Vendredi 29 Mars 2024
PATRICE
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La saga de la jambe du « Tato »…
 
Antonio Sánchez “El Tato”, torero du quartier San Bernardo de Séville, né le 6 février 1831, fut blessé dans la vieille plaza de la Puerta de Alcalá, l’après-midi du 7 juin 1869 par “Peregrino”, le quatrième toro de Vicente Martínez, lors de la corrida où il combattait aux côtés de Lagartijo et de García Villaverde.
 
Le toro prit El Tato lors de l’entrée a matar pour la troisième fois et avec la corne droite, il le suspendit et le tourna, lui infligeant une cornada de quatre centimètres de long sur trois centimètres de profondeur dans le haut de la jambe droite. 
 
On dit à l’époque que le toro avait gardé sur ses cornes le sang d’un cheval malade et que ce virus avait infecté la plaie.
 
Le fait est que l’état de la blessure s’aggrava, que la situation devenait de plus en plus alarmante pour les médecins qui finalement, le matin du 14 juin, sept jours après la cornada, décidèrent « la séparation de la jambe ».
 
Ainsi, on amputa le « Tato » de la jambe droite.
 
Le membre fut immédiatement emmené par les aficionados à la pharmacie San José - également parfumerie et laboratoire chimique – calle de Fuencarral, numéro 11 au coin avec la calle del Desengaño.
 
Dans le but d'être embaumée, la jambe de “El Tato” fut placée dans un récipient en verre rempli de formaldéhyde en attendant les préparations nécessaires.
 
Mais le 13 juillet, un mois après l'amputation, un incendie, dû à l'explosion d'un brûleur à gaz, détruisit une grande partie du bâtiment où elle se trouvait.
 
D'innombrables adeptes d'El Tato essayèrent en vain de sauver la relique qui disparut dans l'incendie.
 
Malgré ce, après un peu plus d'un an de convalescence, Antonio Sánchez « se movía con un ingenioso artilugio que le posibilitaba andar con agilidad y sin muletas ». 
 
Cette prothèse fit le buzz de la presse de l'époque.
 
En effet, c’est Juan Antonio Palomo Sánchez, habitant de Puertollano (Ciudad Real) et pasteur de profession, qui avait construit la jambe artificielle spécialement élaborée pour « El Tato ».
 
Son invention, supervisée par plusieurs médecins, avait obtenu l’agrément du Ministère compétent non seulement pour sa fabrication, mais également pour servir de modèle pour d'autres personnes handicapées.
 
Or, à l'annonce de la nouvelle jambe d'El Tato, les journaux firent état d’un séjour à Londres du torero « con el objeto de que le construyan un aparato-pierna para torear ».
 
A ce motif, la ville de Puertollano adressa un courrier indigné au journal “El Imparcial” craignant que des « charlatanes extranjeros plagiaran el invento de Juan Antonio Palomo, desprestigiando así la industria española. »
 
En 1871 « El Tato » voulut retoréer avec sa prothèse à la jambe droite, « … con la que se forjó la ilusión de poder volver a las faenas de la lidia. Probó fortuna la tarde del 14 de agosto de 1871, en Badajoz, intentando dar un lance al toro cuarto. Tuvo que desistir de su empeño, sentándose llorando en el estribo de la barrera. Vestido de torero quiso volver a hacer la prueba el 4 de septiembre en Valencia, pero el público no le consintió intentarlo. El rey Amadeo de Saboya, que presidía, llamó a su palco al diestro, atendiéndole y consolándole con suma benevolencia. Aún vistió el traje de luces en Sevilla el 24 de íeptiembre del mismo año. También el público le hizo desistir de su propósito de torear” note Cossio.
 
Antonio Sánchez “El Tato” mourut à Séville le 7 février 1895.
 
Sa prothèse devint la possession de Juan Bol Baryolo, aficionado valencien collectionneur de tout ce qui concernait la tauromachie. 
 
La compilation des pièces, que Bol avait méticuleusement datée et conservée dans sa maison, allait des têtes de taureaux aux vêtements sanglants des toreros encornés ; costumes de tauromachie, rubans, banderilles, capes, rapières…
 
Le tout constituant un musée taurin.
 
« … Que, a decir de quienes lo visitaban, producía un hedor repugnante en la vivienda. »
 
A l'occasion de l'Exposition Universelle de Paris, tenue en 1900, il fut décidé d'envoyer une grande partie des objets réunis dans la collection de Juan Bol.
 
L'Espagne verrait ainsi sa fête nationale représentée et enseignerait au monde l'art de la tauromachie.
 
Entre los estoques enmarcados de los matadores “Guerrita” (Rafael Guerra Bejarano) y “Montes” (Antonio Montes Vico), se instaló la pierna ortopédica de Antonio Sánchez García “El Tato”.
 
De là, on perdit sa trace.
 
On ne sait ce qu’elle est devenue.
 
Mais on retrouve aujourd’hui le pundonor du « Tato » dans l’expression « Esto no lo hace ni El Tato » (Même le Tato ne peut pas faire ça), équivalent de faire ce que personne n'est capable de faire.
 
Sources : 
 
Cositas de toros y caféscelebresamadrid.
 
Datos  
 
Antonio Sánchez, plus connu sous le pseudonyme de « El Tato », né le 6 février 1831 à Séville (Espagne), mort le 7 février 1895 à Séville,
 
Il commence sa carrière avec les pegados portugais qui se produisent en Espagne dans les années 1849 - 1850. Son rôle consistait alors uniquement à tuer à l'épée les taureaux. D'abord engagé dans la cuadrilla de Juan Lucás Blanco en 1850, il est remarqué par El Chiclanero à Saint-Jacques-de-Compostelle pour la qualité de son estocade. Il est engagé en 1851 dans la cuadrilla de Cúchares sur les conseils d'El Chiclanero.
 
Cúchares lui cède souvent ses taureaux au moment de l'estocade ce qui permet à Antonio de se perfectionner. Le 24 octobre 1853, alors que « El Tato » figure au cartel de Cúchares à Madrid, El Salamanquino, qui torée avec eux ce jour-là, est blessé. Antonio le remplace le jour suivant, le 30 octobre, et Cúchares lui donne son alternative avec pour témoin Cayetano Sanz devant le taureau « Cocinero » de l'élevage Gaspar Muñoz. Le public étant très impressionné par sa performance, on organisa le 6 novembre suivant une corrida exceptionnelle, qui fut interrompue par la pluie.
 
Durant les temporadas suivantes, il confirme son talent : excellent à la cape avec laquelle il exécute de gracieuses passes, il est un peu moins fort à la muleta, mais le public apprécie son physique élégant et il devient très populaire. Malgré quelques revers en 1860, il continue de s'affirmer. Il recueille un immense succès à Séville le 17 mai 1860 face à des Miura avec Manuel Domínguez « Desperdicios », comme compagnon de cartel.
 
En 1861, il épouse la fille de Cúchares. Les festivités sont organisées dans le château du comte d'Águilar.
 
Il était brillant dans les passes de cape, intervenait avec opportunité dans les quites, plus médiocre à la muleta. Mais à l'épée, il a laissé sa trace dans une technique d'estocade franche qui ne se complaisait pas dans le metisaca jusqu'alors pratiqué par la majorité des toreros. Il est arrivé à une période de transition où les vedettes n'étaient pas légion.
 
Son seul rival sérieux était El Gordito qui tuait mal et qui faisait ressortir les qualités d'Antonio.
 
Son excellente réputation l'amène plusieurs fois à Bayonne où l'impératrice Eugénie de Montijo et son époux apprécient ses prestations de 1853 à 1862. Le couple impérial l'accueille avec bienveillance dans leur demeure de Biarritz.
 
En 1863, il inaugure les premières corridas espagnoles dans le Coliseo de Nîmes.
 
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L'affiche de la feria de Nîmes 2013 fêtait les cent cinquante ans de sa prestation qui fut brillante, juste avant qu'un accident de diligence en 1864 ne vienne interrompre son ascension pour trois ans.
 
Le 12 juillet 1867, il fait une prestation lamentable en compagnie d’El Gordito. Il rate l'estocade de son second taureau avec une multitude de pinchazos inefficaces, ce qui provoque un immense scandale.
 
Deux ans plus tard, le 7 juin 1869 le taureau de Vicente Martínez « Peregrino » le blesse grièvement à Madrid. Le matador doit subir l'amputation de la jambe droite.
 
Après onze ans hors du ruedo, il tente de reparaître avec une prothèse.
 
Sans succès.
 
Il meurt à soixante-quatre ans.
 
Patrice Quiot