Vendredi 29 Mars 2024
PATRICE
Dimanche, 25 Décembre 2022
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Bisbille torera XIXème…
 
A l’époque de la Monarchie de Juillet quand Hugo avait une quarantaine d’années, à l’époque où Théophile Gautier publiait son «Voyage en Espagne», une bisbille torera survint entre Francisco Montes Reina «El Paquiro» et José Redondo Rodríguez  «El Chiclanero».
 
 
 
La raison en était une phrase d’un ami du premier de nos compères qui avait déclaré que le «Chiclanero» n'était pas à même de soutenir la comparaison avec le «Paquiro» ne serait-ce qu’un seul après-midi. 
 
La chose n'avait bien évidemment pas plu à José Redondo Rodríguez.
 
 
 
Aussi, lorsque les deux matadores se trouvèrent par hasard au «Montañeses» de la Calle del Príncipe, le soir précédant une corrida où ils étaient tous les deux à l’affiche, s'adressant à Montes d'un ton respectueux, José lui dit :
 
« Señor Francisco, me han dicho que osté no habla bien de mí cuando estoy ausente, y que se llena er cuerpo de decir que es osté mas torero y más mataor que yo, y eso, con su permiso, está por ver. »
 
(« Monsieur Francisco, on m'a dit que vous ne parlez pas bien de moi quand je ne suis pas là et que vous vous gargarisez en prétendant que vous seriez plus torero et matador que moi, ce qui, avec votre permission, reste à démontrer. »)
 
 
 
 « Ecoute, niño, répondit Montes, si ce n’était que je t’ai presque vu naître et que j'aime tes parents comme j'aime les miens, tu sortirais d’ici par les vitres. 
 
Ai-je une réputation de bavard ? Je n'ai rien dit de tel ; mais si on te l'a dit, je te le prouverai quand tu voudras. 
 
El lunes proximo toreamos juntos, no ? 
 
Entonces, atate bien los cordones, porque aunque más viejo que tú, voy a por ti. »
 
 
 
« Por mí -contestó  «Chiclanero» - aceptado ; pero no se olvide usted tampoco de ponérselos apretados. »
 
(« D’accord - répondit le Chiclanero - mais n'oubliez pas vous aussi de les nouer serrés. ») 
 
 
 
Puis se tournant vers les amis du «Paquirro», il ajouta : «Bonsoir, messieurs». 
 
 
 
Montes, voyant que le Chiclanero» allait quitter le lieu, le rappela : 
 
« Oye, José, no te aceleres ; dame la mano y vaya esta copa por tu éxito del lunes. »
 
(« Écoute, José, ne pars pas aussi vite ; serre-moi plutôt la main et bois un verre à la perspective de ton triomphe de lundi prochain. »)
 
 
 
« Venga, señor Francisco, y vaya ésta por el de osté. »
 
(Bien sûr, señor Francisco, mais buvons plutôt ce verre au triomphe qui sera le vôre. ») répondit le Chiclanero.
 
 
 
Ils burent la copita et se serrèrent la main.
 
 
 
Le «Chiclanero» s’en fut et Montes resta avec ses amis leur demandant de ne pas ébruiter l'affaire. 
 
 
 
Le lundi de la course arriva. 
 
Six toros de D. Agustín Salido.
 
Grands et pesant chacun plus de trente arrobas.
 
 
 
« Habían sido muertos los cinco primeros de una estocada recibiendo cada uno, con entusiasmo creciente del público.
 
 
 
Et le «Chiclanero» s'apprêtait à tuer le dernier d’un boulet de canon.
 
Quand Montes, «sintiendo que aquel toro no muriese también recibido, como lo habían sido los anteriores,» dit à haute voix à Redondo : 
 
«José, este recíbelo ! »
 
 
 
José regarda Montes et lui répondit :
 
«Va pour usted
 
 
 
Alors il modifia le terrain, avança le bras gauche, cita et laissant le toro venir, le tua d'une estocade de puta madre.
 
Le toro tomba mort aux pieds de Montes. 
 
 
 
«Paquiro» ne put contenir son émotion et serrant le «Chiclanero» dans ses bras, lui dit : 
 
«José, somos los dos mejores»
 
Ce à quoi le «Chiclanero» répondit :
 
«Es verdad ». 
 
 Datos 
 
Francisco Montes Reina « Paquiro », né à Chiclana de la Frontera (province de Cadix) le 13 janvier 1805, mort à Chiclana de la Frontera le 4 avril 1851.
 
Disciple de Pedro Romero à l'École de tauromachie de Séville, «Paquiro» fut un grand innovateur de la corrida, notamment dans le maniement du capote.
 
Il prend l'alternative à Madrid le 18 avril 1831, avec comme parrain Juan Jiménez « Morenillo ».
 
À partir de 1840, il entre en rivalité avec « Cúchares », l'un des plus grands matadores de cette époque.
 
Il contribua à une importante rénovation de la corrida, lui appliquant un sentiment artistique et créateur, définissant clairement le but de chacun des intervenants.  Il fut l'inspirateur du traité de tauromachie qui porte son nom, rédigé par le chroniqueur taurin Santos López Pelegrín, ainsi que des dispositions du premier «Reglamento oficial» dont les rédacteurs reprirent ses propres suggestions. 
 
 Il fut le premier à employer le terme « frente por detras » pour désigner une passe de cape que Pepe Hillo avait décrite sous le nom d'aragonesa.
 
Il modifia aussi l'habit de lumières et imposa l'usage d'une nouvelle coiffe, depuis appelée en son honneur « montera. »
 
Il reçut de multiples cornadas qui, ajoutées à son penchant immodéré pour la boisson, diminuèrent progressivement ses facultés. Il se retira en 1847, puis redescendit dans l'arène en 1850 afin de refaire une fortune largement entamée par de mauvaises affaires dans le négoce du vin.
 
Mais le «Paquiro» de cette époque n’était plus celui des premières années.
 
 
 
José Redondo Rodríguez « El Chiclanero », né à Chiclana de la Frontera (province de Cadix) le 13 mars 1818, mort le 28 mars 1853 à Madrid.
 
Fils d'un ouvrier agricole très pauvre, il voit dans le toreo un moyen de sortir de sa condition. Il est remarqué au cours d'une novillada par « Paquiro » qui l'engage dans sa cuadrilla où il restera pendant quatre ans banderillero.
 
Il considère « Paquiro » comme son maître.
 
C'est «Paquiro» qui lui donne l’alternative à Bilbao le 26 août 1842, puis la confirmation d'alternative à Madrid le 19 septembre 1842.
 
Le succès d'«El Chiclanero» est immédiat.
 
Il est éblouissant à l'estocade qu'il exécute a recibir, « attendant le taureau avec une inimitable majesté. »
 
On lit dans le “Cossío”: « Il a mis en pratique tout ce que son maître [Montes] lui a appris de l’école de Chiclana, et complète la tauromachie, en la raffinant encore plus et en la rendant plus spectaculaire »
 
Très orgueilleux, refusant de toréer les taureaux qu'il juge trop petits, il lui arriva d'en tuer deux au cours de la même faena.
 
L'exploit eut lieu au Puerto de Santa María où, pendant qu'il combattait, un autre taureau brisa la porte d'un chiquero et se présenta dans le ruedo.
 
Avec calme et après avoir donné deux passes à l'animal, «El Chiclanero» le tua et retourna terminer son combat avec l'autre toro.
 
Patrice Quiot