Jeudi 28 Mars 2024
PATRICE
Lundi, 19 Septembre 2022
da19ph1
 
Doña Angustias, maman de Manolete…
 
 « Cuando Manolete toreaba, yo toreaba con él, en mi casa, lejos de la plaza, ayudándole con mis oraciones. »
 
Angustias Sánchez Martínez naît à Albacete le 5 avril 1881.
 
Fille d'un employé des chemins de fer, son père fut affecté au dépôt de locomotives de Cordoue quand elle avait cinq ans.
 
Et cordobesa, elle devint.
 
Cordobesa pura, imprégnée des valeurs les plus profondes de la ville d’Averroès.
 
Jeune femme mignonne, cheveux et yeux noirs vifs, corps robuste et fort, sa prononciation laissant entendre les « eses » typiques de la capitale cordouane.
 
Vivant dans le quartier de La Merced, elle y rencontre Rafael Molina Martínez “Lagartijo Chico”, neveu de Rafael Molina Sánchez “Lagartijo” et fils de Juan Molina Sánchez, grand peón de brega.
 
Ils se marient le 25 mars 1903 dans l'église paroissiale de San Andrés.
 
Rafael Guerra Bejarano “Guerrita” et sa femme sont leurs témoins.
 
Angustias habillée de blanc « con velo y flor de azahar », Rafael portant la chaquetilla corta andaluza.
 
De ce mariage naissent deux filles, Dolores et Angustias ainsi qu’un garçon mort à l'âge de quatre ans après avoir ingéré un liquide contenant de la soude.
 
Le 8 avril 1910, Rafael, dont on attendait beaucoup dans le monde des toros au vu de « su valor y estilo artístico », meurt des suites de la tuberculose.
 
Veuve, Angustias doit tenir sa maison avec les maigres ressources que son mari lui a laissées.
 
Elle se remarie en secondes noces avec Manuel Rodríguez Sánchez “Manolete” (Padre), un torero auparavant banderillero de son défunt mari.
 
En tant que torero et pendant quelques années, Manuel avait acquis un certain prestige « aunque no llegó a ser de los más famosos, pues su toreo tenía cierta mediocridad por padecer problemas de visión. ».
 
La cérémonie de mariage est célébrée en toute intimité le 3 novembre 1912 dans la paroisse du quartier d'Alcolea, les témoins étant le frère du mari, José Rodríguez Sánchez "Bebé Chico" et sa femme. 
 
« Angustias llevaba luto y vestía traje negro. Manuel, lucía chaqueta y sombreo oscuro. »
 
Trois filles naîtront de ce deuxième mariage, Teresa, Ángela et Soledad et, le 4 juillet 1917, Manuel, « el que fuera maestro de maestros en tauromaquia », baptisé dans l'église paroissiale de San Miguel. 
 
“Manolete” père meurt le 4 juillet 1923. 
 
Une fois de plus, Angustias Sánchez se trouve confrontée au dilemme de gérer seule son foyer et une famille nombreuse.
 
Elle quitte la maison de Conde de Torres Cabrera pour aller séjourner dans une plus modeste, héritée de son premier mari, sur la Plaza de la Lagunilla dans le quartier traditionnel de Santa Marina, à quelques centaines de mètres du Barrio del Matadero Viejo ou de la Merced, berceau de la tauromachie cordouane.
 
Angustias fait face à une vie de sacrifices pour élever sa progéniture et, grâce au soutien du futur maestro, parvient à surmonter ces années difficiles. 
 
Elevée dans les traditions strictes de son temps, Doña Angustias les porte et les met en pratique en tant qu'épouse exemplaire gérant la maison de manière impeccable, éduquant ses enfants avec une rigueur morale venant de son très grand attachement à la foi catholique. 
 
« Prueba de esta religiosidad popular muestra la esquela que se expone abajo, en la que se ve la cantidad de misas que en un solo día se ofrecían por el alma de su amado hijo. Estas misas eran celebradas el 29 de agosto en los años que ella vivió. Igualmente por su piedad religiosa mandaba a sus hijas llevar velas y lamparillas a la Iglesia de Santa Marina (Córdoba); Iglesia Hospital de San Jacinto, llamada de Los Dolores en la plaza de Capuchinos o Cristo de los Faroles; Iglesia del Juramento de San Rafael, Santuario de Nuestra Señora de la Fuensanta o a la Iglesia de San Cayetano donde se encuentra la imagen de Jesús Caído, que es venerada por toreros cordobeses, de cuya cofradía fue Manolete Hermano Mayor. Por cuyo motivo doña Angustias le tenía tanta devoción. » 
 
Tempérament d’une femme, « que supo de las largas esperas, de los sobresaltos, de las inquietudes y también de los gozos que trae consigo la profesión taurina y que demuestra su fortaleza viviendo primero la muerte de su hijo pequeño, después la de sus dos esposos y por último la de su idolatrado hijo Manolete. »
 
Les choses changent.
 
Lorsqu’arrive l’année 1939, à 22 ans et après une cinquantaine de novilladas piquées, Manolete est prêt pour le doctorat.
 
Le 2 juillet à Séville, Chicuelo (1902/1967) lui cède les trastos, 
 
Gitanillo de Triana (1915/1969) étant le témoin.
 
L’année 1940 est la confirmation de l’ascension de Manolete qui le mènera à la gloire surpassant les légendaires «Joselito El Gallo» et Juan Belmonte car, au-delà de sa personnalité et de sa révolutionnaire présence dans l’arène, on doit mettre en exergue la répercussion de ses succès sur la société d’après-guerre civile espagnole. L’annonce de Manolete à l’affiche attire les foules. L’économie personnelle des spectateurs est mise à mal car ceux-ci sont prêts à engager des sommes folles pour acquérir les billets qui leur permettent de voir leur héros. Le nombre des corridas toréées par Manolete va croissant jusqu’à 1944, année où aurait été dépassée la centaine sans les cogidas et blessures enregistrées au cours de cette temporada, la plus glorieuse de sa carrière. Les succès se multiplient et les oreilles, queues et même pattes, étaient quasiment les prix de chaque actuación, prix sans doute excessifs demandés et octroyés dans des ambiances triomphalistes. Quelques dates phares illustrent la personnalité et carrière de Manolete pendant ces années. Le 20 avril 1941, dernier jour de la Feria de Séville, le Cordouan «légitime successeur» de Rafael Guerra « Guerrita » (décédé le 20 février 1941) signait une «faena genial»  et coupait les deux oreilles et la queue. Il terminait la saison en beauté, à Madrid lors de la corrida de la Légion, le 10 octobre, en coupant deux oreilles de « Soñador » un exemplaire d’Antonio Pérez...
 
A suivre...
 
Patrice Quiot