Son triomphe à la Maestranza devrait être son meilleur argument pour la suite de sa carrière…

Le mardi 3 mai, il avait dû le retourner dans tous les sens dans sa tête, mais même dans le scénario le plus optimiste, comment imaginer, chose très rare en ce lieu un jour de doctorat, une sortie a hombros ?

Pourtant, après avoir damé le pion à Morante et au Cid, c’est bien lui qui triompha après avoir coupé une oreille de chacun de ses adversaires du Pilar. Pour en arriver à un tel résultat, il faut dire qu’Esaú avait mis le paquet, n’hésitant pas à chaque fois d’aller accueillir son toro « a portagayola » et faisant ensuite étalage d’une torería allègre et templée, bien rematée à l’estoc.

Quand on est de Camas, qu’on a passé sa jeunesse à concéder quelques sacrifices pour en arriver là, quand on voit cette Maestranza qui ouvre ses portes pour la consécration, quand on sent le public à ses côtés et que sortent deux toros exploitables, comment ne pas saisir l’aubaine d’un coup de pouce du destin qui peut vous amener plus loin…

C’est ce qu’a fait Esaú Fernández, qui entame maintenant une nouvelle orientation, avec dans la foulée un premier changement de cap, puisque c’est désormais Antonio Corbacho qui sera son apoderado, un de ses anciens mentors, Manuel Espinosa, « El Lolo de Camas », restant toutefois à ses côtés comme homme de confiance…

Rencontré le soir de sa brillante consécration, puis le lendemain au sortir de la corrida, Esaú Fernández est revenu sur cette journée qui comptera plus que toute autre dans sa trajectoire. Le sourire aux lèvres et avec la sensation du devoir accompli, sachant très bien que ça représente le début d’une nouvelle étape et qu’à partir de ce moment, ce qui va compter le plus pour lui, c’est de se faire une place dans la cour des grands…

"Je pense effectivement que j’ai réussi mon alternative. Je l’espérais, j’attendais ce moment dans cette arène qui représente beaucoup pour moi. Je savais que je jouais gros et que de ma prestation allait dépendre pas mal de choses et je me suis donné à fond, malgré une inévitable pression que j’ai essayé d’évacuer au maximum, ce qui n’est pas évident…

Il est clair que je me suis senti soutenu par le public et que même si je restais concentré sur mon sujet, je percevais bien ce « run run » qui descendait des gradins et qui m’a donné la force de m’exprimer du mieux possible. J’ai forcément pensé à beaucoup de choses, surtout à toréer juste, et comme mes deux toros me l’ont permis, j’ai pu afficher le toreo que j’aime réaliser, en templant et donnant la distance.

Les portagayolas ? La première, je l’ai réalisée par instinct, pour afficher d’emblée ma détermination. Ce que je veux maintenant, à partir de cette première corrida, c’est effectivement ouvrir la Porte du Prince car c’est un challenge supplémentaire, surtout pour un Sévillan. Mais c’est aussi toréer le plus possible dans des cartels rematés, ça ne va pas être facile dans la mesure où pas mal d’entre eux sont déjà bouclés. Pour le moment, mon téléphone sonne souvent, on me congratule, je suis invité par les medias, radios, télés, c’est quelque chose de très important pour me faire un nom…

Avec Antonio Corbacho, j’espère faire encore un pas en avant, que les contrats arrivent, notamment par le biais de substitutions, je reste confiant car ma prestation de Séville devrait avoir forcément quelque répercussion.

J’ai déjà toréé plusieurs novilladas en France et j’en garde globalement un bon souvenir, aussi, je serais évidemment très heureux d’être programmé maintenant en tant que matador car chez vous, l’ambiance taurine est importante et vous avez plusieurs arènes de catégorie où j’aimerais bien me produire…"

Pour cette temporada, ce sera déjà le cas à Bayonne le jeudi 4 août où il affrontera les toros du Pilar (l’élevage de son alternative !) en compagnie de Sébastien Castella et Manzanares… D’autres engagements suivront peut-être chez nous, qui sait ?