Mardi 19 Mars 2024
PATRICE
Dimanche, 27 Novembre 2022
pm25ph
 
 Patrick, du 23 ter boulevard Talabot…
 
 Son papa y travaillait.
 
Il était le concierge.
 
De l’HLM du 23 ter bd Talabot.
 
 
 
Un immeuble un peu comme ceux.
 
Que voulait Corbu.
 
Vide ordures individuels et séchoir à linge commun.
 
 
 
Garage à vélos et parc arboré.
 
Allées en enrobé rouge.
 
Et espaces de liberté.
 
 
 
Un presque campo à la ville.
 
 
 
Nous étions.
 
Toute une bande de collègues.
 
Du RDC au 11ème et dernier étage.
 
 
 
Sans compter.
 
Ceux du petit immeuble perpendiculaire.
 
Mais avec eux, ce n’était pas pareil.
 
 
 
Moins d’intimité.
 
Peut-être parce que celui-là.
 
N’avait qu’un piso.
 
 
 
Nous nous considérions figuras.
 
Et eux.
 
Secundones.
 
 
 
Avec sa personnalité.
 
Forte et exprimée.
 
Patrick actuait dans le groupe spécial.
 
 
 
Nous sommes presque au milieu.
 
Des années soixante.
 
Et Nîmes est notre ville.
 
 
 
Nous achetions des pains de glace à la rue Cotelier.
 
Des bonbons à l’épicerie du 21.
 
Observions les poissons rouges du bassin et allions nager à la piscine municipale de l’impasse Verdet.
 
 
 
Sous les ponts de Talabot.
 
Des clochards.
 
Et des vieux de l’hospice.
 
 
 
Qui fumaient.
 
Les uns des mégots.
 
Les autres des P4.
 
 
 
La Féria de Pentecôte.
 
Avait un peu plus de dix ans.
 
Et Nîmes Olympique cartonnait.
 
 
 
L'après-midi du 7 août 1960, sous une chaleur lourde.
 
Antonio Ordóñez avait donné devant « Matajacas» de Juan Pedro.
 
L’une des plus grandes faenas de sa carrière.
 
 
 
Plus qu’un souvenir.
 
Ce fut pour moi un tsunami.
 
Qui bouleversa ma vie.
 
 
 
Trois ans auparavant.
 
En loques, Manuel Benítez.
 
S’était jeté d’espontaneo à Madrid devant un d’Escudero.
 
 
 
A Talabot, on ne l’avait pas su.
 
Car si tous aimions le foot.
 
Seuls quelques-uns aimaient les toros.
 
 
 
Un Noël de ces années-là.
 
Nos parents nous offrirent.
 
A l’un un ballon de foot, à l’autre une panoplie de torero.
 
 
 
Le papa de Patrick.
 
Était un peu.
 
Le surgé du 23 ter Talabot.
 
 
 
Petit de taille.
 
Il avait une grosse voix.
 
Et portait la moustache.
 
 
 
La terrasse nous était interdite.
 
Les caves presque autant.
 
Furtivos, on y allait quand même.
 
 
 
Le papa de Patrick surveillait.
 
Nos espantadas.
 
Et nos tonterías.
 
 
 
Celles de Patrick, les miennes.
 
Celles de mon frère.
 
Celles de JP Gréco et de JP Rolland.
 
 
 
Celles de Max Livernois du RDC, de Jean Sophocle du 4ème.
 
Celles de Bernard Giudicelli et des frangins Lelandais.
 
Celle d’Enrique Coll, l’espagnol du huitième que sa mère appelait du balcon d’un « Enrique ! Ven ! ».
 
 
 
Comme.
 
Una saeta.
 
Le convoquant pour aller au pain.
 
 
 
Nous jouions au ballon sur une pelouse que nous marquions de craie.
 
Moi derrière.
 
Tous craignaient mes têtes plongeantes.
 
 
 
Et le petit frère de JP Greco.
 
Faisait excellemment bien.
 
Le toro.
 
 
 
C’était le Victoriano del Río.
 
Des toreros.
 
Du 23 ter Bd Talabot.
 
 
 
Le papa de Patrick nous péguait.
 
Des broncas sans conséquence.
 
Buena persona il était.
 
 
 
Patrick aussi.
 
Muy buena persona.
 
Y buen compañero de cartel dans nos jeux de cow-boys et indiens.
 
 
 
Nous mations les filles.
 
Martine Delon dont le père était docteur.
 
Marie Christine Covillas, notre voisine de palier du 3ème.
 
 
 
Nadine Julien que fréquentait Michel Gilles.
 
Babé et Vévé Roland, les deux hermanas du neuvième.
 
Chantal Sophocle qui devint infirmière et qui ferma les yeux de notre mère.
 
 
 
Un matin Vévé se balança du balcon.
 
Et mourut raide.
 
Elle avait quatorze ans y pico.
 
 
 
Belmonte lui, quelques courtes années avant, s’était tiré une balle.
 
Et il avait.
 
Soixante-dix ans.
 
 
 
Un après-midi de Pentecôte.
 
En voulant récupérer un pétard jeté par une peña.
 
Mon petit frère fut percuté par une voiture.
 
 
 
Sa première cornada.
 
Dont longtemps il conserva la trace.
 
Comme une d’espejo.
 
 
 
Soixante années sont passées.
 
Et l’immeuble du 23 ter Talabot.
 
Est toujours là.
 
 
 
Aujourd’hui, Patrick ne joue plus aux cow-boys et indiens.
 
Mais c’est avec la même maïsse.
 
Qu’il contrôle les entrées du callejón des arènes.
 
 
 
Son papa est mort.
 
Mais lui est là.
 
Au quite, como siempre fue.
 
 
 
Et chaque fois que je le rencontre à son poste.
 
Nous évoquons.
 
Ça, les toros et Nîmes Olympique.
 
 
 
Il y a une paire d’années.
 
Un après-midi où il pleuvait.
 
J’ai vu, à l’abri d’une arche de pierre, un toro avec lui.
 
 
 
Il avait un bras sur mes épaules.
 
Et moi.
 
Un bras sur les siennes.
 
 
 
Quand vous rencontrerez Patrick.
 
Parlez-lui.
 
Et il vous racontera.
 
 
 
Tout.
 
Et beaucoup mieux.
 
Que je ne l’ai pu faire.
 
 
 
Patrick Mitjana.
 
Est son nom.
 
 Patrice Quiot