Vendredi 19 Avril 2024
PATRICE
Mercredi, 23 Novembre 2022
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Fanfonne (2)…
 
« La manade Grand-Guillierme est créée en 1920.
 
L’hiver les bêtes migrent au Sauvage.
 
On a embauché un baile gardian du nom de Marius Favier. Dès 1922, celui-ci décide de partir car visiblement l’homme n’est pas fait pour le métier. Le but premier du nouvel élevage n’est pas de produire de grands cocardiers, mais plutôt d’assurer de nombreuses abrivades.
 
C’est ce à quoi s’emploie le nouveau baile gardian René Chabaud, fils d’Auguste Chabaud, responsable de la manade Louis Robert.
 
Malgré tout, quelques bons éléments courent en cocarde et laissent leur nom sur les registres de l’histoire de la bouvine : Bouchard, Rampau, Cyrano, Mystérieux et aussi l’Aigues-Morten qui se paie même le luxe de blesser le raseteur Julien Rey à Cabannes.
 
L’œuvre de Fanfonne se poursuit sur le même axe de pensée qui devient au fil des années une véritable philosophie inébranlable, tenace, vouée tout entière à la défense et à l’amour du pays.
 
Aussi participe-t-elle avec force à la levée des tridents à Nîmes le 17 novembre 1921, puis en Arles un an après, le 12 novembre 1922.
 
Dès cette époque, la jeune demoiselle est une figure respectée et admirée. Le poète languedocien Paul Vézian lui dédie un beau poème en Provençal : La Reino di Gardian.
 
La manade se porte bien. Le baile René Chabaud s’est entouré de gardians amateurs compétents qu’il a formés lui-même. André Bouix, Maurice Vedel, Gaston Lousthau et Roger Nissard, guidés par René et la patronne, forment une troupe rodée à toutes les épreuves.
 
Pour un temps vient se joindre à eux un jeune gardianou qui deviendra par la suite bayle chez Monsieur Nou de la Houpelière, René Jalabert.
 
En 1933, Pierre se marie et participe de moins en moins aux affaires de l’élevage. Cette même année, Fanfonne et Madeleine assistent avec leurs nièces Mireille et Mathilde Seignobosc au mariage de leur amie Frédérique, la dernière fille du Marquis, avec le futur manadier Henri Aubanel. Hortense remplace Pierre à la gestion des propriétés de Marsillargues et d’Aimargues.
 
Charles se marie en 1935. Désormais, Fanfonne se retrouve seule avec René Chabaud aux affaires de la manade.
 
On décide alors de chercher un gardianou, un jeune garçon qui voudra bien apprendre le métier rude, mais combien noble du gardian.
 
Jacques Espelly entre à la manade Grand-Guillierme le 8 juillet 1938. Il est né aux Saintes Maries de la Mer en novembre 1921, il n’a que 16 ans.
 
« A cette époque, nous n’avions pas besoin de cocardiers. Nous ne faisions pratiquement que des abrivades. Les bêtes dont on avait besoin, c’était des taureaux pas trop méchants, très dynamiques et très résistants. Tu pouvais avec eux parcourir vingt kilomètres sans problèmes. René Chabaud avait fait des bêtes pour ça ! Pour les abrivades. »
 
Dès 1944, Armand Espelly, gardianou chez Marius Tardieu, vient aider René Chabaud lorsque Jacques, son frère est absent, réquisitionné pour un temps par le STO. Il est définitivement attaché à la manade Grand-Guillierme en 1945.
 
Fanfonne peut compter sur de solides gardians. L’éducation de René Chabaud sera le reflet de sa compétence, c’est-à-dire remarquable.
 
René Chabaud se retire en 1950. Jacques et Armand le remplacent désormais aux destinés de l’élevage.
 
La même année, le troupeau s’étoffe d’une trentaine de vaches achetées à Bernard de Montaut, puis quinze autres à Raynaud en 1953. Les besoins du public ont sensiblement changé. L’avenir se tourne vers une course camarguaise plus spectaculaire. Fanfonne comprend la situation et n’hésite pas à soutenir son baile dans cette voie. Les espérances d’un travail sérieux apportent en peu d’années les signes de réelle satisfaction.
 
1956, « Pin Pan » se révèle au monde afeciounado. Taureau de petite taille, très fougueux, il enflamme les spectateurs par ses sensationnels coups de barrière. Une série d’excellentes vaches cocardières confirme aussi, pendant plusieurs années, la bonne direction de la manade. Les noms de « Guirlande », « Tortue » et surtout « Mimosa » s’inscrivent en lettres d’or au palmarès des cocardières les plus prestigieuses. C’est aussi l’année où les noms de Grand et de Guillierme se séparent.
 
L’élevage prend son autonomie et court désormais sous le nom de Fanfonne Guillierme.
 
Le 23 mai 1959, Alice Guillierme meurt à l’âge de 91 ans. En dépit de sa profonde tristesse, Fanfonne retrouve en sa manade le soulagement de l’esprit.
 
Comme l’avait écrit auparavant le Gallarguois Paul Vézian dans son poème intitulé « La reino di gardian », qui consacrait la grande Dame de Camargue comme un personnage unique, le chroniqueur Pierre Vignon disait ceci à propos de Melle Fanfonne en 1960 :
 
« Une très grande manadière. La familiarité avec laquelle le monde afeciounado appelle la manadière Melle Fanfonne, étant peut-être la plus belle traduction des sentiments de vive sympathie, d’admiration et, chez les plus purs, de vénération, à notre tour nous nous permettrons d’employer le prénom populaire. Fanfonne est le type même de la femme attachée à la bouvine. Fanfonne s’honore de cinquante années d’abrivades où toujours elle excella et excelle encore malgré son âge. Elle a vécu et participé à ces abrivades héroïques où seuls quelques cavaliers encadraient les bêtes. »
 
A suivre…
 
Patrice Quiot