Dimanche 28 Avril 2024
PATRICE
Dimanche, 11 Décembre 2022
pq11h
 
Maman…
 
Elle était née.
 
Au-delà de la Méditerranée.
 
 
 
Dans ce pays d’immensité.
 
De burnous, de pieds nus et de miel.
 
Où mon frère et moi avons un peu vécu.
 
 
 
Le pays.
 
De Kateb Yacine.
 
 
 
Celui de.
 
Camus.
 
 
 
Un pays.
 
Qui jadis offrait ses animaux.
 
Au public des Colisées romains.
 
 
 
Sa mère.
 
Y était née.
 
Dans une ville au bord de la mer.
 
 
 
Et sa grand-mère.
 
Aussi.
 
On ne sait où.
 
 
 
Son père.
 
Y était venu.
 
Chassé par la misère de l’île corse.
 
 
 
Elle était du Sud.
 
De cet Al Andalus.
 
Qui nous hante.
 
 
 
Dont on a gardé.
 
Certains.
 
Des codes.
 
 
 
Et aussi une façon.
 
D’appréhender.
 
Le monde.
 
 
 
A Nîmes.
 
Où elle vécut.
 
La maison affichait les attributs de là-bas.
 
 
 
Tapis au sol.
 
Plateaux de cuivre aux murs.
 
Et objets incrustés de nacre.
 
 
 
C’était ses trophées.
 
Souvenirs de ses tardes de jeunesse.
 
A Medjana, Canrobert ou Tlemcen.
 
 
 
Elle aimait le soleil.
 
Quand il était.
 
A son zénith.
 
 
 
Et son rire.
 
Chassait.
 
L’hiver qu’elle détestait
 
 
 
Elle aimait.
 
Les plages de galets ou de sable.
 
Et les vagues.
 
 
 
Dont
 
Ella avait.
 
L’outrance.
 
 
 
Dans une élégance.
 
Qui quelquefois confinait.
 
A l’excès.
 
 
 
Celui que l’on retrouve.
 
Peut-être dans les trajes.
 
Trop chargés d’or et de broderies.
 
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Elle aimait Nîmes.
 
Ses Halles.
 
Et ses gens.
 
 
 
Elle aimait marcher.
 
Dans ses rues.
 
De sol y sombra.
 
 
 
Son visage avait.
 
La transparence fine.
 
Des vases Ming.
 
 
 
Ses pommettes hautes.
 
Et ses yeux légèrement bridés.
 
Nous interrogent encore.
 
 
 
Comme un extraño.
 
Tendre.
 
D’un exotisme de buen gusto.
 
 
 
Elle aimait.
 
Les objets.
 
Lourds du sens de l’antique.
 
 
 
Comme on aime.
 
La vie.
 
Redonnée aux suertes anciennes.
 
 
 
Elle avait une écriture.
 
De pleins.
 
Et de déliés.
 
 
 
Qui remplissait.
 
Sans ratures.
 
Les pages de ses lettres.
 
 
 
On y sentait.
 
Le plaisir.
 
Qu’elle trouvait à ainsi faire.
 
 
 
On y goûtait le planchada.
 
D’une plume.
 
Légère.
 
 
 
Du désordre.
 
Elle ne supportait.
 
Que celui du langage.
 
 
 
Selon son humeur.
 
Le sien.
 
Allait.
 
 
 
De más a menos.
 
Ou.
 
De menos a más.
 
 
 
L’été.
 
Elle cuisinait.
 
Dehors.
 
 
 
Dans une débauche colorée.
 
De poivrons.
 
Ou d’aubergines.
 
 
 
Perpétuant ainsi.
 
Les rites.
 
Du kanoun berbère.
 
 
 
Qui comme le toreo.
 
Se doit de rassasier.
 
Tout en enchantant.
 
 
 
Elle aimait.
 
Recevoir.
 
Et le faisait avec le même faste.
 
 
 
Que celui.
 
Qui doit prévaloir.
 
Dans ce qui se fait dans l’arène.
 
 
 
Avec notre père.
 
Elle alla quelquefois.
 
Voir mourir des toros.
 
 
 
Elle y trouvait.
 
Le plaisir naïf.
 
D’une distraction dominicale.
 
 
 
Mais elle comprenait.
 
Que ses fils.
 
Y trouvent beaucoup plus.
 
 
 
Parce qu’elle aimait.
 
La vie
 
Et ses extravagances.
 
 
 
Et qu’elle en connaissait.
 
Le caractère.
 
Ephémère.
 
 
 
Elle souhaitait.
 
Que ses enfants aussi connussent.
 
La gloire.
 
 
 
Pour l’en remercier, cette vie lui mit la cornada.
 
La méchante.
 
Celle du crabe.
 
 
 
Elle était née.
 
A Bordj Bou Arrerid.
 
Au milieu d’un été.
 
L’année des vingt-quatre ans de José Gómez Ortega.
 
 
 
Elle est morte.
 
A Nîmes.
 
Au début d’un hiver.
 
 
 
L’année où Christian triompha avec les Guardiola.
 
Un lundi qui n’était pas de resaca.
 
Et presque à la même heure que « Manolete ».
 
 
 
On l’enterra.
 
Dans son vêtement.
 
De tous les jours.
 
 
 
Celui dans lequel.
 
Elle prenait plaisir.
 
A encaustiquer les tomettes rouges de la maison.
 
 
 
Jeanne Antoinette Germaine Pinelli épouse Quiot.
 
Était son nom.
 
 
 
C’était.
 
Notre mère.
 
 
Patrice Quiot