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Dimanche, 19 Février 2023
land19ph
 
Autre clin d’œil au Sud-ouest : La course landaise (1)…
 
« Patrimoine culturel gascon particulièrement enraciné dans les Landes et les marges des départements voisins, la course dite landaise telle qu’on la connaît actuellement est née au cours du XIXe siècle. On peut cependant faire remonter les origines lointaines et primitives de cette tradition régionale jusqu’au Moyen Age.
 
En effet, un premier texte mentionnant, pour les interdire, des lâchers de taureaux, bœufs et vaches dans les rues du Sud-ouest est un arrêté des échevins de Bayonne daté de 1289 conservé aux archives municipales. A Saint-Sever, un autre document de décembre 1457 conservé aux Archives nationales (rémission accordée par Charles VII à un archer propriétaire d'une taverne dans laquelle les convives s'étaient battus un jour de course) et les comptes conservés de la ville, font état d’une coutume immémoriale de faire courir (c’est-à-dire poursuivre à la course) des vaches et bœufs dans les rues à l’occasion des fêtes annuelles de la Saint Jean.
 
Sans emplacement particulier réservé, ces courses consistaient à lâcher les animaux dans les rues, sans aucune précaution de sécurité, à la disposition des plus téméraires osant les provoquer et défier les cornes. Il s’agissait la plupart du temps de bêtes devant être conduites à l’abattoir, et cela devint un jeu anarchique et païen destiné à la jeunesse courageuse en quête de sensations.  Un compte rendu en gascon de 1603 montre qu’il s’agissait surtout de piquer l’animal avec des aiguillons fixés au bout de bâtons, et de feintes dites « à la barre panade », ou du « paré » qui consistait à détourner des mains la tête de l’animal lors de sa charge, tout en effaçant un peu le corps.
 
La tradition était tellement établie que le 29 août 1561 des courses de taureaux furent données à Saint Germain en Laye dans une enceinte fermée en l’honneur de Jeanne d’Albret, reine de Navarre, et de sons fils à peine arrivés à l’occasion du colloque de Poissy.
 
Elle n’était pourtant pas admise par les autorités religieuses. En 1567, une bulle du pape Pie V défendit, sous peine d’excommunication et d’anathème, de permettre des spectacles comportant des combats ou luttes avec des taureaux et autres animaux (visant particulièrement les courses espagnoles).
 
En 1634, 1641 et 1647, l’évêque d’Aire n’eut de cesse de vouloir interdire, en vain, les courses dans son diocèse. En réaction, dès 1636, les habitants de Mont-de-Marsan adressant une supplique au duc d’Epernon, gouverneur de Guyenne, déclaraient qu’ils étaient en possession, de temps et à jamais, de faire des courses de taureaux pour célébrer la fête de sainte Marie-Madeleine. Le duc y agréa et autorisa les courses le 18 juillet 1636, sous réserve de faire scier les cornes.
 
Déjà, un conseiller au Parlement de Bordeaux et chroniqueur, évoquant une course ayant eu lieu dans la ville en 1604, écrivit : « ces taureaux n’estoyent pas des plus furieux ni semblables à ceux qu’on faict courre à Bazas le jour et feste de la Sainct-Jean, au Mont-de-Marsan à la Magdelaine, et à Sainct-Sever à la Sainct-Jean aussi … car, en un mot, c’estoyent des bœufs ». (Jean de Gaufreteau, Chronique bordelaise, édition 1878, tome 2)
 
Pourtant, le 26 mai 1665, le conseil municipal de Saint-Sever, dans un contexte difficile de rébellion contre la gabelle et de la répression de l’intendant Pellot, abolit les courses « à tout jamais » pour mettre fin aux abus et à l’impunité passés. A Dax on interdit seulement les courses, sous peine d’amende, pour les bœufs destinés à la boucherie qu’on avait l’habitude de faire courir dans les rues avant de les tuer.
 
Partout, cependant, les tentatives des autorités se heurtèrent à l’opposition du peuple, comme à Aire en 1723 lorsque, après que le chanoine de la cathédrale et un jurat eurent tenté d’empêcher une telle course, la brigade de gens d’armes dut intervenir contre l’attroupement d’un peuple menaçant de s’armer.
 
L’enthousiasme populaire pour les jeux taurins occasionna en effet quelques désordres contre lesquels les autorités civiles et religieuses en charge de l’ordre public tentèrent par tous les moyens de mettre un terme.
 
En 1756, un paysan de Campet, jardinier du marquis du Lyon, qui s’était aventuré sans méfiance dans une rue de Mont de Marsan alors qu’un taureau venait d’y être lâché, fut renversé et piétiné et encorné. Plainte fut alors adressée à Louis Phélypeaux, secrétaire d’Etat de Louis XV, qui chargea l’intendant Mégret d’Etigny d’enquêter. Ce dernier ne manqua pas de préciser que cet accident avait été précédé de beaucoup d’autres « sans que les magistrats de Mont-de-Marsan ayent jamais pu y mettre ordre, par l’entêtement des habitants du lieu qui sont extrêmement attachés à ces sortes d’amusements, nonobstant les risques qu’ils courent eux-mêmes en irritant les taureaux ou bœufs que l’on fait courir dans les rues de la ville », ajoutant que «  juge que le peuple ne se soumettrait point à des ordonnances ou règlements de police tendant à les empêcher ».
 
A suivre…
 
Patrice Quiot