Dimanche 28 Avril 2024
PATRICE
Vendredi, 09 Décembre 2022
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« Ou tu porteras mon deuil » (1)...
 
« Madrid, en cette matinée de corrida, n’est qu’un immense frémissement. Au loin, vers le nord, le vieux curé peut apercevoir les cimes neigeuses de la sierra de Guadarrama, ultimes contreforts granitiques avant l’orgueilleuse cité sur son plateau castillan. Une brise chaude souffle de ce plateau, s’engouffre dans la ville, brûle les yeux. Don Juan la sent sur son visage et, oubliant un instant le coffret qu’il porte sous le bras, se dit avec satisfaction que le temps promet d’être idéal pour la corrida.
 
Jamais dans un passé récent, sauf peut-être pendant les convulsions de la Guerre Civile ou à l’occasion du fait divers qui avait bouleversé des millions d’Espagnols, la mort dans l’arène de Manolete, l’Espagne n’a connu pareille fièvre. Aucun matador contemporain, aucun peut-être dans l’histoire tout entière de la fiesta brava n’a suscité autant de passion populaire et de controverses que le jeune homme dégingandé dont le vieux curé de Notre-Dame de Covadonga va, pour la première fois cet après-midi, admirer les prouesses.
 
Don Juan est l’aumônier de cette arène. Jeune prêtre, il a accepté cette charge sans rien soupçonner de l’extrême complexité des courses de taureaux. Trente années d’assiduité sur les gradins de ciment rugueux où il a usé bien des soutanes ont fait de lui le plus passionné des aficionados. Devant ses lunettes cerclées de métal doré sont passées trois générations de belluaires qui ont conduit l’art de la corrida à ses plus hauts sommets. Mais il n’est pas d’exploit sans malheur et la présence de don Juan sur les gradins de la plaza de Toros n’a jamais cessé d’être un tragique symbole. Douze fois pendant ces trente années, l’huile des oliviers de Grenade consacrée chaque jeudi saint et l’hostie du coffret noir ont été pour un homme en habit de lumières le viatique du dernier voyage.
 
Son invocation terminée, don Juan Espinosa Carmona, curé de la paroisse de Notre-Dame de Covadonga, prolonge l’office par le rite solitaire qu’il répète chaque jeudi et chaque dimanche de mars à octobre, et chaque jour pendant la dernière quinzaine de mai où Madrid célèbre la feria de son patron San Isidro. ».
 
 
 
Ainsi débute.
 
Le livre de Dominique Lapierre et Larry Collins.
 
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Tout aficionado l’a lu.
 
Et y a suivi.
 
 
 
Celui de Palma del Río.
 
De sa naissance le 4 mai 1936.
 
A ce jeudi 20 mai 1964.
 
 
 
Le même aficionado y a.
 
Aussi.
 
Découvert.
 
 
 
Charneca.
 
Le tenancier du bistrot.
 
Inconditionnel de la première heure.
 
 
 
Felix Moreno Ardanuy.
 
Qui en représailles de ses toros.
 
Que les républicains avaient tués pour se nourrir.
 
 
 
Fit fusiller.
 
Une centaine d’hommes.
 
Dans le corralón du pueblo.
 
 
 
Le sergent Mauleón, dit «La Tomate».
 
Qui en bicorne de cuir bouilli.
 
Dans le cartel de la Guardia Civil du pueblo.
 
 
 
Tabassait.
 
Manuel Benítez.
 
De ses cravaches.
 
 
 
L’une qu’il appelait «Manolete».
 
Et l’autre.
 
«Arruza ».
 
 
 
Les guenilles.
 
Et les poules volées.
 
De Manuel Benítez Pérez.
 
 
 
Avant.
 
La gloire et la fortune.
 
Du Cordobés.
 
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Le «Ciné Jerez».
 
Où Manolo vit.
 
« Juanito de la Cruz » qui le décida à faire ce qu’il fit.
 
 
 
« Dans la petite cité perdue au cœur de l'Andalousie le ciné Jerez était bien plus qu'un cinéma. C'était une porte ouverte sur l'inconnu, le seul regardque  tant d'habitants pourraient jamais donner sur l'extérieur. »
 
 
 
Le mouchoir plein.
 
Des 1000 pesetas en pièces qui lui avaient été jetées.
 
Lors de sa première novillada.
 
 
 
Livinio Stuyck.
 
Hollandais de naissance destiné à perpétuer la destinée tapissière de sa famille.
 
Et devenu taulier de Las Ventas.
 
 
 
« Un soir de l’hiver 1941, deux amis lui avaient offert la direction des arènes de Las Ventas alors au bord de la faillite. Stuyck, qui détestait voir couler le sang des bêtes, avait longuement hésité avant d’accepter. En organisant ses premiers spectacles, il avait découvert quelle alchimie compliquée est une corrida et combien imprévisible en est l’issue. Servi par son esprit méthodique de juriste, Stuyck s’était cependant acharné à réduire la part du hasard en réalisant des combinaisons qui puissent permettre à un homme et à un animal d’offrir, un certain jour et presque à coup sûr, l’assurance d’un beau combat. Il échouait souvent. Mais souvent aussi, à cause de lui, le souffle magique de la grâce était passé sur le sable des arènes de Madrid. »
 
 
José Ramos.
 
Le jefe de taquillas.
 
Des arènes de Madrid.
 
 
 
« Il s’appelle José Ramos. Depuis trente-quatre ans, il exerce méthodiquement et ponctuellement la même profession. Il est le vendeur officiel des billets pour les arènes de Las Ventas. Sur une table de bois blanc se trouve soigneusement rangé en plusieurs piles l’inestimable trésor qu’il a extrait une heure plus tôt d’un coffre-fort à double sécurité. Un par un, il a compté les 2 600 billets. Or, pour la première fois de sa carrière, cette opération s’accompagne d’une cruelle humiliation. Il partage ce matin-là avec un étranger le petit réduit qui lui sert à la fois de caisse et de bureau. Cet étranger occupe des fonctions qui n’ont aucun rapport avec la tauromachie. Il est l’inspecteur que la Direction générale de la Sécurité a envoyé calle Victoria pour surveiller la vente des billets. »
 
 
 
L’Andalousie aride.
 
Des bérets.
 
De misère.
 
 
 
Et.
 
 
 
Gonzalo Queipo de Llano.
 
Général franquiste alcoolique.
 
Qui, sur Radio Sevilla, multipliait les appels au viol des femmes des «rouges».
 
 
 
« Elles sauront ce que sont des hommes et pas des pédés de miliciens, elles n’y échapperont pas, même si elles se débattent et crient ».
 
 
 
A suivre…
 
Patrice Quiot