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Mercredi, 25 Janvier 2023
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Train, toros y pesetas : Don Luis…
 
Luis Mazzantini y Eguía, est né à Elgoibar (Guipuscoa, Espagne) le 10 octobre 1856 d'un père italien, José Mazzantini, employé à la construction des chemins de fer et d'une mère espagnole, Bonifacia Eguía.
 
Il reçoit une éducation bourgeoise dans une école religieuse où il obtient le baccalauréat en 1875 et suit son père dans ses nombreux déplacements professionnels de Bilbao à Marseille, Naples ou Rome.
 
En 1870, quand Luis Mazzantini revient d’Italie, il fait partie de la suite d’Amédée de Savoie. Il est d'abord secrétaire particulier du Signor Marchino, chef des écuries royales, avant d’entamer une carrière dans les chemins de fer de l’Estrémadure où on lui confie la responsabilité de la gare de Santa Olalla, près de Tolède.
 
Ses revenus médiocres de télégraphiste et de chef de gare et son envie de réussir le poussent d'abord vers le théâtre où il échoue, puis vers la tauromachie.
 
On lui prête cette boutade : « Dans ce pays de prosaïques pois chiches, on ne peut être que deux choses : ténor d'opéra ou matador de toros ! »
 
Il commence sa carrière en tant que novillero et se présente notamment à Béziers les 9 et 14 juillet 1882 dans des capeas espagnoles sans mise à mort.
 
Il marque le public par sa forte personnalité, son allure dans et hors du ruedo.
 
Adepte de la franc-maçonnerie, il est reçu durant son séjour dans une des Loges de Béziers. 
 
Il torée dans un style qui lui vaut le surnom de « señorito loco ».
 
Avec une audace et un courage exceptionnels, il finit par s’imposer.
 
Il prend l'alternative à vingt-huit ans, le 13 avril 1884, à Séville. Son parrain est Frascuelo, le toro « Costurero » de la ganadería d’Adalid.
 
L'alternative lui est confirmée par Lagartijo le 29 mai 1884 à Madrid  avec le taureau « Morito», de Murube.
 
Il torée en Espagne et en France.
 
Il actua également plusieurs fois dans la Gran Plaza de La Havane pendant la temporada 1886-1887.
 
Mazzantini a beaucoup marqué les Cubains au point d’être à l’origine du dicton « Eso no lo logra, ni Mazzantini » pour qualifier un fait, un acte impossible à réaliser, même pour Mazzantini.
 
Le séjour de Mazzantini à Cuba fut aussi marqué par des interventions en faveur d’œuvres bénéfiques, notamment pour le collège de jeunes filles pauvres de Jesús del Monte, certainement dans le cadre des fraternités maçonniques cubaines très actives dans ce secteur depuis 1880.
 
Mazzantini devait terminer son séjour à La Havane par un évènement médiatique : son amitié amoureuse publique avec la diva française Sarah Bernhardt en tournée à Cuba pour jouer les grandes pièces de son répertoire : l’Étrangère, la Dame aux Camélias, le Sphinx…
 
A son retour, Luis Mazzantini qui continua sa carrière dans les plus grandes arènes espagnoles, se fit remarquer en faisant - avec Reverte et Guerrita - imposer le sorteo des toros avant la corrida, alors que l’ordre de sortie des toros était jusque-là décidé par le ganadero.
 
Il vint à Nîmes en 1898 : « La première course d’abonnement aux arènes qui a eu lieu hier avait réuni, malgré les élections, environ douze milles personnes, dont beaucoup d’étrangers. Six toros de la ganadería d’Orosco de Séville ont été estoqués par Mazzantini et Reverte. Mazzantini s’est défait de ses trois adversaires par deux estocades au premier et une estocade à chacun des deux autres ; une oreille lui a été accordée. Reverte a donné un coup d’épée à son premier, trois à son second et un à son troisième ; les banderilleros et les picadors ont fourni un travail intéressant, facilité du reste par le bétail en général bon. Au total, course satisfaisante. » (Le Petit Midi, Nîmes, 10 mai 1898).
 
Il toréa à nouveau à Béziers en 1899 face aux Miura et obtint un succès triomphal lors de l'inauguration des arènes de la rue Pergolèse à Paris, le 10 août 1889.
 
Il fut également présent dans les arènes du Nord de la France, notamment dans les Arènes de Roubaix, le 18 juin 1899.
 
Torero dandy, il devient rapidement populaire, et il se fait remarquer par sa recherche vestimentaire à la ville, ce qui est plutôt inhabituel chez les toreros qui, selon Élisabeth Hardouin-Fugier sont «… souvent dépensiers, libertins, viveurs, fréquentant les tavernes, les filles de joie et quelquefois les brigands. Le recrutement s’effectuait auprès de la petite bourgeoisie (Paquiro (Francisco Montes), Mazzantini, Pepete), des militaires : « El Salamanquíno » (Julián Casas del Guijo) ou de l'aristocratie comme Don Rafael Pérez de Guzmán, imposant peu à peu un changement de conduite dans ce milieu. 
 
Mazzantini, torero cultivé, était reçu dans le Tout-Madrid. Il avait gagné beaucoup d’argent dans le ruedo, ce qui lui permettait de vivre sur un grand pied : il allait à l’opéra en habit à une époque où les toreros portaient toujours une veste courte et il savait soigner sa popularité par ses relations.
 
Il se retira en 1904, après quelques courses d'adieu en Espagne, en France et en Amérique du Sud.
 
Il devint ensuite conseiller municipal et député provincial de Madrid, gouverneur civil de Guadalajara et d’Ávila, puis commissaire de police jusqu’à l’arrivée au pouvoir du général Primo de Rivera en 1923.
 
Il meurt à Madrid le 24 avril 1926.
 
Il avait participé à 1022 corridas.
 
Et tué 2706 toros…
 
 
Patrice Quiot