Jeudi 18 Avril 2024
PATRICE
Jeudi, 20 Octobre 2022
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La cliente en noir…
 
Elle était vêtue de noir.
 
La couleur était assortie à sa chevelure.
 
 
 
Elle avait la peau blanche.
 
Elle ressemblait à Maria Casarès dans «Orphée».
 
 
 
Elle était descendue d’une automobile de marque soviétique.
 
Et entrée dans le café du pueblo.
 
 
 
Son chauffeur vêtu d’un imperméable l’attendait.
 
Il répondait au nom de Piotr.
 
 
 
Dans le café, il y avait Paco, le patron.
 
Assis près de du poste de télé, il y avait Juan.
 
 
 
Juan avait 89 ans.
 
Il était communiste et avait été torero.
 
 
 
Elle salua le patron puis Juan.
 
Et s’assit dans un coin.
 
 
 
Elle commanda.
 
Un tinto de verano.
 
 
 
Elle portait une étoile d’or sur le cœur.
 
 
 
Juan leva les yeux.
 
La voix avait attiré son attention.
 
 
 
Il la regarda.
 
Elle lui sourit.
 
 
 
Juan se leva.
 
Et vint s’asseoir à sa table.
 
 
 
Juan lui murmura des mots. 
Elle lui sourit encore.
 
 
 
Le patron apporta le tinto de verano.
 
Elle but son verre et alla payer.
 
 
 
Le patron les vit sortir ensemble.
 
De la vitre du café, il les suivit des yeux.
 
 
 
Ils allèrent s’asseoir sur le banc de la place de l’ayuntamiento.
 
Ils parlèrent un court moment.
 
 
 
Elle déposa un baiser sur la bouche de Juan.
 
Juan trembla.
 
 
 
Elle se leva et attendit que Piotr arrive.
 
Elle monta à l’arrière de la voiture.
 
 
 
Qui quitta le pueblo.
 
En direction de Huelva.
 
 
 
Le patron sortit de son café.
 
Juan ne répondit pas à ses questions.
 
 
 
Trois jours plus tard, Juan assista à une cérémonie.
 
Vêtu d’une veste marron, il portait une casquette de campo.
 
 
 
Il faisait un temps glacial.
 
Sous le pont du village, la rivière grise roulait des galets d’or.
 
 
 
Et les truites étaient mortes depuis longtemps.
 
 
 
Le maire remit à Juan une attestation officialisant son état.
 
D’ancien torero qu’un toro avait rendu infirme.
 
 
 
Juan la serra dans ses mains blanches.
 
Le soir même, Juan tomba dans son jardin.
 
 
 
Quatre jours après, il mourut.
 
Quand on vida sa maison, on y trouva un carnet.
 
 
 
Sur une page étaient inscrits une date et un lieu.
 
Une reseña jaunie relatait l’acto en quatre lignes.
 
 
 
Sur la page opposée, un dessin malhabile représentait, étroitement unis.
 
Une immense paire de cornes, une table de cordonnier.
 
 
 
Du sang, une muleta en forme de cœur.
 
Une croix et une faucille.
 
 
 
Rouges.
 
 
 
En dessous, en caractères cyrilliques.
 
Un prénom ainsi que la date d’un jour de juillet 1956.
 
 
 
Et une signature.
 
 
 
Un brin de romarin séché ornait la signature…
 
 
Patrice Quiot