Jeudi 28 Mars 2024
PATRICE
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Iglesia y toros (2)…
 
Toutefois, devant l’engouement excessif du peuple pour l’art taurin, en 1567, saint Pie V promulguait la bulle « De Salute Gregi Dominici » qui condamnait sans appel les jeux taurins. Il était même question de les abolir et de priver de sépulture chrétienne ceux qui trouveraient la mort dans les combats contre les taureaux.
 
Les termes de la bulle papale étaient extrêmement clairs :
 
« 1-En de nombreuses villes et autres lieux, on ne cesse d’organiser des spectacles privés ou publics consistant en courses de taureaux ou d’autres animaux sauvages, destinés à faire exhibition de force et d’audace, courses qui occasionnent fréquemment des accidents mortels, des mutilations et sont un danger pour les âmes.
 
2- Pour Nous, donc, considérant que ces spectacles où taureaux et bêtes sauvages sont poursuivis au cirque ou sur la place publique sont contraires à la piété et à la charité chrétienne, et désireux d’abolir ces sanglants et honteux spectacles dignes des démons et non des hommes et d’assurer avec l’aide divine, dans la mesure du possible, le salut des âmes, à tous et à chacun des princes chrétiens, revêtus de n’importe quelle dignité, aussi bien ecclésiastiques que profane, même impériale ou royale, quels que soient leurs titres et quelles que soient la communauté ou la république auxquelles ils appartiennent, Nous défendons et interdisons, en vertu de la présente Constitution à jamais valable, sous peine d’excommunication et d’anathème encourus ipso facto, de permettre qu’aient lieu dans leurs provinces, cités, terres, châteaux forts et localités des spectacles de ce genre où l’on donne la chasse à des taureaux et à d’autres bêtes sauvages. Nous interdisons également aux soldats et aux autres personnes de se mesurer, à pied ou à cheval, dans ce genre de spectacle, avec les taureaux et les bêtes sauvages.
 
3- Si quelqu’un vient à y trouver la mort, que la sépulture ecclésiastique lui soit refusée.
 
4- Nous interdisons également sous peine d’excommunication aux clercs, aussi bien réguliers que séculiers, pourvus de bénéfices ecclésiastiques ou engagés dans les Ordres sacrés, d’assister à ces spectacles. » [cf. datos]
 
Philippe II, conscient de la passion de son peuple pour la tauromachie, ne fera ni enregistrer ni publier cette bulle en Espagne, et négociera avec le successeur de saint Pie V, Grégoire XIII, qui décida finalement de lever l’interdiction pour les laïcs, bien qu’en 1583, Sixte V rétablira les sanctions, que lèvera de nouveau définitivement le pape Clément VII en 1596.
 
Ainsi en Espagne, comme en France, la religion catholique et la tauromachie, même si en 1489 Tomás de Torquemada avait condamné la corrida comme « spectacle immoral et barbare, inique et cruel », opéraient une rencontre originale, qui allait faire que l’art taurin et les pratiques de l’Eglise deviendraient indissociables.
 
Si la corrida a été un temps interdite par les autorités libérales en Espagne à la fin du XVIIIe siècle, elle a été de nouveau autorisée par Ferdinand VII (1813-1833) dès 1814, l’inscrivant dans sa politique de réaction conservatrice aux idées des Lumières et de la Révolution française, qui rétablie également la Sainte Inquisition, rappelle les Jésuites et supprime la franc-maçonnerie.
 
Ferdinand VII, roi très catholique, créera même en 1830 une école de tauromachie, dont il confiera la charge à Pedro Romero, instituant une véritable culture tauromachique, indissociablement unie, protégée et bénie par l’Eglise. On vit donc s’adjoindre de façon permanente aux arènes, des chapelles, où des messes étaient célébrées avant les corridas, les toreros revêtus de leur habit de lumière, effectuant leurs dévotions, priant leurs saints tutélaires, et faisant plusieurs fois sur eux le signe de la Croix avant de pénétrer dans l’amphithéâtre, alors même que des prêtres étaient affectés aux lieux de cultes construits à l’intérieur des arènes.
 
Alors qu’il n’y a pas à présent en Espagne, une procession de reliques ou une fête religieuse qui ne soit suivie ou précédée de corridas, qu’il existe des Confréries religieuses de toreros qui portent pendant la Semaine Sainte la Vierge de la Solitude, de la Merci, de la Rosée ou des Douleurs, qu’un élevage très réputé de taureaux, près de Salamanque, a été créé par le curé de Valverde et que dans la plupart des plazas, qui possèdent une chapelle attenante.
 
« Loin d’être empreint de cruauté, le geste de toréer, d’oser affronter un taureau et un public, en vérité, me semble une expression symbolique très belle de cette foi dangereuse qu’il faut pour vivre en homme et qui n’est d’abord religieuse, même si elle peut l’être aussi. »
(Père Jacques Teissier, aumônier aux arènes de Nîmes)
 
« La corrida est un combat de l’homme face à la bête et à sa bestialité. Il doit tuer le péché et l’animalité qui est en lui pour en faire ressurgir l’humanité. »  
(Père Dominicain Pierre-Etienne Veiller « Le Midi Libre », juin 2003.)
 
« Je crois à la vertu purificatrice de la corrida. Je crois à cette fonction que les Grecs appelaient la catharsis, qui nous lave de nos pulsions, de nos violences intérieures. »
(Mgr Bruguès, Secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique).
 
Sources : « La corrida d'un point de vue catholique » – «Semper Fidelis» /21/12/2012. 
 
bez24h
 
Datos 
 
La bulle « De Salute Gregi Dominici » se poursuit ainsi :
 
« 5- Quant aux obligations, serments et vœux, sans exception, faits jusqu’à présent ou promis pour l’avenir par n’importe quelles personnes, par l’Université ou le Collège, concernant ces sortes de chasse de taureaux, même lorsqu’elles ont lieu, par suite d’une fausse piété, en l’honneur des saints ou à l’occasion d’une solennité ou fête ecclésiastique quelconque, qu’il faut au contraire honorer et célébrer par des louanges, des réjouissances spirituelles et des œuvres pies et non par ce genre de spectacles, Nous les interdisons absolument, les cassons et les annulons et, suivant les cas, jugeons et proclamons à jamais qu’on doit les considérer comme sans effet et non avenus.
 
6- Nous ordonnons à tous les princes, comtes et barons feudataires de la Sainte Eglise Romaine, sous peine de la privation de leurs fiefs qu’ils ont reçus de l’Eglise elle-même, et Nous exhortons dans le Seigneur les autres princes et seigneurs chrétiens et leur ordonnons en vertu de la sainte obéissance par respect et pour l’honneur du saint Nom de Dieu, d’observer strictement toutes les choses prescrites ci-dessus, en leur promettant une magnifique récompense de Dieu en retour d’une si bonne œuvre.
 
7- Nous ordonnons, en outre, à tous nos vénérables frères, patriarches, primats, archevêques et évêques, et aux autres ordinaires des lieux, en vertu de la sainte obéissance, sous peine de jugement divin et de la condamnation à l’éternelle malédiction, de publier suffisamment dans leurs villes et diocèses respectifs la présente lettre et de faire observer lesdites prescriptions également sous les peines et censures ecclésiastiques. »
 
Patrice Quiot
 
(Photos : Intérieur de la capilla de la plaza de toros de Béziers. Celle de la première partie correspondait aux arènes du Plumaçon, à Mont de Marsan)