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Vendredi, 18 Novembre 2022
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De Meihan à l’Amérique : De Jean Cazenabe, sabotier, à Félix Robert, torero…
 
Le 6 mars 1862, Rafael Guerra Bejarano «Guerrita» naissait à Cordoue.
 
Hugo avait soixante ans et le 3 avril, publiait le début des «Misérables».
 
Jean naît le lendemain à Meilhan.
 
« Mon grand-oncle était un phénomène », témoigne Henri Cazenabe en présentant un stock d'archives à la gloire du premier matador français.
 
« C'était un garçon très leste, un brin casse-cou et malin », poursuit le nonagénaire.
 
Son père était meunier mais ce métier n'était pas fait pour lui.
 
Un jour, il est allé écarter des vaches lors d'une fête de village ; au retour, il s'est caché sous une maie afin d'éviter la belle rouste que lui promettait son grand-père. 
« Il n'aimait pas son prénom et trouvait que Cazenabe n'était pas un nom de torero. Alors, il a pris son second prénom, Félix et y a accolé celui de Robert, qui était le nom de son beau-frère » raconte Henri.
 
Dernier né d'une fratrie de huit enfants, Félix doit gagner sa vie.
 
Le Meilhanais, après avoir été apprenti sabotier, se retrouve garçon de café à Mont-de-Marsan et en 1881, entame une carrière d'écarteur landais classique avant de bifurquer vers le toreo hispano-landais alors en vogue, où il trompe et saute les toros de combat, accompagné d'une quadrille composée des Boniface, Nassiet et autre Marin.
 
En août 1893, ses exploits de toréador plutôt fantasque, loin de l'orthodoxie taurine dans la mesure où il fournissait souvent les toros qu'il affrontait, le conduisent à s'expatrier aux États-Unis, à l'occasion de l'Exposition internationale de Chicago.
 
Il y effectue une tournée triomphale.
 
Cette année 1893 à Aigues-Mortes, le 6 août, l'émeute anti-italienne fait 8 morts.
 
À son retour des Etats Unis, Félix s'inscrit à l'école de tauromachie de Séville, fondée par Ferdinand VIII et dont le directeur était à l’époque Manuel Carmona « Panadero » (1832/1899).
 
Félix en sera un des meilleurs élèves travaillant avec « El Gordito » (1838/1920), le frère du «Panadero».
 
L’école lui délivrera le 15 mai 1894 un diplôme de « matador francés ».
 
Ce brevet de tauromachie lui permettra d'honorer une quarantaine de contrats en France, en Espagne, au Portugal et jusqu'en Algérie.
 
Le 14 octobre 1894, face à l'interdiction préfectorale relative à la loi Grammont, la ville de Dax maintient sa corrida.
 
Les forces de l'ordre interviennent et le désordre s'installe.
 
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Félix est le héros de cette corrida historique.
 
Échappé des arènes dont les portes, dans la confusion générale, sont restées ouvertes afin de permettre à la maréchaussée d'occuper la piste, et malgré deux estocades portées par Félix Robert, le toro se dirige vers la Fontaine-chaude.
 
Il est alors coincé dans une ruelle - rebaptisée depuis rue du Toro - par son sobresaliente Paul Nassiet qui l'achève, avant d'accompagner le maestro meilhanais en prison.
 
Le lendemain, à Paris, le capitaine Alfred Dreyfus (9 octobre 1859/12 juillet 1935) est arrêté sur ordre du commandant Mercier du Paty de Clam, à la suite d’une expertise en écriture.
 
Libéré trois jours plus tard, c'est à Valencia que Félix prendra l'alternative le 18 novembre 1894 mais ce n'est que le 2 mai 1899 qu'il la confirmera à Madrid avec Enrique Vargas, dit « Minuto », pour parrain, devant des toros de Pérez de la Concha.
 
Cependant, le maestro landais, sur les conseils de son entourage, a été contraint de raser la légendaire paire de moustaches qu'il arborait avec fierté.
 
« Ça ne faisait pas assez sérieux ! », rapporte Henri.
 
Ce qui n'empêche pas Felix de connaître son Waterloo à Saint-Sébastien, le 18 août 1895.
 
La légende dit que la bronca s'est fait entendre jusqu'à Meilhan.
 
« La presse ibérique s'est acharnée contre lui car les Espagnols ne voyaient pas d'un bon œil surgir un concurrent français. » raconte Henri.
 
Ce jour-là, José Gómez Ortega « Joselito » a trois mois et dix jours.
 
Et cette année-là, naissent Marcel Pagnol, Jean Giono et Henri de Montherlant ; Louis Pasteur mourra le 28 septembre.
 
L’année précédente, le 27 mai « Perdigón » de Miura avait tué «Espartero».
 
Durant l'hiver 1899-1900, Félix boucle une temporada au Mexique, épouse Trinidad Ochoa, fille d'un banquier et parlementaire, organise près de la frontière des parodies de corrida pour la clientèle yankee, fait combattre des toros contre des ours et amasse un pactole.
 
En France, Charles Péguy fonde « Les cahiers de la Quinzaine » et Proust abandonne son projet et voyage à Venise et Padoue pour découvrir les œuvres d'art, en suivant les pas de John Ruskin.
 
Et en Espagne, Buenaventura Durruti * a quatre ans.
 
La révolution zapatiste chasse Félix du Mexique.
 
Il dirige alors un cirque de cent chevaux, aux États-Unis, dans l’Utah, aux côtés de Billy the Kid, Butch Cassidy, Geronimo et Kit Carson.
 
Il possède aussi une écurie de courses de chevaux, et Dale Pierce le cite comme une des soixante personnalités de l'Ouest.
 
De retour en France, Félix devient le directeur des arènes de Nice, avant de terminer tristement sa carrière de torero puisqu'il refuse d'estoquer deux toros : L'un, à Béziers, le 7 avril 1900 et l'autre, à Montpellier, le 7 juin de la même année.
 
Il s'établit à Marseille en 1913 où il épouse Anne-Marie Rebuffel.
 
Il tentera en vain de doter la ville d'arènes et participe à la construction des arènes de La Benatte à Bordeaux.
 
Il meurt à Marseille le 19 janvier 1916 et est enterré au cimetière Saint-Pierre.
 
Et la bataille de Verdun commencera le 21 février 1916 à 7 h15.
 
Cette année-là, José Gómez Ortega «Joselito» a vingt et un ans et fera 104 fois le paseo.
 
Une rue à Meilhan et une autre à Mont de Masan portent le nom de Félix Robert.
 
Sources : Sud Ouest | Guy Bop­­ | 11 septembre­ 2012.
 
Datos 
 
Pierre Cazenabe, dit Félix Robert, né le 4avril 1862 à Meilhan (département des Landes ) et mort le 19 janvier 1916 à Marseille est le premier matador de toros français.
         
Alternative : Valence (Espagne) le 18 novembre 1894. Parrain, Fernando Gómez « El Gallo ». Toros de Conradi.
 
Confirmation d’alternative à Madrid : 2 mai 1899. Parrain, Enrique Vargas « Minuto » ; témoin, Francisco Bonar « Bonarillo ».  Toros de Pérez de la Concha.
 
*Buenaventura Durruti Dumange (14 juillet 1896, León, Espagne /20 novembre 1936, Madrid ) est une des figures principales de l'anarchisme espagnol avant et pendant la révolution sociale espagnole de 1936.