Vendredi 29 Mars 2024
EL CAMPO
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Rencontre avec Virgile Alexandre, ganadero et Président de l’Association des Éleveurs Français de Taureaux de Combat…
 
Avec sa double casquette, très impliqué dans son rôle d’éleveur et de président, Virgile a du pain sur la planche en ce moment. Le campo, c’est tous les jours, avec ce qu’implique le travail du ganadero. Mais pour lui, depuis quelques temps, son rôle ne s’arrête pas à ça, avec en outre des responsabilités accrues qui se traduisent par des réunions, des coups de fil, des propositions à faire et des décisions à prendre. Malgré tout ça, nous avons pu tout de même trouver un moment pour nous rencontrer, à l’avant-veille du fameux vote de l’assemblée ô combien déterminant pour l’avenir de la tauromachie…
 
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LE GANADERO
 
« J’ai été propriétaire à partir de 2009 et le plus gros du bétail est entré en 2010. Concernant ma ganadería « El Campo », j’ai démarré à Gimeaux avec une vingtaine d’hectares, puis j’ai déménagé en 2014 pour m’installer dans les marais de Raphèle, au quartier des Chanoines, sur environ cent hectares.
 
Quand j’étais petit, j’étais comme tous les enfants du pays attiré par les taureaux. Je suis né à Nîmes, mais j’ai toujours habité Arles. Mon père était comique taurin, ce qui m’a permis d’approcher ce milieu très jeune, et comme j’étais bien copain avec Cyril Colombeau, j’ai fait mes premières armes chez lui.  Je montais aussi dans les manades de Camargue, notamment chez Rieumal et Clément. Avec eux, j’ai pu connaitre tous les aspects de l’élevage des taureaux, de race camargue comme espagnole.
 
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Par la suite, j’ai fait une petite pause pour construire ma vie sociale et professionnelle, mais ça ne m’empêchait pas de participer à pas mal d’abrivados et de fréquenter la famille Colombeau. J’avais toujours en tête si je trouvais des terres d’acheter un peu de bétail quand j’en aurais les moyens, sans savoir alors si je me tournerais plutôt vers les taureaux camarguais ou espagnols. 
 
Puis quand j’ai eu quatre sous de côté, j’ai eu l’opportunité d’avoir des terres et j’ai appris que Monsieur Gauthier voulait se séparer de son bétail.  Je me suis rapproché de lui et en deux mois nous avons fait l’affaire, à savoir que je lui ai racheté tout le bétail qu’il possédait. Ses bêtes étaient d’origine Cobaleda et en parallèle, Patrick Laugier voulait se séparer d’une trentaine de vaches du Marquis de Domecq qui se sont ajoutées à mon troupeau.
 
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Actuellement, je compte me séparer du Cobaleda pour ne garder que les produits du Marquis et les lignées Daniel Ruiz que j’ai récupérées par Patrick Laugier. Le problème avec le Cobaleda, c’est qu’il est très intéressant à élever, mais il n’a que très peu de débouchés. Peu de toreros aiment les prendre et en outre, dans ma sélection, j’ai beaucoup de déchet.
 
Aujourd'hui, j’ai 120 bêtes avec trois sementals, un de François André d’origine Cobaleda, un colorado d’origine Marquis de Domecq et un autre tienté à Gimeaux par Sánchez Vara, de provenance Daniel Ruiz. Quant aux caractéristiques, ça se ressemble pas mal sur le plan morphologique, les différences venant plus du caractère, le Cobaleda ayant plus de genio, plus brave que noble, alors que chez le marquis ce serait plutôt l’inverse. Mais j’arrive tout de même à trouver un équilibre, ce qui nécessite évidemment beaucoup de travail. C’est pour ça que l’étalon tienté à Gimeaux a été relativement complet. 
 
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Pour les tentaderos, j’essaie autant que possible de faire venir des toreros français, comme Marc Serrano, Thomas Joubert, Carlos Olsina, pour ceux qui sont déjà venus. Chez les espagnols, outre Sánchez Vara, Javier Cortés et Pérez Mota… 
 
Dans le domaine des débouchés, il y a des novillos ainsi que des toros en fiesta campera, mais le plus souvent ça concerne un exemplaire et pas de lots complets. Le problème, c’est que les novillos sont pris pour des non piquées et comme je n’en ai pas beaucoup, je vais faire le sacrifice de sauter une année pour avoir la suivante un lot complet pour une novillada piquée…
 
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Globalement, pour les résultats, là où je suis le plus satisfait, ce sont avec ceux d’origine Marquis de Domecq, le Cobaleda manquant davantage de régularité. Pour autant à Méjanes, le matin, j’ai sorti deux bonnes vaches Cobaleda, alors que le toro de l’après-midi m’a déçu…
 
Pour l’année prochaine, j’ai un Cobaleda de trois ans que je ferai lidier en privé ou en festival, deux novillos en non piquée qui ne sont pas très jolis de tête car bizcos, que je passerai certainement en privé, et comme je te l’ai dit, je garde des erales pour former un lot complet de novillos en piquée l’année suivante.
 
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En ce qui concerne la vie de la ganadería, il est bien évident que je ne peux pas embaucher du personnel, ce qui implique l’aide de mon fils Hugo. Quand j’ai été blessé par un de mes toros, avec pour conséquence une immobilisation qui m’a empêché de travailler quelques temps, c’est de lui-même qu’il a pris la destinée de l’élevage sur ses épaules. Il allait au lycée et en même temps, il organisait tout, impliquant ses copains et quelques-uns des miens dans ce travail au campo. C’est donc une entreprise familiale aidée par quelques amateurs.
 
Sinon, depuis que ça va mieux, je m’en occupe au quotidien. J’habite à Arles et je fais les 15 km qui me séparent de l’élevage pour nourrir les bêtes, les soigner et effectuer les travaux nécessaires comme dans tout élevage. Quand ce n’est pas moi, c’est mon fils, et même ma fille Manon, mais elle est moins disponible avec sa pharmacie et aussi son titre de demoiselle d’honneur de la Reine d’Arles. Mais quand elle le peut, elle vient aussi. » 
 
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LE PRÉSIDENT
 
« Quand je suis entré dans l’association, Patrick Laugier m’a fait venir au Conseil d’Administration puis quand il a été président, il m’a demandé d’être son secrétaire. J’ai accepté et avec lui, on a pas mal bougé, il m’a transmis beaucoup de choses sur le fonctionnement et quand il a commencé à se sentir moins bien, il m’a dit qu’il ne savait pas s’il pourrait assumer la présidence encore longtemps. Il m’a fait alors comprendre qu’il aimerait bien que je lui succède, mais ça me faisait un peu peur. Mais quand il a pris sa décision de passer la main, il a proposé au conseil d’administration que je prenne le relais pour les six mois qu’il restait.  Cette proposition a été validée et par la suite, arrivée l’échéance, j’ai été choisi pour assurer la présidence pour le mandat suivant. 
 
Je consulte souvent mon bureau et mon conseil d’administration car je ne tiens pas à faire ça tout seul. Concernant la composition du bureau, les vice-présidents sont Juliette Fano et Jean-Louis Darré, Jacques Giraud étant le trésorier et Pascal Mailhan le secrétaire. Les inscriptions se font sur dossier qui comprennent les renseignements sur l’élevage, puis on en parle en conseil d’administration, deux membres se rendent sur place pour vérifier que toutes les normes sont bien respectées, avec en retour une validation ou pas.  
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Actuellement, les principaux problèmes, outre les attaques animalistes, sont avant tout de faire inclure nos toros dans les cartels. C’est un gros travail de promotion et de lobbying que j’ai instauré avec mon bureau. On démarche les municipalités et les empresas pour leur montrer que nos produits peuvent être à la hauteur des espagnols. Par rapport à une époque révolue, il y a eu une avancée, mais on peut aller encore plus loin pour convaincre, ce qui représente un travail de longue haleine…
 
On a aussi à régler des problèmes sanitaires qui ne sont pas simples. Quand c’est le cas, mon travail est d’alerter les autorités de la zone concernée, mais dans notre région, on est plus avantagé que de l’autre côté - l’Occitanie - car on est mieux entendu et davantage aidé dans le domaine de la prophylaxie. 
 
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Puis l’actualité, c’est évidemment la proposition à l’Assemblée de la loi Caron qui vise à abolir la corrida. On est invités par les députés à assister à la séance du 24 au Palais Bourbon et ça montre aussi qu’on est là pour les soutenir et aller au front avec eux. Pour le moment, les retours que j’ai eu venant d’eux sont optimistes car Caron, ce n’est pas que la corrida qu’il veut attaquer, mais bel et bien tout ce qui concerne les animaux et par ricochet, la ruralité. Beaucoup de députés en ont pris conscience et ont pris en compte que ce n’était pas une bonne option que de voter pour ce projet de loi… » 
 
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On verra bien demain ce qui sortira de tout ça, en espérant bien sûr que Caron soit repoussé dans ses 18m. A Paris, des ganaderos, Virgile en tête, ainsi que des toreros, seront bien présents pour occuper pacifiquement le terrain. On leur souhaite bien entendu de redescendre dans nos contrées avec la mine réjouie des vainqueurs !