Jeudi 28 Mars 2024
PATRICE
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Eluard : L’oreille du taureau…
 
Le taureau s’inscrit comme une figure de force parmi tous les motifs hispaniques présents dans l’œuvre d’Eluard, en particulier celui des artistes espagnols, figures des XIXº et XXº siècles : Goya, Miró, Dalí et surtout Picasso.
 
Ce taureau espagnol réincarne le Minotaure mythique réactivé par l’œuvre de Picasso.
 
Le monstre devint l’icône de la revue «Minotaure» et figura en couverture dès le premier numéro.
 
La tauromachie demeure, sous l’influence de la peinture de son ami Picasso, le thème récurrent corollaire de la figure du Minotaure au fil de toute la poétique d’Eluard d’inspiration espagnole, entre autres, dans le poème « L’oreille du taureau ».
 
Eluard avait pris parti en faveur de la république espagnole, s’employant à dénoncer par la parole et par l’écriture la guerre civile.
 
C’est dans ce cadre qu’il faut interpréter le poème « L’oreille du taureau ».
 
L’Oreille du taureau.
 
« L’oreille du taureau à la fenêtre
 
Et la lumière d’aujourd’hui le prisme de la force
 
Sur la paille du vaincu sur l’or du pauvre
 
Sur la table au niveau du vin dans la bouteille
 
L’œil qui saisit la bouche et l’embrasse
 
Et regarde il fait beau
 
Et regarde au sillon du laboureur sanglant
 
Le taureau le beau taureau lourd de désastre
 
Et regarde il fait beau
 
Sous le ciel de la bouche ouverte à l’amour
 
Un nuage lourd qui soutient le soleil
 
Le sang du laboureur le pain des noces
 
Le drapeau du taureau
 
Que le vent tend comme une épée. »
 
Paul ÉLUARD - Recueil : "Poésie et vérité" (1942)
 
A Pablo Picasso. 
 
« Un bol d’air bouclier de lumière
 
Derrière ton regard aux trois épées croisées
 
Tes cheveux nattent le vent rebelle
 
Sous ton teint renversé la coupole et la hache de ton front
 
Délivrent la bouche tendue à nu
 
Ton nez est rond et calme
 
Les sourcils sont légers l’oreille est transparente
 
À ta vue je sais que rien n’est perdu.
 
Tu tiens la flamme entre tes doigts
 
Et tu peins comme un incendie. »
 
Paul ÉLUARD. 1936
 
Datos 
 
Paul Éluard, nom de plume d'Eugène Grindel, né à Saint-Denis (en Seine-Saint-Denis) le 14 décembre 1895 et mort à Charenton-le-Pont le 18 novembre 1952 (à 56 ans), est un poète français.
 
En 1916, il choisit le nom de Paul Éluard, nom emprunté à sa grand-mère maternelle, Félicie.
 
Il adhère au dadaïsme et devient l'un des piliers du surréalisme en ouvrant la voie à une action artistique politiquement engagée auprès du Parti communiste.
 
Le 25 février 1952, il représente « le peuple français » à Moscou pour célébrer le cent cinquantième anniversaire de la naissance de Victor Hugo.
 
Le 18 novembre à neuf heures du matin, Paul Éluard succombe à une crise cardiaque à son domicile, 52 avenue de Gravelle à Charenton-le-Pont.
 
Les obsèques ont lieu le 22 novembre au cimetière du Père-Lachaise où il est inhumé.
 
« Ce jour-là, le monde entier était en deuil. » dira Aragon.
 
Le gouvernement refuse les funérailles nationales.
 
Paul Éluard et Pablo Picasso font connaissance en 1916. Parmi les surréalistes, Éluard est un des plus attentifs à la peinture. Encore dadaïste, il achète des œuvres du peintre espagnol dès 1921 lors des ventes Kahnweiler.
 
Éluard et Picasso deviennent vraiment très proches à la fin de 1935. Fin 1935 – début 1936, Éluard présente au peintre espagnol à Saint-Germain-des-Prés la photographe Dora Maar qui sera la compagne du peintre de 1936 à 1945.
 
Les deux artistes parcourent ensemble la période de la Guerre d’Espagne, de l’Occupation, de la Libération, mais aussi l’engagement dans le Parti Communiste Français (Éluard adhère au début de 1942 et Picasso le 4 octobre 1944) et le Mouvement pour la Paix.
 
Leurs créations se font écho : ainsi les poèmes Novembre 1936, publié dans L’Humanité, ou La Victoire de Guernica et les gravures de Picasso, Sueño y mentira de Franco (8 janvier 1937) ou Guernica.
 
Ils réalisent et publient ensemble des livres illustrés. Chacun inspire l’autre, et aux portraits du poète par Picasso répondent les poèmes d’Éluard consacrés au peintre.
 
Paul Éluard est le témoin de la rupture de Picasso et de Dora Maar, mais il continue de rendre visite à la photographe qu’il apprécie beaucoup.
 
Pablo Picasso et Françoise Gilot sont les témoins du mariage d’Éluard avec Odette, dite Dominique Lemort, le 15 juin 1951 à Saint-Tropez.
 
Éluard meurt le 18 novembre 1952 à 56 ans.
 
Picasso veille le corps d’Éluard et dessine une colombe avec l’inscription :
 
« Pour mon cher Paul Éluard. »
 
Patrice Quiot