devrait normalement pas fixer le spectateur avec autant d’insistance. L’ensemble de la scène est tout simplement un prétexte visant à représenter la modèle dans des habits masculins et donc à faire ressortir de manière plus éclatante encore sa féminité.
 
Considérée par Émile Zola comme une œuvre : « … d'une vigueur rare et d'une extrême puissance de ton. (...) Selon moi, le peintre y a été plus coloriste qu'il n'a coutume de l'être. Les taches sont grasses et énergiques et elles s'enlèvent sur le fond avec toutes les brusqueries de la nature. »
 
Le tableau a été énergiquement désapprouvé par des critiques qui en ont fait un sévère compte rendu lors du salon des Refusés de 1863. Ils lui reprochaient sa couleur trop éclatante. « (...) une demoiselle de Paris en costume d’espada, agitant son manteau pourpre dans le cirque d'un combat de taureau. Monsieur Manet adore l'Espagne et son maître d'affection paraît être Francisco de Goya dont il imite les tons vifs et heurtés. »
 
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Mademoiselle Victorine initie le début d'une période hispanisante de Manet qui ne cesse de manifester son admiration pour l'Espagne, son art, et ses spectacles de tauromachie qui vont lui inspirer Épisode d’une course de taureaux qu'il découpera ensuite en deux tableaux : « L'Homme mort » et « La Corrida ».
 
De son voyage en Espagne, il rapporte des sujets plus directement liés à la tauromachie comme Combat de taureau ou Le Matador saluant, bien éloignés de ce que la critique d’art Béatrice Farwell appelle un « geste de défi » de la part de Manet à savoir : habiller une demi-mondaine en homme. La critique d'art voit là un rapport entre la démarche de Manet et les portraits de la Duchesse d'Alba par Francisco de Goya (la Duchesse d'Alba en blanc, la Duchesse d'Alba en noir, La Duchesse d'Alba et la bigote, etc…). L'aristocrate s'affichait volontiers en habits de toréador suivant la mode des majos et majas alors en vogue : le manolisme.
 
Manet ne visita l'Espagne qu'en 1865, mais il avait dans son atelier une collection de costumes qu'il utilisait comme accessoires et qui lui étaient fournis par un marchand espagnol du passage Jouffroy. On retrouve ce même costume dans d'autres tableaux de Manet : le Chanteur espagnol et le Jeune homme en costume de majo.
 
Il est possible que Manet se soit familiarisé avec les coutumes de Madrid et les détails de la corrida à travers le Voyage en Espagne de Théophile Gautier, ou les détails de la corrida donnés par Prosper Mérimée.
 
L'analyse récente aux rayons X de ce tableau a permis de découvrir une curiosité : « Mademoiselle Victorine en costume d'espada » a été réalisée par-dessus l'image d'une femme nue, assise, qu'on ne peut rattacher à aucune œuvre de l'artiste.
 
« Le Matador saluant »
 
« Le matador saluant » est une huile sur toile réalisée par Édouard Manet entre 1866 et 1867. Elle fait partie des œuvres de Manet refusées au Salon de Paris de 1866. 
 
L'artiste fut autorisé par le préfet à l'exposer dans son atelier sous la condition formelle de n'en ouvrir pas trop largement les portes.
 
Il reste des incertitudes sur la date exacte de l'exécution de l'œuvre. Une première référence certaine évoque 1867, lors d'une exposition particulière au pavillon de l'Alma.
 
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Des critiques d’art s'accordent à dire que le frère de Manet, Eugène, a servi de modèle pour le personnage, et qu'il s'agit bien d'un torero applaudi par la foule après la mort du taureau.
 
L'acquéreur de l'œuvre, Théodore Duret, affirme qu'il s'agit plutôt d'un torero demandant la permission de tuer le taureau.
 
À la différence du tableau Mlle V. en costume d'espada considéré d'un point de vue tauromachique comme fantaisiste, Le Matador saluant a été exécuté après le voyage de Manet en Espagne en 1865. Il reflète à l'évidence une admiration pour l'Espagne et pour son art. Charles S. Moffet voit dans ce tableau une correspondance avec Vélasquez et Zurbarán qui ont inspiré l'artiste pour la composition du tableau et l'utilisation des couleurs.
 
« Le Matador saluant » est la première œuvre de très grand format réalisée par Manet.
 
Le tableau a été légué au Metropolitan Museum of Art de New York en 1929. 
 
« Mlle V. en costume d'espada », s'y trouve également.
 
Datos
 
Édouard Manet, né le 23 janvier 1832 à Paris et mort le 30 avril 1883 dans la même ville, est un peintre et graveur français majeur de la fin du XIXe siècle. Précurseur de la peinture moderne qu'il affranchit de l'académisme, Édouard Manet est à tort considéré comme l'un des pères de l'impressionnisme. Il s'en distingue en effet par une facture soucieuse du réel qui n'utilise pas (ou peu) les nouvelles techniques de la couleur et le traitement particulier de la lumière. Il s'en rapproche cependant par certains thèmes récurrents comme les portraits, les paysages marins, la vie parisienne ou encore les natures mortes, tout en peignant de façon personnelle, dans une première période, des scènes de genre : sujets espagnols notamment d'après Vélasquez et odalisques d'après Le Titien.
 
Le tableau « L’homme mort » (initialement « Le torero mort ») est conservé à la Frick Collection à New York.
 
Patrice Quiot