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Samedi, 18 Février 2023
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Communiqué de L’Observatoire National des Cultures Taurines à propos de Pérols…
 
La tradition locale ininterrompue au regard de la jurisprudence
 
Une tradition locale “est une tradition qui existe dans un ensemble démographique déterminé par une culture commune, les mêmes habitudes, les mêmes aspirations et affinités, une même façon de ressentir les choses et de s’enthousiasmer pour elles, le même système des représentations collectives, les mêmes mentalités” (Cour d’Appel de Bordeaux, 11 juillet 1989).
 
S’agissant de la tradition taurine, « l’ensemble des tribunaux, tous degrés de juridictions confondus, entendent le terme de « locale » de manière élargie à une zone géographique et humaine et non au sens restreint de ville, commune ou localité » (TGI Tarascon 5 juin 1990).
 
Cette jurisprudence dominante dans les Cours du midi fut consacrée par la Chambre criminelle de la Cour de Cassation qui, dans son arrêt du 27 mai 1972, a estimé « que l’expression locale a le sens d’ensemble démographique » et que « dès lors que la Cour d’Appel (Nîmes 12 mars 1971) relevait que le Grau-du-Roi appartenait géographiquement à une région de tradition taurine, elle ne pouvait légalement en déduire que cette localité ne pouvait se prévaloir d’une tradition locale ininterrompue ».
 
Dans sa décision, le TGI de Tarascon relève « qu’il ne semble pas que la tradition susvisée puisse être circonscrite au territoire d’une petite commune, car elle suppose l’existence d’une société assez nombreuse participant à son émergence et à sa transmission ; par suite que si l’adjectif local qui désigne une portion déterminée de l’espace est le substantif « lieu » susceptibles d’acceptations restreintes ou étendues, ce sont ces dernières qui doivent être prises en considération dès lors qu’il s’agit de qualifier une tradition ou une coutume ».
 
L’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence du 9 mars 1993 confirma cette interprétation et celui de la Cour de Cassation du 8 juin 1994, après avoir relevé qu’aucune corrida avec mise à mort de taureau n’avait eu lieu dans la ville de Tarascon depuis 1954, énonce que Tarascon se trouve dans un ensemble démographique où existe une tradition taurine très ancienne, appréciant ainsi « sans insuffisance ni contradiction l’existence d’une tradition locale ininterrompue ».
 
La Cour d'appel de Toulouse (3 avril 2000) a également donné de la notion « locale ininterrompue » une interprétation extensive : « il ne saurait être contesté que dans le midi de la France entre le pays d’Arles et le Pays Basque, entre garrigue et Méditerranée, entre Pyrénées et Garonne, en Provence, Languedoc, Landes et Pays Basque existe une forte tradition taurine qui se manifeste par l’organisation de spectacles complets de corridas de manière régulière dans les grandes places bénéficiant de structures adaptées permanentes et de manières plus épisodiques dans les petites places à l’occasion notamment de fêtes locales ou votives »…
 
Le cas de la ville de Pérols doit donc être regardé comme un exemple de ces "petites places" qui organisent des spectacles taurins "de manière plus épisodique", ce qui n'est pas un obstacle à la reconnaissance de leur tradition, d'autant que la jurisprudence entend par "local" un bassin de tradition correspondant à « un ensemble démographique » plus vaste (Cour de Cassation, 27 mai 1972).
 
En l'espèce, Pérols est bien située dans un tel bassin.
 
De manière générale, les juridictions du premier degré n’hésitent pas à voir partout des traditions locales anciennes, même dans les localités qui organisent des spectacles taurins pour la première fois, du moment qu’elles dépendent d’une région qui en revendique la perpétration (civ. 2ème, 22 novembre 2001, JCP 2002, II, 10073, note Daverat ; CA Toulouse 3 avril 2000, JCP 2000, II, 10390, note Deumier).
 
La Cour de Cassation s'est prononcée dans ce sens le 16 septembre 1997 en statuant sur les pourvois formes par la SPA et la fondation Brigitte Bardot contre ́ un arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux du 27 mars 1996 ayant confirmé́ un jugement de relaxe du tribunal correctionnel à l'égard du maire de Floirac (commune de la banlieue bordelaise), élu poursuivi pour actes de cruauté́ et sévices graves sur des animaux, à la suite de l'organisation le 16 mai 1993 d'une corrida aux arènes de Floirac.
 
En l’espèce, les dernières arènes de Bordeaux avaient brûlé en 1961 et les arènes de Floirac ouvrirent en 1987, après que 26 ans furent passés sans organisation de corridas dans l’agglomération bordelaise.
 
La cour d'appel avait considéré́ que « l'on ne saurait dénier à la commune de Floirac son appartenance à l'ensemble démographique dont Bordeaux est la capitale, où se retrouvent la permanence et la persistance d'une tradition tauromachique dont l'existence est signalée sans conteste dès le XVIIIe siècle et qui a donné́ lieu à l'organisation des premières corridas avec mise à mort dès le milieu du XIXe ; que l'effondrement en 1961 des précédentes arènes construites au Bouscat, autre proche banlieue bordelaise, a de fait matériellement longtemps interdit que ne soient organisées de nouvelles corridas ; que pour autant la tradition dont ces spectacles sont l'ultime manifestation n'est point localement tombée en désuétude ; que tout au plus cet évènement fortuit a incité les autochtones, amateurs de tauromachies, à fréquenter nombreux les arènes voisines girondines ou landaises, manifestant ainsi la vitalité́ de leurs habitudes et de leurs affinités partagées, partie intégrante d'une forme de culture, dont notamment la presse locale, par ses fréquents articles spécialisés, n'a cessé́ de se faire l'écho ».
 
Dans la même logique, la Cour d’appel de Toulouse (20 janvier 2003), a considéré que la destruction d'arènes ne saurait induire la disparition d'une tradition « qui se manifeste aussi par la vie de clubs taurins locaux, l'organisation de manifestations artistiques et culturelles autour de la corrida et le déplacement organisé ou non des aficionados locaux vers les places actives voisines ou plus éloignées ».
 
La Cour de Cassation (7 février 2006) confirma cette analyse et motiva sa décision en précisant que la Cour d’Appel de Toulouse avait « souverainement constaté l'ancienneté de l'existence de celle-ci (tradition), puis déduit sa persistance de l'intérêt que lui portait un nombre suffisant de personnes ».
 
Dernièrement, confirmant ainsi la jurisprudence des deux chambres sur cette question, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a débouté la SPA dans sa procédure contre la ville de Bayonne en constatant dans son arrêt du 6 décembre 2022 que « pour être cause d'impunité, la tradition suppose la persistance de l'intérêt que lui porte un nombre suffisant de personnes ».
 
En résumé : il suffit qu’un « nombre suffisant » de citoyens de Pérols, réunis ou pas dans une association taurine, aillent voir des spectacles taurins dans d’autres villes proches appartenant au même ensemble démographique (Vauvert, Mauguio, Lunel, Béziers, Boujan, Les Saintes Maries de la Mer, par exemple) ou organisent à Pérols des manifestations culturelles autour de la corrida, pour que la tradition ne soit pas interrompue au regard de la jurisprudence, quel que soit le temps écoulé sans organisation de spectacles dans cette localité.
 
En outre, la ville de Pérols étant membre de l’Union des Villes Taurines Françaises, la pérennité de la tradition locale qu’elle est fondée à revendiquer pour organiser des spectacles de corrida ou novillada ne peut être contestée.