Vendredi 29 Mars 2024
PATRICE
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La plaza de toros du Bois de Boulogne…
 
Dans le cadre de l'Exposition universelle de 1889, on vit plusieurs tentatives pour organiser des courses de toros.
 
Ainsi verront le jour : "Les Arènes Parisiennes", “la Gran Plaza de Toros”, "La Plaza de Toros de l'Exposition“ et surtout ”La Gran Plaza de Toros du Bois de Boulogne".
 
Il y a peu d'informations sur les deux premières qui étaient installées pour la durée de l'Exposition et présentaient tous les jeudis et dimanches des “courses aux taureaux”, attractions comparables aux courses de vaches et qui eurent peu d'écho dans la presse.
 
Les Arènes Parisiennes, dirigées par Adolphe Senne, étaient situées 24 quai de Billy (actuel Palais de Tokyo) ; elles disparaîtront et un jugement de faillite "excusable" sera prononcé le 30 décembre 1889.
 
La Gran Plaza de Toros, située 31 boulevard Delessert (d'après le registre des Faillites) et dirigée par Gustave Heuburger, connaîtra un sort semblable le 28 mars 1890.
 
Les deux autres arènes feront aussi faillite, mais après avoir beaucoup fait parler d'elles.
 
En 1888, une société composée d'éleveurs espagnols décide de financer la construction de  nouvelles arènes pour l'Exposition Universelle de Paris 1889. Le duc de Veragua veut profiter de l'Exposition de 1889 pour se créer un débouché en France.
 
Les terrains pour lesquels on contracta des achats, des baux et des promesses de vente furent estimés à 4 400 000 francs
 
Après délibération prise en Conseil des ministres, M. Constans autorise le 22 mars 1889 la société à organiser des courses de taureaux selon le cérémonial espagnol, "avec tout le splendide appareil d'usage, sauf le sanglant épisode final".
 
Le 12 juin 1889, Antonio Hernández y Lopez, gérant de la Société Anonyme de la Gran Plaza de Toros du Bois de Boulogne, dont le siège est 15 villa Dupont, (il sera transféré 58 rue Pergolèse quelques mois plus tard) adresse une demande de permis de construire :
 
"... Nous avons fait dresser par MM Comboul, ingénieur, et Laborde, architecte, les plans d'une grande arène en maçonnerie bois et fer et par MM Botrel et Malençon, architectes, ceux des dépendances qui nous sont nécessaires et du bâtiment d'Exposition. Le tout devant coûter près d’un million et demi de francs.". 
 
Construite en briques avec une base en pierres et un toit en métal, l'arène avait la forme d'un polygone avec une piste de 56 mètres de diamètre.
 
Elle pouvait accueillir 22 000 spectateurs et se flattait de n'avoir rien à envier aux arènes de Madrid.
 
Le lieu fut appelé Les Arènes de la rue Pergolèse et un musée de la tauromachie était ouvert au n° 60.
 
D'après les plans, les arènes occupent la deuxième moitié du terrain avec un rayon hors tout de 48,73 mètres et une hauteur de 21,75 mètres, la piste ayant un rayon de 27,94 mètres. L'entrée ne pouvait se faire que par le boulevard Lannes (aujourd'hui boulevard Marbeau), le 60 rue Pergolèse étant l'entrée de l'Exposition.
 
En moins d'un mois, les travaux sont achevés.
 
«  Le cirque lui-même, (les arènes rue Pergolèse) immense et d'une construction bizarre, saisit l'œil dès l'entrée. Soutenus par une charpente en fer monumentale, d'innombrables rangées de gradins peints en rouge, s'étagent en trois masses autour de la vaste arène où un escadron de cavalerie évoluerait, sans trop de gêne. D'en haut, rapetissés, les hommes, les chevaux et le taureau surtout, courant sur le sable, ont l'air de jouets perfectionnés, mus par d'invisible ressorts. »
 
Le 25 juin, l'admission du public est autorisée, mais il est précisé les conditions suivantes :
 
"Les courses ne devront être qu'un simulacre des véritables courses de taureaux, c'est-à-dire qu'elles consisteront uniquement en exercices d'agilité. Aucune piqûre pouvant amener l'effusion du sang ne devra être faite aux animaux. L'usage des banderilles fixées à une hampe et se terminant par des pointes pouvant s'enfoncer dans la chair de l'animal est interdit."
 
Il était prévu de donner deux fois par semaine, des corridas à l'espagnole, mais sans mise à mort.
 
Dès le 14 juillet, on annonça la participation des plus grands matadors du moment : Luis Mazzantini, Lagartijo, qui débarquèrent à la gare des Batignolles avec 50 toros, 20 cabestros, 40 chevaux, et 200 personnes.
 
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Les arènes furent inaugurées le samedi 10 août 1889 en présence du ministre de l'Intérieur, Ernest Constans. 
 
Adolphe Sax dirigeait un orchestre de cent vingt musiciens qui joua, pour le paseo, La Giralda puis La Gracia de Dios, deux paso-doble célèbres du compositeur espagnol Ramón Roig y Torné.
 
Le spectacle comprenait un paseo comptant un peloton de soldats de la garde, quatre alguazils à cheval, deux à pied.
 
Les quatre matadors au cartel de cette corrida étaient : Currito, Felipe García, Ángel Pastor et Frascuelo qui combattra trois fois dans cette arène, ainsi que trois rejoneadores portugais : Alfredo Tinoco, Luis do Rago et José Bento de Araujo, ainsi que la caballera française Maria Gentis.
 
Vingt-huit spectacles se déroulèrent cette année-là avec des taureaux emboulés.
 
Puis le préfet autorisa que les règles de la corrida espagnole soient appliquées dès l'année suivante.
 
En 1890, il se donna 41 corridas.
 
« Si les recettes étaient belles, les frais étaient énormes, chaque taureau coûtait 1 500 à 5 000 fr et il était revendu après la course 250 francs à un boucher. 
 
Toutes ces bêtes provenaient des terres de M. le duc de Veragua qui pratiquait l’élevage du taureau de combat sur une grande échelle, s’il est permis de s’exprimer ainsi, et qui n’a pas moins de 3 500 têtes de ce bétail particulier.
 
Les toreros se font payer bon prix. 
 
Ángel Pastor et sa cuadrilla, composée de cinq hommes, coûte 3 500 francs par course. (…) Les autres prima espada étaient ainsi rétribuées : Cara-Ancha, 4 500 francs (par course, bien entendu) ; Mazzantini, 5 000 ; Lagartijo, 6 000 ; Guerrita, 6 000 : Espartero, 6000. Le cavalier en place recevait, pour lui seul, 1 000 francs par séance.
 
Tout compté, les frais, pour chaque représentation, s’élevaient à 25 000 ou 30 000 francs. »
 
Puis le préfet se ravisa de nouveau et en 1891, il interdit la mise à mort.
 
L'année suivante, il n'y eut plus que 26 spectacles, et comme les figuras refusaient de se prêter à une parodie de tauromachie, le public déserta bientôt les gradins.
 
On essaya divers autres spectacles détournés de la corrida : charlotades, toreo comique…
 
Il n'y aura pas de saison 1893. 
 
Sur requête du 12 janvier 1893, la Société Anonyme de la Gran Plaza de Toros du Bois de Boulogne, au capital de 5.000.000 de francs, doit déposer son bilan.
 
Les pièces du musée tauromachique du bâtiment d'exposition sont dispersées aux enchères et, en septembre, c'est le tour des arènes et des dépendances qui partent pour un prix dérisoire car destinées à être démolies.
 
En 1899, une autre tentative sera faite, mais tournera court.
 
Vers 1925, quelques courses seront organisées dans les arènes de Paris.
 
Enfin d'autres auront lieu en septembre 1942 au Vel' d'Hiv…
 
« Pendant les quatre années que durèrent les activités de la Gran Plaza de Toros du Bois de Boulogne, des toreros andalous, des poules de cabaret, des écrivains engagés, des éleveurs aristocrates, des artistes cosmopolites, des suffragettes hostiles et des gladiateurs africains se frottèrent un peu, au voisinage de la rue Pergolèse. On y croisa Caran d'Ache et la Belle Otero, Léon Bloy, le président Sadi Carnot, le Duc de Veragua, authentique descendant de Christophe Colomb, le peintre Forain et Buffalo Bill. Il y eut aussi Joseph Oller, inventeur du Moulin Rouge, Ángel Pastor, le toréador des rêves féminins, la chanteuse Edmée de Thimon, Sigmund Freud et Valentin le désossé, le grand Mazzantini et Racoute Randriamara, pegador malgache professionnel. 
 
Rien que du beau linge. »
 
(« Rue Pergolèse », d’Antoine Martin).
 
Sources 
 
« Torolibre ».
 
« Rue Pergolese » d’Antoine Martin/1992/Climats.
 
Robert Bérard, Histoire et dictionnaire de la Tauromachie, Paris, Bouquins Laffont,2003
 
Claude Popelin, Le Taureau et son combat, Paris, de Fallois, 1993,)
 
Paul Louis Mignon, Corrida en France du second empire à nos jours, Paris, Julliard, 1993
 
Patrice Quiot