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Jeudi, 15 Décembre 2022
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Sydney Franklin, le torero gay de la Torah…
 
Dans le monde de la tauromachie des années 1920 et 1930, Sidney Franklin n’était pas seulement défini par sa citoyenneté américaine, son élégance ou sa personnalité dure, mais également par sa judéité.
 
Premier américain à avoir obtenu le statut de matador en Espagne, il avait été surnommé « El Torero de la Torah ».
 
Franklin entretenait une relation compliquée avec son judaïsme.
 
Né Sidney Frumkin au sein d’une famille juive orthodoxe dans le quartier Park Slope de Brooklyn, les querelles étaient incessantes entre le futur torero et son père traditionaliste.
 
« Il était rempli de contradictions », explique Rachel Miller, directrice des services d’archives et de la bibliothèque au Centre d’Histoire Juive de New-York.
 
« C’est amusant de voir qui il était aujourd’hui, alors que nous avons une perspective complètement différente que ce n’était le cas il y a cent ans sur les identités de genre et transgenre - sur l’identité juive aussi, comme sur les impacts des traumatismes », ajoute-t-elle.
 
Miller étudie la vie de Franklin depuis 2012.
 
Elle a découvert son histoire en lisant les archives qui le concernaient au centre et a été intriguée par son milieu familial d’origine. 
 
Ses parents avaient fui l’antisémitisme en Russie et ils s’étaient établis à New York, avec ses frères et sœurs.
 
Très tôt, Franklin s’oppose à son père, un agent de police de forte carrure qui punit physiquement ses enfants.
 
« Sidney s’est rebellé contre tout ce que son père défendait en particulier. Et ils ont eu une relation difficile », explique Miller.
 
« En utilisant les termes d’aujourd’hui, ce père pourrait être qualifié de violent ».
 
A l’âge de 19 ans, Franklin quitte Brooklyn pour le Mexique. C’est là qu’il va découvrir son amour pour la tauromachie, faisant son apprentissage auprès de Rodolfo Gaona, nullement impressionné par les dangers présentés par cette activité.
 
« Si vous avez des tripes », avait dit Franklin un jour, « vous pouvez faire n’importe quoi. »
 
Parti en Espagne pour assouvir sa passion, il est devenu célèbre en partie pour ses talents de torero et pour les cercles qu’il a fréquentés.
 
En 1929, Franklin rencontre Ernest Hemingway.
 
L’auteur devient l’un de ses amis proches.
 
Il immortalisera Franklin dans son livre « Mort dans l’après-midi » :
 
Franklin est un brave, avec un courage froid, serein, intelligent. Loin d’être ingrat et ignorant, il est l’un des manipulateurs de muleta les plus talentueux, les plus gracieux et les plus lents », écrit Hemingway.
 
« Son répertoire est immense, mais il ne tente pas, en utilisant un répertoire varié, d’échapper à la performance de la verónica, à la base du travail de sa muleta et ses verónicas sont classiques, très émotionnelles, joliment réglées et exécutées. Il n’y a pas un seul Espagnol l’ayant vu se battre qui niera son art et son excellence avec sa muleta ».
 
En 1932, Franklin a interprété son propre rôle dans « The Kid from Spain », tourné à Hollywood, aux côtés de Douglas Fairbanks et d’Eddie Cantor.
 
Même si le torero était juif, il participait à certains rituels catholiques avant ses combats et laissait les religieuses prier pour lui, raconte sa nièce, Doris Ann Markowitz
 
« Quand quelqu’un lui demandait pourquoi il laissait des religieuses prier pour lui s’il était Juif, il répondait que c’était parce que les taureaux étaient catholiques ! », se souvient-elle. « C’était une plaisanterie. Il ne prenait pas la religion elle-même très au sérieux. »
 
Mais comme le prouve le surnom qui lui avait été donné, son identité juive aura joué un grand rôle dans son existence du moins dans la manière dont les autres le considéraient.
 
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Un autre aspect moins connu de son identité a été sa sexualité.
 
« Desde pequeño sintió atracción por las artes, tanto plásticas como escénicas. Esto no gustaba nada a su padre que incluso le llamaba ‘Nancy’. Sobrenombre que le dedicaban a principios del siglo XX a hombres muy amanerados. »
 
Franklin était homosexuel, mais il n’a jamais abordé ouvertement ce sujet même si Miller dit que son homosexualité était « un secret de Polichinelle » dans le milieu de la tauromachie.
 
Markowitz précise que la famille savait que Franklin était gay, mais qu’elle n’en a jamais parlé. Quand il rendait visite à ses proches, explique-t-elle, Franklin venait avec un valet nommé Julio, qui était également son partenaire amoureux.
 
« Julio - nous l’appelions Julie - vivait avec nous, dans notre maison, dans notre sous-sol, avec mon oncle et c’était très facile de voir la relation particulière qu’ils entretenaient tous les deux », dit Markowitz.
 
Et pourtant, Franklin aura tenté de cacher sa sexualité, racontant notamment une relation amoureuse avec une femme et autres escapades hétérosexuelles dans son autobiographie peu fiable écrite en 1952, Bullfighter from Brooklyn.
 
Miller indique qu’appartenir au milieu macho de la tauromachie aura permis à Franklin d’échapper à des spéculations sur sa sexualité. Mais ce monde lui a également permis de l’exprimer d’autres manières.
 
« [Franklin] a fait exploser cette image macho de lui-même et j’ai eu le sentiment que c’était un acte de révélation de son homosexualité, mais en même temps un acte de performance », raconte Miller.
 
Si Marta Gellhorn, reporter de guerre qui accompagna Hemingway en Espagne en 1936 et qui deviendra sa troisième épouse, était opposée à la relation amicale de son mari avec Sidney, il semble que c'était parce qu'elle connaissait l'homosexualité de Franklin.
 
C’est peut-être pour se venger d’elle que Franklin a écrit dans son autobiographie que lui et Hemingway dormaient dans le même lit.
 
Les récits des toutes premières photos prises alors qu’il posait pour la première fois dans son costume de torero montrent combien il aimait le côté glamour du toreo.
 
« Il se regardait dans le miroir. Les heures passaient et il ne se lassait pas de se voir dans ce costume d’or et d’argent chatoyant », dit Miller.
 
Quand sa carrière dans la tauromachie s’est arrêtée, Franklin a géré un café à Séville. En 1957, il a été emprisonné pour avoir illégalement conservé une voiture dans le pays, purgeant neuf semaines d’incarcération sur une peine totale de 25 mois.
 
« Ser judío en la España de pertinaz sequía y conspiración judeomasónica, y homosexual, una mácula entonces con dos salidas, ocultarse en las sombras o dormir a la sombra de la cárcel por la aplicación de la ley de vagos y maleantes.» 
 
Ese fue Sidney Franklin, un valiente, tanto que, en términos taurinos, toreó miuras en Tánger, el 13 de agosto de 1952, a punto de cumplir el medio siglo de vida, aunque le devolviesen el primero de su lote al corral al escuchar tres avisos.
 
Après sa libération, il est retourné en Amérique du Nord et a partagé sa vie entre le Texas et le Mexique. Il s’est éteint en 1976, passant les dernières années de sa vie dans une maison de retraite.
 
Se remémorant la vie de son oncle, Markowitz se souvient d’une personnalité « impressionnante. »
 
« Quand il pénétrait dans une pièce, il l’éclairait », dit-elle, « et quand il entrait dans cette pièce, il n’y avait aucun doute là-dessus, il était au centre de l’attention de tous ».
 
Sources : « The Times of Israël » /10/06/2019./
 
 "Mercurio"/22/12/2019
 
Datos 
 
Sidney Frumkin dit « Sidney Franklin », né à New York (États-Unis) le 11 juillet 1903, mort à New York le 26 avril 1976, est un matador américain.
 
Fasciné par la tauromachie, il va d'abord faire son apprentissage au Mexique en 1922. Puis il traverse l'Atlantique pour se perfectionner en Espagne. Ses premiers contrats lui sont offerts à Séville le 9 juin 1929 devant des novillos de Rufino Moreno Santamaría. Il se présente le 25 juillet de la même année à Madrid.
 
Né de parents juifs, il est obligé de quitter l'Europe pendant la guerre, mais dès 1945, il revient en Espagne où il reçoit l'alternative, à l'âge de quarante ans, le 18 juillet 1945 à Madrid, avec pour parrain, « El Estudiante » et pour témoin, « Morenito de Talavera », face à des taureaux de la ganadería de Sánchez Fabrés.
 
Il se retire ensuite dans son pays et meurt à New York en 1976.
 
Franklin a été également acteur dans des pièces de boulevard, chanteur, acrobate.
 
Patrice Quiot