Jeudi 28 Mars 2024
PATRICE
Vendredi, 02 Décembre 2022
jpj1
 
Recuerdo JPJ…
 
En tout.
 
Il était différent.
 
 
 
Une pesanteur.
 
De diva.
 
 
 
Une barbe.
 
De faune.
 
 
 
Des yeux.
 
D’acier.
 
 
 
Une allure.
 
Una pinta.
 
 
 
Un Falstaff.
 
Qui avait ses habitudes «Chez Nicolas».
 
 
 
Qu’on n’interrompait pas.
 
Et qu’on écoutait.
 
 
 
Aussi longtemps.
 
Qu’il voulait parler.
 
 
 
Dans un langage.
 
Qui continue de résonner.
 
 
 
Dans l’outrance.
 
De l’équivoque.
 
 
 
Celle de Pausanias du « Banquet » de Platon.
 
Celle du baron de Charlus de Proust.
 
 
 
Ainsi.
 
Il allait.
 
 
 
Dans les rues.
 
Les cafés.
 
 
 
Les théâtres.
 
Et les arènes.
 
 
 
De Nîmes.
 
Sa ville.
 
 
 
De Nîmes
 
Su tierra.
 
 
 
Incisif était son ton.
 
Coupante était sa sentence.
 
 
 
Aucun atermoiement.
 
Aucune concession.
 
 
 
Une dureté de forme.
 
Une tendresse de fond.
 
 
 
Théâtre.
 
Opéra.
 
 
 
Littérature.
 
Et toros.
 
 
 
Gouvernaient.
 
Sa vie.
 
 
 
De
 
Ces ordres.
 
 
 
Il connaissait.
 
Les codes.
 
 
 
De.
 
Ces ordres.
 
 
 
Il savait.
 
Tout.
 
 
 
Il en enregistrait le fonctionnement.
 
Ne pardonnait rien.
 
 
 
Et le disait.
 
En el corte suyo.
 
 
 
Une gravité.
 
Dans la maïsse.
 
 
 
Un tragique.
 
Dans le débonnaire.
 
 
 
Acide.
 
Et piquante.
 
 
 
Insolente.
 
Vipérine.
 
 
 
Châtiée.
 
Ou triviale.
 
 
 
Sa langue.
 
Accusait.
 
 
 
Et estoquait.
 
Sin puntilla.
 
 
 
Ses mots.
 
Justes.
 
 
 
En saillies.
 
D’espontaneadas.
 
 
 
Comme autant.
 
De coups de rasoir.
 
 
 
A la bêtise.
 
Et à l’intolérance.
 
 
 
Assassinaient
 
Le fâcheux.
 
 
 
Et enchantaient
 
L’ami.
 
 
 
Fiel.
 
Et miel.
 
 
 
Un Fouquier-Tinville.
 
Au soleil d’une terrasse.
 
 
 
Un Céline.
 
A l’accent nôtre.
 
 
 
Mais.
 
 
 
Cette langue
 
Défendait aussi.
 
 
 
Ce à quoi.
 
Il croyait.
 
 
 
La noblesse.
 
Du cœur.
 
 
 
L’élégance.
 
De la manière.
 
 
 
La grandeur.
 
Du sentiment.
 
 
 
Nîmes.
 
Et son peuple.
 
 
 
Une mémoire prodigieuse.
 
Une verve méditerranéenne.
 
 
 
Une rhétorique.
 
Cicéronienne.
 
 
 
Qui courait.
 
De la Tour Magne aux arènes.
 
 
 
Et un lexique.
 
De Cristal Roederer et de tellines
 
 
 
Pour dire.
 
 
 
Un aria.
 
Au poignant de solitude.
 
 
 
La page.
 
D’un beau livre.
 
 
 
Le luxe.
 
D’une toile.
 
 
 
Un bel.
 
Objet.
 
 
 
Le jeu.
 
D’un interprète.
 
 
 
La Placette.
 
Ou le plan Bachalas.
 
 
 
Et la faena.
 
D’un torero.
 
 
 
Je le connaissais un peu.
 
Et l’appréciais beaucoup.
 
 
 
Jean-Paul Journot est mort à Nîmes.
 
Le 27 février 2009.
 
 
 
Il avait cinquante-sept ans.
 
 
 
Ce jour-là, la pluie avait fait suspendre la corrida d’Antequera où devaient toréer Pepe Luis Vásquez et Morante de la Puebla.
 
Artistes.
 
Eux aussi.
 
 
Deux jours après, Roland Massabuau écrivait dans le « Midi Libre » :
 
« Jeudi soir, il avait donné, au Télémac, devant une salle pleine et secouée de rires une nouvelle fois, la troisième représentation de son spectacle « Petit Nono », one man show humoristique et truculent inspiré de la vie nîmoise et de ses habitants, et ses sketches, toujours liés à l'actualité, avaient encore confirmé toute l'imagination, la verve et les intarissables ressources de son imagination. Quelques heures plus tard, Jean-Paul Journot décédait, victime d'une crise cardiaque. Très attaché à sa ville et à ses racines, le comédien, aficionado dès son plus jeune âge et doté d'une infaillible mémoire relative aux innombrables corridas auxquelles il avait assisté, était un homme de culture et de spectacles. Brocanteur et collectionneur d'œuvres d'art, féru de littérature, Jean-Paul Journot avait eu, dès son enfance, une fascination pour la scène. Plus tard, sur les plateaux de théâtre ou devant les caméras, il eut maintes occasions de vivre sa passion. Participant à une vingtaine de productions musicales, tournant dans des films réalisés par Claude Lelouch (La belle histoire) ou Jean-Paul Rappeneau (Le hussard sur le toit) et des productions télévisées, le comédien nîmois avait également joué dans de nombreuses pièces et adaptations théâtrales, sous la direction d'Antoine Bourseiller notamment. Personnage nîmois, il avait, l'été dernier, au musée du Vieux-Nîmes, proposé un spectacle intitulé « Anecdotes nîmoises », avant-goût de ce Petit Nono qui vient de le voir, avec drôlerie, émotion et sensibilité, dire adieu à sa ville. »
 
 (NDLR : Jean-Paul est debout à droite sur la photo.)