Jeudi 28 Mars 2024
PATRICE
Mardi, 27 Décembre 2022
guernica27ph
 
Guernica…
 
Le 26 avril 1937, la petite ville basque de Guernica est attaquée par les aviations nazie et fasciste, alliées des franquistes. Causant des centaines de morts, c’est le premier bombardement civil de masse de l’histoire et un terrain d’essai pour Hitler qui se prépare à la guerre.
 
A Paris, dès le 28 avril, des photographies et témoignages sont publiés dans la presse. La réaction de Pablo Picasso est presque immédiate ; dès le 1er mai, il réalise une première esquisse, suivie de quarante et une autres, qui s’attaquent à la représentation de cet événement. La toile, d’un format monumental, est exécutée en un temps record, entre le 10 mai et le 4 juin.
 
Les dessins préparatoires constituent autant de scènes indépendantes qui viendront nourrir l’œuvre finale. Les différents personnages de « Guernica » sont présents : le taureau, le cheval, le soldat mort…
 
L’ampoule : Picasso n’illustre pas le bombardement de manière réaliste. On ne trouve aucune bombe représentée. A la place, il peint une ampoule entourée d’un halo lumineux aux éclats piquants, qui symbolisent les flammes déchirant le ciel pendant le bombardement.
 
Le cheval : Un cheval, juste sous l’ampoule, attire le regard. L’animal est éventré, transpercé par une flèche, dans un hennissement de douleur. Il symbolise la souffrance infligée au peuple espagnol par les dictateurs et par les bombardiers allemands. Picasso inclut même une tête de mort subliminale formée par les naseaux et les dents du cheval.
 
Le taureau : Le taureau aux yeux d’hommes évoque le combat entre l’humain et le bestial. Sans doute faut-il voir dans cet animal l’incarnation de l’Espagne nationaliste ou des régimes totalitaires.
 
La colombe : Elle est à peine visible, comme si elle avait été gommée de l’œuvre. Cet effacement est symbolique : à Guernica, pendant les bombardements, la paix a disparu face à la guerre.
 
La fleur, en bas au centre, symbolise la fragilité, la vie et l'espérance.
 
Le tableau représente aussi différents personnages :
 
Le fantôme tient dans sa main une bougie. Il montre l'indignation de la communauté internationale qui veut faire la lumière sur ce qui vient de se passer.
 
La mère à gauche a le sein dénudé et tient un enfant mort dans ses bras ; ses yeux ont la forme de larmes ce qui accentue le désespoir. Cette représentation est proche de certains portraits de Dora Maar que le peintre surnommait « la femme qui pleure ». Une autre femme est présente à droite du tableau, les bras levés et les lèvres figées dans un cri. Elle est dévorée par des flammes, symbolisées par une crête de triangles : une allusion aux bombes incendiaires
 
 
 Le soldat est le seul homme de la toile et gît démembré. Près de sa tête, il tient son épée brisée, qui symbolise peut-être la résistance héroïque, mais impuissante face à l’horreur. Une fleur fantomatique pousse près de la main du guerrier, symbole d’espoir dans ce tableau, au même titre que la bougie. Il montre la détermination, la valeur, la lutte jusqu'à la mort. Il symbolise l'impossibilité de continuer la lutte, l'inégalité des armes, il est les Républicains.
 
« Oui, le taureau représente la brutalité, ce cheval est le peuple. […] Non, le taureau n’est pas le fascisme, mais la brutalité et l’obscurité. »
(Pablo Picasso, 1945).
 
« Ce taureau est un taureau. Ce cheval est un cheval. […] Il faut que le public, les spectateurs voient dans le cheval, dans le taureau, des symboles qu’ils interprètent comme ils l’entendent. Il y a des animaux massacrés. C’est tout pour moi, au public de voir ce qu’il voit. »
(Pablo Picasso, 1947).
 
 La guerre d’Espagne s’achève le 1er avril 1939 sur une victoire du camp franquiste. Des centaines de milliers d’Espagnols républicains passent les Pyrénées pour se réfugier en France : c’est la Retirada.
 
Outil de propagande servant à lever des fonds pour les républicains espagnols, l’œuvre est exposée en Angleterre puis aux États-Unis. En 1939, le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale conduit Pablo Picasso à la laisser en dépôt avec ses esquisses au Museum of Modern Art de New York (MoMA).
 
« Guernica » est alors montrée dans plusieurs villes des États-Unis comme une icône de l’art moderne.
 
Au sortir de la guerre, Picasso adhère au Parti communiste français. Il fait désormais figure d’artiste engagé pacifiste. Érigé en symbole universel de lutte contre la barbarie, le tableau intègre alors les rétrospectives consacrées à Picasso en Europe dans les années 1950.
 
Au fil de ses expositions et reproductions, « Guernica » a acquis un double statut. Elle est à la fois une icône de l’histoire de l’art et un symbole de paix et de lutte contre les barbaries. Elle manifeste l’engagement, tant artistique que politique. Chef-d’œuvre de l’art du XXe siècle, elle sert d’exemple et de contre-exemple pour les artistes qui tentent de se mesurer à son inventivité plastique. Artistes politisés, mais aussi manifestants et activistes, convoquent régulièrement « Guernica » pour dénoncer les conflits contemporains. Ils semblent ainsi reprendre à leur compte le mot de Picasso :
 
« Non, la peinture n’est pas faite pour décorer les appartements. C’est un instrument de guerre offensive et défensive contre l’ennemi. »
 
En cette année 1937… 
 
En France :
 
13 février : Confronté à de graves problèmes économiques, Léon Blum annonce à la radio une « pause dans les réformes ».
 
11 mars : Création en France du Parti du peuple algérien par Messali Hadj.
 
22 mars : Normandie reconquiert le Ruban bleu en battant le record détenu par Queen Mary, établissant la traversée de l'Atlantique la plus rapide à 4 jours, 6 minutes et 23 secondes pour une moyenne de 30,99 nœuds.
 
24 avril : Un enfant de huit ans Paul Gignoux est lynché par une douzaine d'enfants à La Croix-Rousse à Lyon.
 
30 avril : Ignace, film français réalisé par Pierre Colombier, avec Fernandel, sort en salle.
 
15 mai : Le ministre de l'Éducation nationale Jean Zay prend une circulaire interdisant le prosélytisme religieux au sein des établissements scolaires.
 
12 juin : La Grande Illusion, film français de Jean Renoir, avec Jean Gabin et Pierre Fresnay sort au cinéma Le Marivaux à Paris.
 
12 juillet : Exposition du tableau Guernica de Picasso au pavillon espagnol de l’Exposition Universelle.
 
1er août : Dans le sens est-ouest, Normandie enregistre un nouveau record de la traversé Atlantique, en 3 jours, 23 heures et 2 minutes à la moyenne de 30,58 nœuds.
 
8 août : Dans le sens ouest-est, Normandie atteint le record historique de la traversé Atlantique en 3 jours, 22 heures et 7 minutes à la moyenne de 31,2 nœuds.
 
11 septembre : Double attentat à la bombe de la Cagoule contre les locaux de la Confédération générale du patronat français et de l'Union des industries et métiers de la métallurgie à Paris ; deux policiers sont tués.
 
15 - 16 novembre : Echec d'un coup d’État contre le gouvernement envisagé par l'Organisation secrète d'action révolutionnaire nationale (« La Cagoule »). Le ministre de l'Intérieur Marx Dormoy fait démanteler l'organisation le 23 novembre.
 
25 - 29 décembre : IXe congrès du Parti communiste français à Arles.
 
28 décembre : Mort de Maurice Ravel, compositeur français, à Paris.
 
Dans le monde des toros :
 
Le 1er janvier, sur le front de Somosierra, meurt le torero navarrais Saturio Torón, ancien phalangiste devenu capitaine républicain.
 
Meurt aussi Hidalgo Rondón «Delgallo», matador de toros péruvien « natural de Lima, nacido el 25 de agosto de 1896, y que falleció en su ciudad natal el 30 de diciembre de 1937, a consecuencia de una cornada recibida en la Plaza de Acho el 12 de diciembre de 1937, tarde en la que alternó con el diestro español Jaime Noaín. »
 
Et avec 35 corridas de toros, Domingo Ortega est premier de l’escalafón.
 
Datos 
 
Guernica est une peinture d'une taille monumentale (349,3 × 776,6 cm).
 
C'est une peinture d'histoire, exécutée en noir et blanc, avec un camaïeu de nuances de gris.
 
Selon le musée Reina Sofía de Madrid, où le tableau est actuellement conservé, il a été réalisé avec de la peinture à l'huile, mais plusieurs historiens de l'art précisent au contraire que Picasso a utilisé de la peinture industrielle vinylique mate de marque Ripolin dont il s'était déclaré totalement satisfait, alors que ce n'était pas un type de peinture utilisé habituellement pour la peinture d'art, mais pour la peinture en bâtiment, et que Jaume Vidal, employé de l'entreprise Castellucho, qui a fourni à Picasso la peinture ainsi que la toile de lin et le châssis, lui avait conseillé d'utiliser une peinture de meilleure qualité car celle-ci allait se craqueler sur le lin, ce qui s'est effectivement produit dès la fin de l'Exposition internationale
 
Selon ces sources, il aurait recherché une peinture qui ne brille pas, peut-être pour s'approcher de l'aspect des maisons détruites…
 
Patrice Quiot