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PATRICE
Mardi, 22 Novembre 2022
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Fanfonne… (1)
 
« C’est à Praviel, au mas familial que la jeune fille entre en relation directe avec la passion du taureau. Cette ‘fe di biòu’ sera l’axe directeur de toute son existence.
 
Née à Paris le 31 octobre 1895 dans une famille de grands magistrats et de scientifiques, elle prend contact dès l’enfance avec le cheval. En compagnie de sa sœur Hortense, les premières promenades s’effectuent au bois de Boulogne où la jeune Fanfonne commence son apprentissage hippique en monte amazone.
 
Leurs parents Frédéric et Alice Guillierme, excellents cavaliers eux-mêmes, suivent l’évolution équestre de leurs filles avec satisfaction car l’une et l’autre montrent déjà beaucoup de maîtrise et de sang-froid.
 
Au début du XXème siècle, la famille de Frédéric et d’Alice Guillierme est composée de six enfants : Elisabeth née en 1890, Hortense en 1892, Pierre en 1894, Antoinette en 1895, Madeleine en 1898 et Charles en 1902.
 
C’est au cours de l’année 1904 que le destin va favoriser les rapports entre les enfants Guillierme, le cheval et le taureau.
 
La famille vient vivre définitivement dans sa propriété du sud de la France. La future manadière voit passer sous les fenêtres de sa chambre les abrivados et les bandidos en route pour Marsillargues ou les prés du Cailar.
 
Alice aime ce mas entouré de vignes où se découpent à l’horizon les clochers et les toits d’Aimargues au Nord, Marsillargues à l’Ouest, Saint Laurent-d’Aigouze au Sud et Le Cailar à l’Est.
 
Pour Antoinette dont le surnom de Fanfonne lui a été attribué par sa gouvernante d’origine suisse allemande, la passion c’est le cheval. Pour elle qui aimait à rappeler qu’elle avait commencé l’équitation avant sa naissance puisque sa mère montait sa jument Judith pendant les quatre premiers mois de sa grossesse, on achète un poney corse nommé Mignonette.
 
C’est avec elle, menée par le cocher Joseph Jourdan, qu’elle part à Lunel assister à ses premières courses à la cocarde.
 
Des courses, elle en voit beaucoup, déjà la passion bourgeonne.
 
Ainsi en 1906, quand Alice achète une ‘doublenque’ destinée à une mise à mort dans les arènes d’Aimargues, les enfants de Praviel reçoivent cette attention de leur mère comme un immense cadeau.
 
A cette époque, le marquis de Baroncelli, avec l’aide des familles comme les Grand, Ménard, Dorian, Hugo, et de Joseph d’Arbaud, d’Alice Guillierme et d’autres, fonde les bases du ‘Coumitat Virginen’.
 
Peu d’années après ce regroupement des gens sensibles aux traditions de bouvine, en septembre 1907, survient une catastrophe climatique dont les conséquences vont conduire une partie de la manade Papaline à séjourner l’hiver dans la cour de Praviel à l’invitation d’Alice.
 
Fanfonne n’a que 12 ans lorsque les cocardiers et une partie des vaches du Marquis restent durant les longs mois d’hiver à l’abri des intempéries de Camargue. En prise directe avec les biòus, les enfants du mas vont se passionner de plus en plus.
 
L’âge est venu de pouvoir s’aventurer seule vers le mas de l’Amarée ou le mas du Sauvage. L’été, la manade du Marquis de Baroncelli gagne les pâturages de Camargue, près des Saintes Maries de la mer. Au travers des propriétés non clôturées en ce temp- là, Fanfonne chevauche pendant la nuit de Praviel jusque chez le Marquis afin d’être présente pour le triage du matin au petit jour.
 
L’amitié entre les familles Guillierme et Baroncelli se manifeste chaque année par de longs séjours de la marquise et de ses enfants à Praviel. Fanfonne et Nerte se considèrent comme deux sœurs. Leurs parents les surnomment d’ailleurs les jumelles, elles n’ont que 13 jours de différence.
 
Dès son adolescence, Antoinette Guillierme devenue Fanfonne connaît la vie des gardians sous la houlette de Jean Bérard et du Marquis. Mathieu Raynaud, un autre grand personnage de bouvine, s’attache profondément à cette jeune intrépide et lui voue une réelle admiration. A son contact, elle va parfaire son apprentissage du métier car Mathieu Raynaud en excellent professeur et ami, lui montre son savoir-faire tout en lui expliquant les erreurs d’appréciation à ne pas commettre.
 
Profondément attachée à cette terre et à ses traditions, la jeune Fanfonne participe aux diverses manifestations de la Nacioun Gardiano. 
 
En septembre 1913, pour le cinquantenaire de la Mireille de Gounod à Saint-Rémy de Provence, elle fait la connaissance de Frédéric Mistral. Cette rencontre lui laissera un souvenir indélébile et les années futures de son existence seront marquées par l’esprit du grand poète provençal.
 
Après trois jours de fêtes somptueuses à Saint Rémy, sur le chemin du retour, Fanfonne et les cavaliers de la Nacioun Gardiano s’arrêtent à Maillane sur l’invitation du poète. Le maître des lieux leur ouvre sa maison pour un banquet mémorable. La gentillesse, le sourire et la témérité de cette jeune fille provoquent déjà parmi les gens de bouvine, une réelle admiration.
 
D’Arbaud est un habitué de Praviel. Il a pour ses amies Madeleine et Fanfonne une amitié sincère. D’ailleurs lorsqu’il rechute de sa maladie après la guerre de 14-18, il décide de séjourner au mas où Elisabeth, l’infirmière de la famille, lui prodigue les soins nécessaires à sa guérison. Le grand poète provençal aime tellement ce mas et ses hôtes que lorsqu’il doit s’absenter pour une longue période, il laisse toujours dans sa chambre un objet précieux ou intime.
 
Ainsi, dit-il, "je suis sûr de revenir un jour afin de le récupérer et de retrouver grâce à lui cette merveilleuse maison". Lorsque l’écrivain est présent, il travaille dans la bibliothèque. Il s’y sent comme chez lui entouré d’attention et d’amitié.
 
C’est d’ailleurs dans la bibliothèque qu’il écrit et corrige les épreuves de la « Bèstio dòu Vacarés » de 1921 à 1924. »
 
A suivre…
 
Patrice Quiot